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Dehors, l’orage battait son plein. L’aubergiste tenait un chiffon rouge avec lequel il nettoyait un verre, lorsqu’il entendit la cloche de la porte teinter. Quelqu’un entrait.
Il leva la tête et avisa une silhouette encapuchonné, l’eau ruisselait sur son vêtement noir et finissait sur le parquet en bois quelque peu vermoulue. Ce vêtement ne suffisait cependant pas à cacher certaines parties de sou corps où l’on pouvait apercevoir des pièces d’une armure rutilante, de bonne facture à n’en point douter. Un chevalier?
La dizaine d’hommes présents arrêtèrent quelques instants leurs parties de carte et leurs concours de bière pour observer le nouvel arrivant.
Le village était l’un des plus grands de Cassalie, la route de l’autre côté menait au bout de deux jour à cheval au manoir du baron Rolland, alors il n’était pas rare d’y voir passé des chevaliers.
Celui-là avait néanmoins quelque chose d’étrange. Pourquoi protéger son visage de la sorte?
L’homme tourna son visage dans toutes les directions comme à la recherche de quelqu’un, en prenant soin de garder la tête suffisamment basse.
August ne cherchait pas une personne en particulier, son regard passait sur tous les visages à la recherche du moindre indice. August avait le regard vif et une très bonne mémoire, il cherchait sur les visages le moindre signe qui lui rappellerait leurs assaillants. Il était aussi très observateur, scrutait le comportement des hommes présents, leur gestuel lui donnait une idée de leurs état d’esprit. Ils étaient plus curieux qu’autre chose, pas un danger.
Il inspecta plus minutieusement l’auberge, chaleureuse, accueillante, propre aussi , une main féminine passait par là, la femme de l’aubergiste qu’il avisait derrière le comptoir en fond de salle sans doute. L’espace commun était assez grand pour accueillir une centaine d’hommes, les trois lustres à bougies diffusaient lumière et chaleur agréables dans la pièce. Ils s’arrêteraient ici.
Le capitaine rabattit sa capuche en arrière, dévoilant ainsi sa tignasse rousse et se passa une main dans ses cheveux devenus poisseux. Il avança au milieu des tables rondes et se dirigea d’un pas leste vers le comptoir où il s’accouda.
L’aubergiste scruta l’individu de haut en bas. Grand, stature haute, on devinait des muscles saillant sous sa cape, le cheveux roux clair , des yeux émeraude qui vous transperçaient , un nez aquilin, une bouche fine et le teint hâlé. Un homme du sud.
Le chevalier se racla la gorge.
– Vous comptez frotter longtemps? Je crois qu’il est propre maintenant.
Se rappelant qu’il avait un travail, l’aubergiste déposa le verre et le chiffon qu’il n’avait cessé de triturer. Il se rapprocha et sourit au chevalier, avenant il s’excusa puis demanda :
– Veuillez m’excuser mon sieur, j’étais égaré dans mes pensées. Que puis-je faire pour un brave soldat comme vous? Un repas chaud et un lit peut-être?
– Entre autre chose.
Se penchant au dessus du comptoir, August fit signe au bonhomme de s’approcher, ce dernier s’exécuta et il lui demanda :
– De combien de chambres libres disposez-vous?
L’aubergiste trouva sa question bien étrange, inspectant le chevalier d’un air circonspect, il avisa la médaille d’or qui lui pendait au coup. Un capitaine de la garde. Il était avec ses hommes sans doute et peut-être même escortaient-ils quelques seigneurs. Ceci expliquerait cela, voilà un bon moyen de renflouer les caisses, ils voudraient être seul et y mettraient le prix. Il se dépêcha de répondre.
– Ben, ma foi , savez c’est pas la haute saison. J’ai ici au moins vingt-deux lits de disponibles repartis sur quinze chambres.
– Excellent, je les prend toutes. Je suis avec mes hommes, vous nous ferez monter repas et boissons directement dans les chambres. Nous accompagnons des membres du clergé. Soyez discret sur notre présence.
