Si c’est vrai ce que l’on dit,
si c’est vrai que c’est notre passé qui nous construit;
alors vous et moi ne sommes que souvenirs.
Les souvenirs de nous mêmes. Tant est si bien
que notre aujourd’hui est une langue étrangère que nous faisons semblant de comprendre
voire même de parler.
Je suis mon passé, je vis dans ma propre mort
et le temps n’affecte que mon identité,
et donc mes rêves
et donc mon futur, ainsi que mon non-futur.
Je suis celui que j’ai été, et celui que j’aurais rêvé d’être.
Mon passé est un ensemble de futurs réussis et manqués,
et mon futur est le reflet de mon passé dans une flaque à peine visible,
là, au détour d’une ruelle exiguë quelque part entre la gloire et moi.
Je suis tous les moi de ma vie,
des souvenirs et des rêves.
Mais là dedans, rien qui ne me suffise, rien que je ne puisse toucher, sentir.
Sans concret, sans attache, sans goudron sous mes pieds.
Je dors ma vie.
Et ma nuit est marqué de ce que j’ai vu, et de ce dont je rêve.
Aucun présent, je ne suis jamais vraiment là.
Je n’ai peut-être été moi que le jour de ma naissance,
quand mon passé était une feuille vierge.
Et je ne le serai peut-être de nouveau que lorsqu’il n’y aura plus de feuilles
et que j’aurais annoté, jusqu’à la dernière marge de la dernière page.
Plus de place, personne n’aura le courage de lire tout ça.
Je prends mon temps pour écrire.
Je me souviens de tous ces visages que je n’ai jamais su fixer
.
Autrement dis, je les rêve
.
Voilà mon présent,
mon jour se page.