Somptueuse la nuit était, avec cette lune imposante par son visage rond et tendrement éclairé, et ces innombrables étoiles discrètes et dispersées mystérieusement dans le ciel, et ce petit vent rafraîchissant qui fait danser les épis de blé sur leurs tiges dans les plaines. Elle était encore plus fastueuse cette nuit, après une journée envahie par un soleil éblouissant, qui accaparait le haut et enflammait le bas.
C’est ici et seulement ici, en Provence, au pays des étoiles, que ces nuits féeriques peuvent être croisées.
Le ciel est plus proche ici qu’ailleurs. Les astres restent éveillés pour tenir compagnie à ceux qui regardent loin là-haut, quand ils ne voient plus personne, proche à côté.
Si les couchers du soleil riment avec tristesse, les nuits étoilées, quant à elles, riment avec solitude. Dans son ciel, la lune réconforte. Elle est toujours là, même quand tout le monde fait défection.
Contrairement au « Petit Prince » de Saint-Saint-Exupéry qui vivait sur une planète à peine plus grande qu’une maison, on se sent tout petit ici devant ce grand univers. Des souvenirs, des visages, des voix, resurgissent, et l’enfant en soi refait surface, sous le regard de sa majesté la lune, qui joue les marées hautes et les marées basses avec notre mémoire et nos sentiments.
Les marées basses dévoilent le visage, la voix, et le sourire de ceux qu’on a aimés, et qui ne sont plus là. Ils sont peut-être en train de nous regarder de très haut et de très loin. On sent une certaine humidité dans les yeux que les paupières échouent à contenir, mais que le vent assoiffé, assèche à son passage.
Les marées hautes couvrent les disgrâces du passé, et flirte l’esprit avec des sensations qu’apportaient l’amour, le mariage, les enfants, et les éclats de rire de beaucoup qu’on a connu. Un sourire instinctif se dessine sur le visage, la brillance de la lune se retrouve dans le cœur.
Quelques notes de piano des « Nocturnes », et on est plongé dans un état d’hypnose. J’ai l’impression que je n’étais pas la seule victime de cette musique lente et pathétique. Quand j’ai ré-ouvert les yeux, je ne sais plus combien de temps après, réveillé par les frissons de la rosée de l’aube, le ciel était repeint d’un bleu doux. Mes compagnons de nuit avaient quitté les lieux, probablement emportés par la mélodie souple et ornementée de Chopin.