La chanson de l’Aube

3 mins

De tous je réclame le silence.

A votre demande, ici commence

Une chanson qu’en votre présence

Il me faut dire en long.

C’était avant que ne soit le monde.

Aucun champ ne portait l’orge blond,

En la mer une écume inféconde

Et ténèbres les cieux.

Nés du ciel, de la Terre rocheuse,

Étonnés, s’éveillèrent les dieux,

Déjà dans la plaine ténébreuse

Investis de science.

Dieux des choses et dieux des vivants,

Ils méditaient, sondaient le silence,

Étant de toutes choses savants,

Artisans Très-Habiles.

Ils se mirent sitôt à bâtir

Au milieu du désert infertile

Une cité pour leur seul plaisir.

Drèmée nous la nommons.

Il y avait de vides maisons,

Jardins secs et marchés sans sermons,

Temples où nul n’oyait d’oraisons,

Le lieu de leur repos.

Or arrivaient à Drèmée la Haute,

A pieds, sans vêtements sur leurs peaux,

Hommes et dieux. Ils cherchaient un hôte

En cette obscurité.

Ils venaient, en deuxième éveillés,

Guidés vers Drèmée par sa clarté,

Les dieux bons allant émerveillés,

Les hommes trébuchant.

Le Ciel éveilla ces dieux cléments

Pour apparaître le plus puissant

Et la Terre pour son agrément

L’humain au pas pesant.

Édole, dont le renom fut grand,

Dieu forgeron, chef des artisans,

Menait ces hommes et dieux errants

Devant les dieux Premiers.

Il vit Drèmée, si bien façonnés

Ses murs, si bien dressés ses piliers !

Il jalousa l’art de ses Aînés,

Alors il fit la lune.

Il la lance – un feu point, qui ne fume ;

Elle s’élève, éclaire la dune

Et ce plat désert gris qu’elle allume

En un rayon austère.

Grande joie des hommes : il voyaient – 

Le monde n’était plus un mystère – 

Ils chantaient Édole, ils le croyaient

Digne d’être leur roi.

De cela, Tempête prit ombrage.

Il s’avança dans le désert froid,

Prétendit pouvoir faire un ouvrage

Entre tous excellent.

Il fabriqua, fort habilement,

Le soleil qu’il fit bel et brûlant,

Le lança, roue dans le firmament,

Fit du jour sa parure.

Et le Rival étonné perçut,

Jalousa cette lumière sûre ;

Il courut à l’ire qu’il conçut

Défier le grand Tempête.

Les hommes, les dieux, se divisaient

Pour savoir qui tiendrait à leur tête

Un sceptre ; bientôt ils s’épuisaient

A la première guerre.

Édole et Tempête s’affrontaient

Sous les deux luminaires ; la Terre

A leurs pas tremblait, les cieux branlaient ;

En hargne ils n’ont de pair.

Calide adopta dès son éveil

Pour l’expression de toute colère

Et de joie le meilleurs des conseils

Et la paix pour tout vœu.

Elle frappa les astres aux cieux ;

La lune seule gâtée – aveu

D’un ouvrage entre tous consciencieux

Or imparfait – d’une ombre,

Édole s’humilie, plein de honte ;

Il acclame en louanges sans nombre,

En des vœux dont on ne fait le compte,

En roi, son adversaire.

Tempête, empli de juste sagesse,

Assigna pour chaque luminaire

Un destin : roi du jour et maîtresse

Au milieu de la nuit.

Sous le ciel nocturne, Édole mit

Des gemmes ; toujours, la voûte luit

Qui souvent au voyageur permit

De trouver un chemin.

Depuis viennent et passent sans fin

La nuit, le jour, veille et lendemain ;

Jour pour les travaux grossiers et fins,

La nuit pour le sommeil.

Les ruines de Drèmée s’effondraient

Sur des humains morts sous le soleil.

Il fallut – tous alors les pleuraient – 

A la Terre les rendre.

Le repos réclamait les vivants.

Certain dieu fit alors l’herbe tendre ;

Ici dormirent également

Le dieu bon, l’humain preux.

Au réveil des vivants en ces lieux,

Sur la tombe aux glorieux malheureux

Avait crût un grand Arbre ; à cent lieues

Ses rameaux jetaient l’ombre.

Ses fruits semaient arbres et buissons

Selon chaque rêve, bel ou sombre,

Offert par ceux-là qui songeront

Toujours sous ses racines.

Toute chose, hôtes, se doit finir :

En ce point ce récit se termine ;

Il est ce qu’estiment, sans mentir,

Les hommes sur tout.

© Cédric L. Martin, 2021.

© Sarah Poncet, 2017, pour l’illustration.

No account yet? Register

0 Commentaires
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Lire

Plonge dans un océan de mots, explore des mondes imaginaires et découvre des histoires captivantes qui éveilleront ton esprit. Laisse la magie des pages t’emporter vers des horizons infinis de connaissances et d’émotions.

Écrire

Libère ta créativité, exprime tes pensées les plus profondes et donne vie à tes idées. Avec WikiPen, ta plume devient une baguette magique, te permettant de créer des univers uniques et de partager ta voix avec le monde.

Intéragir

Connecte-toi avec une communauté de passionnés, échange des idées, reçois des commentaires constructifs et partage tes impressions.

0
Exprimez-vous dans les commentairesx