Pour le sage et pour qui voudrait l’être,
Il est bon d’apprendre et de connaître
En entier, par les sons et la lettre,
Et dieux et leurs pouvoirs.
Les Premiers Eveillés :
Tempête porte le royal gage.
Il avait ordonné jour et soir,
Commandait à la pluie, au nuage,
Et l’éclair fait sa lance.
Il dirigeait les aigles géants ;
Depuis leurs ailes tout vent s’élance –
Un bien pour ceux qui sur l’océan
Orientaient leurs vaisseaux.
Il éveilla sur un divin mot
Les habitants des cieux, les oiseaux.
Eux lui rapportaient les biens et maux
Que le monde produit.
Le Corbeau qu’à sa femme il offrit
Était blanc, qui devint comme suie
Car il sait beaucoup, beaucoup apprit
De ses pairs sur le monde.
Océan régnait sur les poissons.
Sa demeure était île sur l’onde.
Il nous apprit à faire hameçon,
Filet, ligne et galère.
Tous lui vouaient crainte et grand respect :
Tantôt calme, tantôt en colère,
Il faisait la guerre en temps de paix,
Brandissant son harpon.
Gemme fit la vallée qui s’enfonce
Et les monts où l’on jette nos ponts.
Pour l’abeille qui salue la ronce
Et l’écureuil zélé,
Pour les animaux a-t-elle œuvré ;
A son mot, les sources ont coulé.
Quand elle allait par forêts et prés
Sa suite était de bêtes.
Guerre est celui-là qui toujours veille.
Armées, guerriers, il est à leur tête.
On dit des champions qu’il les conseille
Au nom de la victoire.
Il ne laisse jamais lance ou lame ;
On appelait sa monture Gloire,
Or il la sacrifia dans la flamme
Au nom sacré d’Arvile.
Abondance allongeait la racine
Et levait le blé, l’orge fertile ;
Elle apprit les façons de cuisine
Aux hommes laborieux.
Elle était déesse généreuse
Et récompensait les hommes pieux :
Les troupeaux paissaient, la coupe creuse
Était toujours emplie.
A l’aube, Amour chassait une biche,
Un jeune cerf ; sa chasse accomplie –
Jamais son dessein n’était plus riche –
Il accourait, espiègle,
Pour tourner vers d’autres cœur et chair ;
Ne le guidaient ni souci ni règle.
Un faucon l’accompagne et le sert,
Dans sa chasse l’aidait.
Les Nouveaux Eveillés :
L’habile Édole est l’époux de Terre.
Aux vieux jours ce dieu nous apprenait
A travailler bois, cuir, os et pierre,
A forger et tisser.
Calide juge en toute équité,
Sage épouse du dieu couronné.
Son conseil faisait le roi chanté,
Le grand chef, l’homme insigne.
Lyadane avait dans ses écrits
Des pactes autrefois la consigne,
Et pour ou sans Amour, son mari,
Présidait les mariages.
Millène est la déesse de l’art
Qu’elle apprit au poète en partage.
Or la perfection reste en sa part,
Toujours son apanage.
Du divin Guerre est-elle la femme ;
Elle est belle entre toutes, volage.
En toute chose chante son âme
Et n’oublie qui l’entend.
Le mari d’Abondance, Garant,
Toujours joyeux et toujours chantant,
Fit le vin, viatique des errants ;
Les fêtes présidait.
Arvile à nommer est la dernière.
Aucun dieu d’alors elle n’aidait,
Nul ne lui adressait de prière :
Elle était désœuvrée,
Pour occuper ses longues journées
Brodait des tapisseries dorées
Où les fils de toutes destinées
S’entrecroisent, dit-on.
Son époux Océan par le monde
Une fois fit voyage fort long
Pour trouver des perles la plus ronde
En de lointains récifs.
Pour lui, Edole sut en sertir
Son plus admirable pendentif
Sur le sein d’Arvile qui vint luire
Et devint une étoile.
Tels sont les noms des dieux d’autrefois,
Ceux-là qui œuvraient alors sans voile –
Aujourd’hui, de rien ne sert la foi :
Ils ont disparu.
© Cédric L. Martin, 2021.
© Sarah Poncet, 2017, pour l’illustration.