– Bien, sieur, nous préparons le repas et les chambres de ce pas. Déna, appela t-il.
Une jeune fille brune drapée d’une jupe blanche et d’un haut brun, au dessus desquels elle avait passé un tablier poussiéreux, sorti de l’arrière salle. La main féminine. Elle répondit d’une voix fluette.
– Oui, papa. Tu m’as appelée?
– Prépare toutes les chambres et rapidement. Demande à Maria de t’aider.
La jeune femme scruta longuement August de son regard noisette détaillant ses traits, elle était visiblement charmée. Son père claqua la langue, lui signifiant d’arrêter. Elle détourna le regard vers son père.
– Nous nous y attelons de ce pas.
Elle disparu par là où elle était venu.
August reporta son attention sur l’aubergiste, et murmura pour éviter que les oreilles qui s’étaient dressées dans leurs direction suite à l’apparition de la jeune Déna ne captent ses paroles.
– Dans combien de temps ses gens auront-ils vidés les lieux?
– Dans pas longtemps. Je crois qu’ils vont partir maintenant.
Au même moment, un jeune homme trempé de la tête au pied déboula dans la pièce et s’écria tout excité.
– Les gars , ils vont commencer, ramenez vous.
Les clients de l’auberge vidèrent leur chope d’une traite et sortirent en trombe de l’auberge, se moquant de la pluie battante.
– Où vont-ils? Demanda le capitaine intrigué.
– Ils se rendent à l’enclos , le spectacle va commencer.
Allons bon, un enclos, un spectacle. De quoi s’agissait-il? Un combat de cochon sous la pluie? Voilà qui serait orignal. Peu importe, ce n’est pas notre rouquin qui allait s’en plaindre.
Il sorti en prenant soin de remettre sa capuche et de déposer deux bourses pleines de joyaux andorriens sur le comptoir. Il ne voulait vraiment pas être dérangé.
Il se ramena plus tard avec une cinquantaine de guerriers, drapés du même tissu que le sien , ainsi que cinq autres personnes drapés eux, d’un tissu bleu marine, ce dernier était plus nobles que celui de leurs gardes du corps.
Ils enlevèrent tous leurs capes, les chevaliers s’ébrouèrent vivement. Le capitaine Azerti tonna.
– Montez dans les chambres, et reposez-vous, un repas vous sera monter. Mettez en place des tours de gardes, sait-on jamais.
L’aubergiste cilla, des tours de gardes. Serait-il en danger? Non, sûrement pas, il devait s’agir du protocole.
L’aubergiste observait les cinq arrivants que l’on protégeait, le chevalier n’avait pas menti, c’était bien des membres du clergé. Cela n’enleva rien à sa surprise, quand parmi eux il reconnu le grand prêtre Jelling.
Que faisait-il ici?
Jelling ordonna à ses apprentis de faire comme les chevaliers, manger et se reposer.
Il avisa le comptoir, et de ses yeux ridés il scrutait l’aubergiste, cherchant à descellé on ne sait quoi.
Il dû trouvé, puisqu’il s’approcha, même si son pas se voulait prudent.
Le voyant venir à lui, l’aubergiste esquissa une courbette disgracieuse et salua.
– Votre Eminence, c’est un réel plaisir de vous avoir ici.
– Merci mon brave, répondit le prête de sa voix enrouée plus par la vieillesse que par le froid. J’aurais grand besoin de votre aide, il me faut un renseignement.
Les chevaliers qui s’agitaient dans tous les sens ralentirent le pas , laissant trainer leurs oreilles indiscrètes. Leur capitaine leur fit signe de déguerpir, ils s’exécutèrent derechef.
– Que voudrais savoir son Eminence?
– Connaissez vous un certain Azurin? Il vit dans ce village.
– Azurin…
– Ça dépend, vous lui voulez quoi? Coupa Déna, sec.
