Excellente lecture !
Jilam ne se souvenait pas quand avait débuté le cauchemar. Il ne se rappelait pas s’être endormi non plus. L’unique pensée qui l’obsédait était : Je vais me réveiller. Je vais me réveiller.
Planqué derrière un fauteuil puant le moisi, il s’inquiétait pour Luc et Mú. Mais peut-être n’avaient-ils jamais été là. Peut-être se trouvait-il seul dans cette maison.
Un frisson dorsal l’amena à se retourner. De justesse, il plongea en évitant la main géante sortie du mur.
─ Te voilà, se réjouit la voix de la maison possédée.
Dans la panique, Jilam lâcha sa bougie qui roula sur le tapis. À son tour, il fit une roulade afin d’échapper à l’horrible poigne.
─ Ne te sauve pas !
Mais le jeune homme n’écoutait pas. Il courut à toutes jambes, ramassant au passage la bougie, dont la faible lueur peinait à éclairer à deux mètres devant lui. Le sol se déroba soudain sous ses pieds et il se retrouva de nouveau par terre. Les tapis traçaient des vagues en projetant des nuées de poussière qui donnaient à Jilam l’envie furieuse de s’arracher les yeux.
─ Pourquoi être si pressé ? l’appela la maison, le ton avenant parcouru de fausses notes.
La sortie. Où est cette fichue sortie !?
Jilam se précipita à l’aveuglette et atterrit dans un couloir aux proportions constamment changeantes sous la lumière vacillante de la bougie. Les murs se tordaient comme en proie à de violentes coliques tandis que sol et plafond se fondaient en un tourbillon qui aggrava la migraine du jeune homme.
Peu enclin à s’enfoncer là-dedans, l’époux de la sorcière recula et tomba sur une porte dont la poignée glissante lui résistait. La panique grimpa en flèche lorsqu’il vit les murs du couloir se refermer sur lui pareils à deux mâchoires.
─ Viens visiter mon vide. Nous nous sentirons tous les deux moins seuls.
─ Mais tu vas t’ouvrir satanée !!!
La poignée, lassée, finit par céder, comme au terme d’une mauvaise farce. Jilam chuta en avant et son front heurta violemment le parquet. Une nuée d’oiseaux, probablement venus de la chambre de Luc, apparut, batifolant devant ses yeux, gonflés au point de lui donner la sensation de deux balles de tennis nichées dans ses orbites.
Tué par une maison… Sérieusement ?!
Les ténèbres emplissaient les lieux. Jilam se rendit compte qu’il avait lâché sa bougie. Désespéré, il la chercha sans succès.
─ Tu ne peux pas te cacher, gronda la maison-monstre. Je te vois, même sans lumière. Je te vois et tu ne peux pas m’échapper !
La voix semblait directement retentir dans sa tête, qu’il serrait entre ses mains en hurlant. Le monde tout autour de lui bougeait, il le sentait malgré sa cécité. L’atroce impression de flotter à la surface d’un océan noir déchaîné durant une nuit sans lune.
Soudain, un éclair illumina la pièce où il avait atterri. L’éclatante lumière provenait d’une fenêtre dont le rideau, sous l’effet du tangage, se balançait en offrant une vue de l’extérieur.
─ Quoi ? Qu’est-ce que c’est ? sursauta l’esprit prisonnier.
Le bois au dehors s’embrasait. Jilam contempla, hébété, l’énorme paupière s’ouvrir dans la tapisserie en damier vert et blanc de la cuisine. L’œil vide observa à travers la fenêtre le monde extérieur comme s’il admirait la surface du soleil.
─ Du feu, oui… Viens par ici.
On aurait cru entendre quelqu’un appeler son chien.
Un placard s’ouvrit brusquement près de Jilam qui sursauta. Luc en sortit pour se précipiter aussitôt vers l’œil de géant, toujours à sa contemplation. Un bras serrant Mú et l’autre main brandissant une casserole, il chargea en braillant tel un fou en direction du mur et balança sa quincaillerie en plein dans la pupille obscure.
