Le Dernier Brûleur d’Étoiles – La Voix du Mirage, chapitre 17

4 mins

Dans ce chapitre, Gwenvael commence à en avoir assez de l’attitude de Galahad à son égard…

Galahad monta la garde toute la nuit, et nous repartîmes avant que l’aube ne fût complètement levée. J’eus un peu moins de mal que la veille à me tenir à cheval ; il faut dire que nous étions dans une partie très dense de la forêt, et que la plupart du temps, nous étions obligés de marcher au pas. Ce­pendant, cela n’empêcha pas ma monture de faire des écarts, de se cabrer, et de me désarçonner une fois, le tout sous les soupirs exaspérés de Galahad. Quand le soir tomba, je fus bien content de mettre pied à terre. « Je me souviendrai des joies de l’équitation », pensai-je avec amertume pendant que Galahad attachait les chevaux.

Comme la veille, nous mangeâmes des provisions que Yuma avait fait préparer pour nous. Puis, alors que je pensais pouvoir me reposer de cette fatigante journée, Galahad me dit :

– Tu vas monter la garde cette nuit. Tu me réveilleras dès les premières lueurs de l’aube.

Je poussai un grognement, mais il n’en tint pas compte et s’allon­gea sous un grand arbre. Il s’endormit rapidement, et une longue, très longue attente commença pour moi. Je n’avais pas spé­cialement peur ; certes, il faisait nuit noire, mais je voyais les che­vaux qui broutaient tranquillement ; et je me dis que s’il y avait eu du danger, ils n’auraient pas été si calmes. Je passai la nuit à res­sasser la discussion entre Yuma et Galahad. Il ne faisait pas suffi­samment clair pour que je puisse parcourir le livre que le prince m’avait donné, et pourtant, je brûlais d’impatience d’y jeter un coup d’œil.

Au bout de quelques heures qui me parurent interminables, les premières lueurs de l’aube apparurent dans le ciel. Je m’apprêtais à réveiller Galahad, mais soudain, une idée me traversa l’esprit. Il prétendait ne pas avoir besoin de moi ? C’est ce que nous allions voir.

Sans un bruit, je pris mon sac et escaladai le gros arbre sous le­quel j’avais passé la nuit. Ses branches basses et épaisses m’aidèrent à prendre appui pour me hisser assez haut. Je grimpai de branche en branche, et quand je fus suffisamment en hauteur, je m’arrêtai. De là où je me trouvais, je voyais parfaitement Galahad ; en re­vanche, lui ne pouvait sans doute pas me voir. J’attendis sans bou­ger qu’il se réveille, ce qui se passa à peine cinq minutes plus tard. Il jeta un coup d’œil vers le ciel et se tourna vers l’endroit où j’aurais dû monter la garde, probablement pour me reprocher de ne pas l’avoir réveillé plus tôt. La surprise se peignit sur son visage lorsqu’il trouva la place vide.

– Gwenvael ?

Sa voix était tout à fait calme. Il mangea un peu, but quelques gorgées de l’eau de sa gourde, et comme je ne revenais pas, appela encore :

– Gwenvael ?

Il avait parlé plus fort, mais toujours calmement. Et à nouveau, le silence lui répondit.

– Gwenvael, je te préviens que si c’est une farce, tu vas passer un sale quart d’heure, menaça-t-il.

« Encore faudrait-il que tu me trouves », pensai-je. Quelques minutes s’écoulèrent, et cette fois, quand Galahad appela, je perçus une pointe d’inquiétude dans sa voix.

– Gwenvael, où es-tu ? Réponds !

Il commença à me chercher, à regarder sur le sol s’il trouvait des traces de lutte. Il jetait de fréquents coups d’œil autour de lui et ne lâchait pas la garde de son épée. Je crus voir de la peur dans ses yeux, mais je ne pouvais pas l’affirmer. Ce dont j’étais certain, en revanche, c’est qu’il était inquiet et paraissait très ennuyé. Et s’il était inquiet et ennuyé, cela signifiait, d’une certaine manière, que je devais bien avoir une importance quelconque pour lui.

