HUIT — MAËLLE
Le lendemain du sauvetage de Léane, j’ai été surprise de le voir, comme il avait sécher tout l’après-midi de la veille je pensais qu’il en viendrait pas ce jour-là. Il avait une allure étrange, comme s’il n’avait pas dormi. En maths, je vis sa tête se poser sur sa table. Je souris. Finalement, il était comme tous les autres garçons : il avait trop tardé la veille au soir et il s’endormait en cours le lendemain.
Au bout de quelque minutes, il se mit à bouger et à gémir doucement en fronçant les sourcils, il faisait un cauchemar. J’hésitai à le réveiller, mais je ne voulais pas qu’il sache que je l’observais. Soudain, il se réveilla en criant. Il se précipita à ranger ses affaires, je ne comprenais pas ce qui s’était passé mais il avait l’air très perturbé. Il avait remarqué que je le regardais mais il m’ignora délibérément. Après que son sac fut fermé, il inspira profondément et me regarda. Il avait l’air déconcerté, surpris, effrayé mais surtout en colère… contre moi. Je ne comprenais pas, pourquoi ? Qu’est-ce que je lui avais fait ?
Et sans rien dire, il sortit de la salle en claquant la porte et je l’entendis courir.
Toute la classe regardait la porte, ils n’en revenaient pas : un élève s’était enfui d’un cours, sans rien dire. M. Bacheux était bouche bée, puis il se reprit et soupira. Il réfléchit, sûrement à l’attitude qu’il devait prendre, et dit finalement :
– Bon. On pourrait peut-être reprendre le cours.
– Monsieur, dit un élève, vous ne pourriez pas nous en dire un peu plus sur le nouveau ? Il est vraiment bizarre.
– Et pourquoi tu ne vas pas lui demander directement, Hugo ? répliqua le professeur. Écoutez, je ne sais rien de plus que vous à son sujet. Mais… je pense qu’il faut le laisser tranquille.
– Oui. Si vous vous approchez trop de lui, il vous cassera une main, marmonna Samuel.
M. Bacheux ne dit rien, ce qui me surprit. D’ordinaire, il défendais ses élèves mais, là, j’avais l’impression qu’il était d’accord avec Samuel.
C’est pourquoi je vins le voir à la fin du cours.
– Monsieur, vous pensez vraiment qu’Alexandre est dangereux ?
– Non. À vrai dire, je ne comprends pas ce garçon. Il n’est pas normal, il…
Il n’arrivait pas à dire ce qu’il pensait mais je le comprenais.
– Vous pensez qu’on peut l’aider ?
– J’ai l’habitude de dire que chaque personne peut être aider. Mais je crois qu’il ne nous laissera pas l’approcher.
– Je vais quand même essayer.
Il hocha la tête.
– Bon courage.
Je sortis.
À la maison, je ne pouvais pas parler de mes soucis. Ma mère s’en fichait, mon père ne pouvait pas m’aider et mon petit frère… je n’étais pas sûre qu’il soit assez mature pour comprendre. Au dîner, les seuls conversations étaient d’ordre politique ou sur travail de mes parents (mon père était PDG d’une PME de sous-vêtements et ma mère travaillait dans la mode). Ma famille était plutôt aisée, nous avions un belle maison avec un grand jardin, un ordinateur par personne et nous pouvions nous permettre de belles vacances. Mais la famille en elle-même n’était pas une famille idéale : ma mère était méprisante et narcissique, et mon père était un gamin. Mon petit frère était le seul membre de ma famille qui comptait vraiment pour moi.