Un autre hurlement retentit, identique, celui-ci, au vacarme d’une avalanche. La maison plongea dans un tonnerre de craquements, menaçant de s’effondrer sur eux. Le jeune homme, le garçon et le furet-léopard se retrouvèrent captifs d’une tornade qui manqua de les briser contre quelque surface. Les ustensiles volaient avec eux. Jilam vit luire la lame d’un couteau à moins d’un cil de son œil.
Puis tout s’arrêta. L’époux de la sorcière émergea des limbes, gisant sur ce qu’il ne savait plus être le sol ou le plafond, les bras et les jambes désarticulés et le reste du corps en compote. Il étouffa une longue plainte tandis qu’il se relevait péniblement. La douleur cuisante à la poitrine lui indiquait qu’il devait s’être fêlé plusieurs côtes. Il regarda autour de lui et lâcha un profond soupir en constatant que Luc et Mú étaient indemnes, bien qu’aussi amochés que lui. La cuisine avait retrouvé sa forme originale, hormis le bazar qui y régnait.
─ Bien joué petit, gratifia-t-il le garçon dont l’arcade saignait abondamment. Attends. Je vais t’arranger ça.
Il déchira sa manche qu’il posa en compresse sur l’œil blessé de Luc. Ce dernier se mit à rougir, et plus encore après qu’il l’eut remercié d’avoir protégé Mú.
Le furet-léopard se tenait près d’eux, plus mal en point qu’à leur arrivée. Il léchait les entailles qui salissaient sa belle fourrure tachetée.
─ Et toi, tu vas bien ? s’enquit Jilam.
Les deux yeux jaunes le rassurèrent, mais il constata avec angoisse que son troisième œil entre les deux demeurait clos. Se rappelant soudain le brasier, il se précipita à la fenêtre et tira le rideau déchiré. Un gargantuesque incendie éclairait au loin le bois sous un monstrueux panache de fumée noire qui venait engloutir le ciel d’encre peint de reflets rouges.
─ Qu’est-ce que c’est ? demanda Luc qui l’avait rejoint.
Les traits du garçon étaient découpés par la douleur et l’inquiétude.
─ Nellis, répondit simplement Jilam avec un sourire de triomphe.
Il n’existait que son épouse pour donner l’illusion de la fin du monde.
Il indiqua à Mú de retenter un contact, hélas le regard du furet atténua son espoir… qu’un grondement acheva de dissiper.
Quelque chose s’enroula subitement autour de sa gorge et commença à l’étrangler. C’était le rideau qui cherchait à lui rompre le cou. Ses doigts tentaient en vain de desserrer l’étreinte. Luc essayait d’aider lui aussi mais parvenait encore moins. Jilam sentit, et entendit, ses vertèbres craquer tandis que ses yeux juraient à tout instant d’éclater comme des ballons d’eau.
Puis quelque chose le heurta violemment et ses pieds glissèrent. Il se retrouva ainsi pendu au rideau, les bras flasques vidés de leur force. Ses pensées, telles des miettes de pain dans l’eau, se désagrégèrent dans les limbes… avant de ressurgir dans une explosion de feux d’artifice. Le jeune homme se contorsionna sous l’effet d’une violente quinte de toux, Luc, secoué de sanglots, tâchant de le soutenir de son mieux.
Ayant retrouvé la vue, il découvrit Mú en train d’achever le rideau qui se figea au terme d’une ultime lutte. C’était la seconde fois aujourd’hui que les dents magiques du furet-léopard lui sauvaient la vie, et Jilam songea à la dette qu’il entretenait dorénavant et que Mú ne manquerait pas de juger éternelle.
Si je sors de cet enfer, ce sera pour retomber dans un nouveau. Ma vie est vraiment géniale !
Luc l’aida à se relever. Il se sentait terriblement las. Trois jours au lit ne seraient pas de trop pour récupérer. Mais d’abord, il fallait quitter cette baraque de malheur. Dirigeant son attention sur la fenêtre de la cuisine, illuminées des reflets de l’incendie, il prit une grande inspiration et balança son coude contre un carreau en usant de son énergie rescapée. Le verre, peu épais, se fêla. Nouvel élan… Le coude heurta le mur. Jilam lâcha un juron sous l’effet de la douleur tout en constatant la disparition de la fenêtre, qui les laissait de nouveau à la merci de la nuit insondable.