Je le laissai tourner en rond pendant un très long moment ; il n’arrivait pas à se décider à partir à cheval et m’abandonner. Alors qu’il s’était un peu éloigné dans l’espoir de me trouver, je descendis de mon arbre. Quand il revint et me vit, il se figea.

– Où étais-tu ? questionna-t-il d’une voix mi-soupçonneuse, mi-soulagée. Je t’ai cherché partout, j’ai cru qu’il t’était arrivé quelque chose.

– Et après cela, vous prétendrez encore que vous n’avez pas be­soin de moi ? dis-je d’un ton triomphant. J’ai tout vu, Galahad. Votre inquiétude, et tout ça. Rien ne m’a échappé. J’avais raison.

Si j’avais pu prévoir sa réaction, jamais je n’aurais prononcé ces mots avec autant d’insolence. Mais j’étais bien trop heureux du tour que je lui avais joué pour réfléchir à la manière dont il réagirait lorsqu’il me retrouverait.

Il plongea ses yeux dans les miens et me foudroya du regard. Aussitôt, une douleur fulgurante s’empara de mon corps. Je serrai mes bras autour de mon ventre, incapable de comprendre ce qui m’arrivait. J’avais l’impression que mes entrailles étaient en train de brûler. Je voulus hurler tellement j’avais mal, mais aucun son ne parvint à franchir mes lèvres. J’étais complètement paralysé, téta­nisé par la souffrance. Sans vraiment m’en rendre compte, je me retrouvai à genoux. La douleur était telle que j’étais sur le point de perdre conscience. Autour de moi, tout était flou ; je ne voyais plus rien, sauf les yeux de Galahad. Deux cercles de lumière grise, aussi froide que la banquise.

J’essayai de détacher mon regard du sien, en vain. Je voulais me dégager, m’arracher à son emprise, mais j’en étais incapable. La souffrance qui me rongeait de l’intérieur me clouait au sol. J’aurais tout donné pour qu’il arrête. J’avais mal. Bien trop mal pour pou­voir en supporter davantage. Il fallait qu’il cesse ; dans ma tête, je tentai de le supplier de me laisser tranquille, mais je n’arrivais même plus à réfléchir. Il me semblait que tout avait disparu autour de moi. Tout, sauf la douleur et la lueur glaciale de ses yeux gris pâle.

Et soudain, tout cessa d’un seul coup. La douleur s’estompa, tout comme le brouillard qui flottait autour de moi. Les contours des arbres redevinrent nets. J’étais recroquevillé sur le sol, et Galahad était debout devant moi, l’air furieux. J’eus du mal à reprendre mes esprits. Galahad m’empoigna sans ménagement et me força à me mettre debout.

– Ne refais jamais ça, prévint-il d’une voix qu’il maîtrisait à grand-peine.

Il détacha mon cheval et me fit signe de me mettre en selle. Cho­qué, j’obéis, montai sur mon cheval comme un somnambule et sui­vis Galahad sans avoir conscience de ce que je faisais.

Je n’avais plus mal, mais au fur et à mesure que je reprenais mes esprits, la peur s’emparait de moi. J’ignorais totalement comment Galahad avait pu me faire subir une telle souffrance, sans me tou­cher, mais je savais que c’était lui, que ce n’était pas un simple ma­laise. Je ne savais pas comment c’était possible, mais s’il était capable de me faire souffrir de cette façon, il pouvait tout aussi bien me tuer.

Et je n’avais pas envie de mourir, encore moins avant d’avoir dé­couvert ce que je fabriquais ici.

À suivre mardi prochain !

No account yet? Register

0 Commentaires
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Lire

Plonge dans un océan de mots, explore des mondes imaginaires et découvre des histoires captivantes qui éveilleront ton esprit. Laisse la magie des pages t’emporter vers des horizons infinis de connaissances et d’émotions.

Écrire

Libère ta créativité, exprime tes pensées les plus profondes et donne vie à tes idées. Avec WikiPen, ta plume devient une baguette magique, te permettant de créer des univers uniques et de partager ta voix avec le monde.

Intéragir

Connecte-toi avec une communauté de passionnés, échange des idées, reçois des commentaires constructifs et partage tes impressions.

0
Exprimez-vous dans les commentairesx