Se tenant sur les marches de l’escalier qui menait à l’étage, une pile de draps dans les mains, elle fixait le prêtre qui se tourna vers elle, et ne fit même pas cas de son père qui la fixait durement.
Jelling, observa la jeune fille, elle le connaissait certainement. Il se voulu courtois.
– Bonjour mademoiselle. Vous êtes une amie sans doute.
Elle ne répondit pas.
– Voyez-vous, si je le recherche, s’est pour lui transmettre un message de son père.
– Vous êtes pas celui qui venait d’habitude. Et puis l’autre, il venait toujours seul.
L’autre? D’habitude? Jelling scruta mieux la demoiselle. Il semblerait qu’elle en sache plus qu’il ne croyait. Il l’interrogea, toujours sur le même ton.
– Vous êtes bien renseignés sur notre affaire à ce que je vois. Qui donc vous a mis au courant de tout cela?
Visiblement fier d’être dans la confidence d’une affaire importante, Déna leva le menton et regarda le prête droit dans les yeux.
– Azur et moi sommes de très proches amis voyez-vous, il me dit tout. Je sais que son père envoi parfois un homme pour le chercher au village et qu’il part le retrouver en secret.
Se rendant compte qu’elle en avait peut-être trop révélé, elle se pinça les lèvres et se sermonna intérieurement.
Par Anxion, c’est qu’elle était bien renseignées. Ce garçon serait-il sot? On a pas idée de confier pareil secret à une donzelle. Heureusement, elle lui semblait fidèle, elle n’aura sans doute rien dit à personne.
– Vous savez donc qui est son père? Demanda le prêtre pour se rassurer.
La jeune femme secoua la tête.
– Non, ça il ne me l’a pas dit.
– Je vois, fit le vieil homme. Pas sûr qu’il le sache lui même, dit-il pour lui même.
Il resta quelques secondes sans parler, il semblait réfléchir, puis repris.
– Vois-tu mon enfant, si je suis là c’est parce que le père de ton ami n’a pas pu se déplacer aujourd’hui
Il m’a donc chargé de le ramener auprès de lui, il a des choses importantes à lui dire.
– Vraiment! Donc vous voulez emmener azur loin d’ici?
– Déna, il suffit maintenant, asséna le père visiblement énervé que sa fille ignore ses regards.
Il se tourna vers Jelling, tout respectueux et révéla.
– Votre Eminence, si vous cherchez ce garçon, il sera probablement à l’enclos comme tout les jeunes hommes du village.
Déna lança un regard furieux à son père. Se fut à son tour de l’ignorer.
August lui, suivait la conversation à distance, peinant à tout saisir.
Azurin. Père. Rencontre secrète. D’habitude. Ramener. Choses importantes.
Jelling semblait vouloir repartir d’ici avec un jeune garçon que son père faisait quérir. Ils étaient pourtant en mission pour le roi. Que devait-il comprendre?
– Et comment pouvons-nous nous rendre à ce fameux enclos dont vous parlez? Demanda le prêtre en se détournant de Déna.
– Pas compliqué, vous suffit de suivre les cris.
– Merci bien. Je vous confis nos braves soldats, ils ont grand besoin de repos.
– Bien entendu votre Eminence, il sera fait comme vous voulez.
Il fit signe à sa fille de déguerpir et d’aller terminer son travail. Elle s’exécuta, non sans marmonner quelques paroles inaudibles.
Jelling se tourna vivement pour un homme de son âge, saisi sa cape et s’en revêtit prestement, il ordonna.
– Capitaine Azerti, avec moi.
Comme August faisait mine d’appeler deux hommes pour qu’ils les suivent, le prêtre précisa.
– Seul.
Le capitaine s’exécuta. Mais qu’est ce qui se passait ici. Bon sang. C’est quoi cette mission?
Il sorti de la pièce à la suite du religieux, non sans embarquer son manteau.
C’est qu’il pleuvait toujours dehors.