─ Foutre d’ogre ! Espèce d’enfoiré ! éructa-t-il sous le coup de la colère.
Il se rappela alors qu’il y avait un enfant dans la pièce et refroidit ses ardeurs.
L’ire dansant avec la panique, il chercha à tâtons le rideau meurtrier, qu’il tressa avant d’en enflammer le bout grâce aux allumettes dans sa poche.
La réalité autour d’eux se tordait à nouveau.
─ Tu n’aurais pas une autre casserole en réserve ? dit-il à Luc, qui avait récupéré Mú et l’étreignait comme une peluche.
Jilam inspecta le sol jonché d’ustensiles et se dégota une grosse louche autour à laquelle il noua le rideau embrasé afin de s’en servir comme d’une torche.
─ Hé ho ! appela-t-il l’esprit de la maison. Tu m’entends ? Je suis d’accord. Si tu nous fais sortir, j’accepte de te brûler. Hé !
Une bouche difforme surgit du plafond juste au-dessus de sa tête.
─ Trop tard ! rugit-t-elle. Tu as eu ta chance. Je n’ai pas l’habitude d’en accorder de seconde.
─ Tu veux en finir et je veux sortir. C’est un marché équitable, non ?
─ Oui, mais… Je m’amuse tellement. Ça fait si longtemps que je ne m’étais pas autant diverti. Rien ne vaut une bonne traque pour retrouver les sens.
Sur ces mots, la bouche se volatilisa et la maison plongea dans un silence sinistre.
Tout à ses pensées, et luttant pour maîtriser son angoisse, Jilam dénicha un couteau de cuisine, probablement celui qui avait manqué de l’éborgner.
Au moins, ça m’aurait fait un point commun avec Quo.
Il ne relevait même plus le fait de s’inquiéter pour un démon… enfin, une démone. Au fond de lui, il pressentait que Quo deviendrait dans un avenir proche un ami fidèle et d’une fiabilité sans faille. Il en avait presque oublié – presque – leur « malencontreuse » rencontre.
Après Quo, Jilam songea à Mal. Ils devaient expérimenter la même terreur à présent que les doigts de la mort se refermaient sur lui comme ils s’étaient refermés sur le démon. Le jeune homme s’était questionné, alors qu’il veillait son agonie, pourquoi ne laissait-il pas simplement aller le cours des choses ? Rien ne pouvait lui éviter la fin et simplement abandonner lui aurait épargné beaucoup de souffrances inutiles.
Il constatait à présent que ce n’était pas si simple… que ce n’était pas simple du tout en fait. Il avait beau ne percevoir aucune échappatoire, l’esprit de Jilam s’accrochait désespérément à la survie en ignorant tout de la logique. La vie constituait le bien le plus précieux à ses yeux, un bien que l’on ne pouvait sacrifier aisément.
Quand on est mort, on ne peut aimer, on ne peut protéger ceux que l’on aime, on ne peut les rendre heureux. On est impuissant.
Et Jilam détestait par-dessus tout l’impuissance, quand bien même il était familier de ce sentiment.
Délaissant ses nœuds de réflexion, l’époux de la sorcière, mu d’une volonté neuve, saisit d’une main les doigts tremblants de Luc et planta de l’autre son couteau dans la paume en damier vert et blanc qui leur barrait la porte. Enfonçant cette dernière à la façon d’un bélier, il se découvrit, non pas dans le couloir, mais dans la chambre de Luc au papier peint reconnaissable entre mille avec sa forêt et ses oiseaux.
Jilam, après avoir accroché la louche-torche à la poignée d’un tiroir, remit sur pieds le lit renversé et y allongea Luc avec Mú. Tous les deux tremblaient comme des feuilles. Mú apparaissait mal en point.
─ Ça va aller, s’adressa-t-il au garçon autant qu’à lui-même.
Au moment de s’écarter du lit, une main le retint. Jilam posa sa paume par-dessus – elle était si froide – et se força à sourire malgré la peur qui lui dévorait le ventre.
─ Tout va bien. Je te promets qu’on va tous sortir d’ici.
─ Ne pars pas ! implora Luc, le regard luisant.
