J’allais avoir onze ans quand tout est arrivé. Nous étions à table, en plein dîner. Une soirée comme les autres où chacun racontait sa journée, un repas apaisant, comme je les aime. À ce moment là, Margaux, Simon et Lise étaient encore à la maison. Ils travaillaient, tous obnubilés par leurs notes, concentrés pour obtenir leurs fameux résultats. Je n’y comprenais pas grand chose, moi, jeune collégienne que j’étais, mais je savais que tout cela était sérieux, et qu’il ne fallait pas le prendre à la légère. Par chance, il me restait Arthur, mon petit frère, un garçon plein de rêves et de magie. Il n’avait que quatre ans à l’époque mais voulait déjà être pilote de ligne.
J’aimais l’écouter décrire tous les phénomènes du ciel, les risques à prendre, le bonheur du métier.
J’aimais l’écouter parler avec détermination, motivation, alors que j’ignorais tout de mes études à venir.
Ce soir là, étrangement, comme lors d’une annonce, un silence régnait. On pouvait entendre les claquements des cuillères contre les bols, le bruit du couteau dans le pain, les bailllements de ma sœur aînée et les soupirs de mes parents. Quand j’y repense aujourd’hui, je me dis que j’aurais du me douter que ce calme ne serait que de courte durée.
C’est ma mère qui a tout brisé. Elle a posé son couvert sur la nappe, a levé sa tête et son menton pour s’adresser à nous:
– les enfants, a-t-elle commencé avec sa voix innocente qui avait l’habitude de m’inspirer la crainte, votre père et moi sommes fatigués. Fatigués de cette vie d’entreprise, de ce monde urbain, de ces journées polluées. Depuis plusieurs mois maintenant, une idée nous a traversé l’esprit. Nous avons réfléchi pour conclure que cette fameuse idée ne serait que bénéfique pour la famille. Donc, je vous l’annonce, nous partons dans deux mois habiter dans une magnifique région qu’est le Poitou-Charente et ainsi renouer avec la ruralité.
Elle a terminé sa phrase en baissant la voix, comme pour nous signifier que la conversation s’arrêtait là, point. Je crois que l’information a mis quelques secondes avant d’atteindre mon cerveau. Mais c’est Lise qui s’est empressée de parler la première:
– Quoi ?! Ça veut dire qu’on doit déménager, quitter les potes, le lycée, la maison, la ville, tout ? Ça veut dire qu’on doit tout supprimer pour de nouveau se reconstruire ?
Maman a gardé le silence avant de prendre un ton calme.
– Non, enfin pas vraiment. Margaux, Simon et toi resterez à Lyon. J’ai déjà prévu ta réinscription dans un internat où tu pourras y étudier le Droit.
– Ça veut dire que je quitte la maison ?
– Oui.
Je peux encore me rappeler le cris de joie qui a suivi la réponse. Ma sœur n’avait que seize ans, mais elle rêvait de faire sa propre vie depuis assez longtemps.
– Et nous ?a demandé Simon en incluant Margaux.
– Il y a bien longtemps que vous auriez dût quitter le cocon familial et en voilà une belle occasion ! Les studios sont à des prix raisonnables dans le coin.
Je ne me souviens pas de leur réponse, peut-être n’ont-ils tout simplement rien dit. Papa a débarrassé la table. Il se débrouillait toujours pour partir lorsque la conversation le mettait mal à l’aise. Je détestais cette vieille habitude de fuite, mais je n’ai pas eu l’audace de le lui reprocher.
Ainsi donc j’allais déménager, partir, me séparer de Lyon, cette ville qui me protégeait depuis tant d’années. Je ne saurais dire si j’étais triste ou heureuse, si j’avais peur ou non. L’annonce de maman semblait avoir retirer mes sentiments, toutes les émotions que je gardais en moi. Elle m’avait vider de l’intérieur, elle m’avait supprimer quelque chose que je crois n’avoir jamais récupéré.
Je ne sais pas si on peut être trop jeune pour publier. En tout cas c’est très bien écrit !
Franchement, en lisant, je n’ai pas eu une impression de jeunesse. C’est bien écrit. C’est plutôt accrocheur. Continue comme ça. Si je voulais faire mon chiant, je dirais qu’il y a quand même quelques petites fautes :p
Lyon <3
Bonne entrée en matière, l’ambiance familiale est intelligemment retranscrite, le point de vue d’Estelle est bien respecté
Les parents ne devaient vraiment plus en pouvoir pour annoncer quelque chose comme ça à leurs enfants sans leur en avoir parlé avant !