─ Je suis juste là, regarde.
─ Pourquoi vous m’abandonnez tous ? éclata en sanglots le garçon.
─ Personne ne t’abandonne. Je ne vais nulle part.
Mais il ne l’écoutait pas.
─ Pourquoi ? Pourquoi il faut toujours partir ? Pourquoi on ne pourrait pas rester ?
Au travers de sa voix brisée, Jilam identifia des notes qu’il ne connaissait que trop bien. Cet enfant souffrait de la solitude.
─ Tu n’es plus seul, Luc. Je suis là maintenant. Et Mú aussi.
Le garçon resserra son étreinte sur le furet qui commença à gigoter.
─ Pourquoi ? répéta-t-il, les yeux rougis perdus dans le vide.
Jilam comprit alors qu’il ne s’adressait pas à lui mais probablement à ses parents.
─ Je suis désolé, gémit le garçon à l’intention des fantômes de la maison.
─ Pourquoi ? interrogea à son tour Jilam. Pourquoi tu es désolé ? Luc, parle-moi…
─ Je voulais pas.
─ Quoi ? Qu’est-ce tu ne voulais pas ?
Malgré l’urgence de la situation, il ne pouvait s’empêcher de vouloir consoler le pauvre enfant.
─ Papa, il… il m’a dit de me cacher. Mais je voulais pas. Je voulais qu’on reste. Mais eux… ils voulaient partir.
─ Cet homme leur a fait peur. C’est normal.
─ Non ! s’emporta Luc dans un sursaut. J’en ai marre. Je veux plus courir. Je veux rester chez nous.
Une décharge électrique surprit Jilam qui tressaillit sous le contact froid du garçon, dont le chagrin se teintait désormais de colère. En lui, les soupçons s’éveillèrent.
Concentré sur Luc, il ignorait tout ce qui se passait autour d’eux. Ce n’est que lorsque Mú, après s’être échappé des bras de l’enfant, hérissa ses poils en couinant bruyamment qu’il se retourna pour voir le visage de la maison, à l’endroit même où il était apparu la première fois. Aussitôt, il attrapa son couteau posé sur le lit et le brandit en direction des orbites vides plissées.
─ Tu commences à comprendre ? l’interpela leur bourreau d’un timbre amusé.
─ Comprendre quoi ?
─ Qu’il ne faut jamais se fier aux apparences. Une maison vide, un bois silencieux… un visage innocent.
Jilam jeta un œil à Luc dont les gémissements ajoutaient à l’atmosphère déjà bien pesante de la chambre.
─ Qu’est-ce que tu me chantes ?
─ Nous avons passé beaucoup de temps ensemble, le petit Luc et moi, et nous avons beaucoup bavardé. Au début, il n’osait pas trop parler de papa et de maman qui se trouvaient dans le verger ou de ce qui leur était arrivés pour qu’ils se transforment en pommiers. Et puis, avec le temps, le petit Luc a fini par s’ouvrir à son ami. Il m’a parlé du jour où je suis venu… quand j’avais encore un corps. Les créanciers m’avaient envoyé pour secouer un peu la jolie petite famille qui s’était soustraite à ses devoirs en se réfugiant dans la forêt. Apparemment, après ma visite, papa et maman se sont dit : « Tiens, et si on allait courir dans le bois ». Les idiots pensaient pouvoir continuer à fuir, qu’on finirait par les oublier. Sauf que le petit Luc n’était pas très heureux de devoir à nouveau déménager. Il se sentait si seul depuis qu’il avait dû quitter ses amis et son école, et papa et maman se disputaient sans arrêt en l’ignorant. Le petit Luc a supplié papa et maman de rester. Mais eux ne voulaient rien entendre. Alors le petit Luc a fait en sorte qu’ils restent malgré eux. Et c’est ainsi que papa et maman sont arrivés dans le verger. Ils étaient les premiers, et puis d’autres ont suivis, des voyageurs de passage ou des malheureux égarés. Ils sont allés tenir compagnie au papa et à la maman du petit Luc. Pauvre petit Luc…
─ Assez ! J’en ai assez entendu, trancha Jilam qui ne supportait plus son ton minaudant.
L’esprit confus, il planta son regard, empli d’appréhension, sur Luc qui avait séché ses larmes et le fixait d’un air hébété mêlé d’effroi. À ses yeux, ce visage plus son mutisme confirmaient les dires de l’esprit de la maison.
─ C’est toi… Tu es l’esprit du bois… Celui qui nous a attaqué…
─ C’est pas moi… Je… Je voulais pas…
Et le garçon retourna à ses sanglots. Il inspirait dorénavant à Jilam un puissant rejet.
─ Ne mens pas gamin. Tes parents ne t’ont pas appris que c’est très mal ? gronda le monstre captif.
Sa vindicte sema la compassion dans le cœur de Jilam qui s’agenouilla auprès de Luc.
─ Je te crois, murmura-t-il, à moitié convaincu seulement.
Cela ne suffit pas à calmer ses sanglots, qui au contraire redoublèrent. L’horreur dans le mur poussa une longue plainte, puis s’adressa à Jilam.
─ J’ai un marché à te proposer. Je vous laisse partir, toi et ton animal. En échange, tu mets le feu à la maison. Et en prime, je nous débarrasse de ce pleurnichard.
L’époux de la sorcière sentit son sang bouillir.
─ Laisse-le tranquille !
─ Allons. Le monde n’a pas besoin des douillets dans son genre. Il en pullule déjà bien assez.
Durant un instant, la voix du père de Jilam s’était substituée à celle du monstre. Des souvenirs douloureux se déversèrent dans l’esprit du jeune homme. Les remarques, les remontrances… les éclats de fureur.
Entre ses mains, il plaça le visage tuméfié de Luc. Ses paumes collaient aux joues cramoisies. Son regard plongea dans celui du garçon, perçant le voile qui le recouvrait et s’immisçant dans ses pensées torturées.
─ Écoute Luc. Je comprends. Tu ne voulais pas être seul, pas plus que tu ne voulais partir. Tu souhaitais que vous restiez tous ensemble ici. Durant tes longues nuits de solitude, tu rêvais de compagnie. Je suis comme toi. Ou plutôt j’étais comme toi. Je comprends ce que tu ressens. Tu n’as rien fait de mal. Tu ne voulais blesser personne. C’est toi qui as été blessé. Mais tu sais, les blessures se soignent. Il ne tient qu’à toi de faire les bons choix aux bons moments. Et celui-ci en est un.
─ Qu’est-ce que je dois faire ?
─ Te persuader que tu n’es pas seul. Le monde n’est pas ton ennemi. Il y a des méchants, oui. Des gens te font du mal ou te tournent le dos, parfois sans s’en rendre compte, mais il y aussi des gens sur lesquels tu peux compter. Et je te le dis : tu peux compter sur moi.
Mú apparut pour soutenir les efforts de Jilam. Les yeux de Luc naviguèrent de l’un à l’autre, étincelants de pensées conflictuelles.
─ Je suis là et je n’ai pas l’intention de partir, ajouta le jeune homme sur le ton de la promesse.
Paupières et pupilles du garçon s’écartèrent.
─ Comme c’est touchant, s’immisça le serpent niché dans son mur. J’en serais ému si j’avais encore la possibilité de verser des larmes.
Jilam s’entêta à lui tourner le dos en dépit de la peur oppressante, ne lâchant pas le regard de Luc.
─ Tu peux tout changer, Luc. Il te suffit de le vouloir.
─ J’en ai assez, grogna l’esprit enfermé.
Sur ces paroles, la maison commença à vibrer. On aurait dit qu’elle était sur le point de décoller. Puis l’espace se décomposa en trombinoscope. Jilam se sentit effacer en même temps que la réalité, mais ne lâcha pas, tout du long, la main de Luc, qu’il sentait se réchauffer à mesure que son propre corps lui échappait. Mú, lové entre eux deux, leur perçait les tympans de ses cris stridents.
Et puis soudain, tout s’arrêta.
Note de l’auteur : Je n’ai pas pour habitude de le faire, mais j’ai changé un détail par rapport au chapitre précédent concernant la description de chambre de Luc… pour plus de foreshadowing. Le chapitre 8 a donc été légèrement modifié.