Ma vie en parallèle, chap1

4 mins

Synopsis

Une jeune femme vit recluse dans une maison isolée au milieu d’une forêt, ses journées sont rythmées par la lecture, la peinture et la contemplation. Mais à son grand malheur, une autre âme vit avec elle au sein de cette maison, une hideuse créature qu’elle a surnommé “le boulet”, elle se traîne comme une ombre derrière la jeune femme qui ne peut trouver refuge que dans la salle de bain dont la porte dispose d’un loquet. Les choses vont changer brusquement le jour où un étrange objet d’une lumière éblouissante traverse la voûte céleste suspendant le temps …

Chapitre I : le boulet

Il devait être autour de six heures du matin quand les premiers rayons du soleil se faufilèrent à travers les persiennes. Je sortis de mon lit, les yeux à demi clos et le pas traînant, j’entrepris la procession matinale. Sur le pallier de la chambre, je m’arrêtai un court instant pour décoller mes paupières en tirant délicatement sur les cils. Une fois la vue recouvrée, je me dirigeai vers le salon où tous les meubles semblaient avoir la même couleur tant la lumière pénétrait difficilement, puis j’accédai a la cuisine. Le peu d’espace dont la pièce était pourvue était accaparé par une table en bois massif, je me faufilai dans les coursives qui entouraient la table et sortis quelques brioches, un verre et une brique de jus de fruits. Je pris place sur la seule chaise de la pièce et je mangeai, sans bruit, tourmentée par les songes de la nuit.

Il m’était impossible de savoir combien de temps j’allais rester coincée dans cette vie aux allures monacales, et je ne parvenais pas à me souvenir quand elle avait commencée, il semblait cependant que je croupissais dans cette modeste maison depuis une éternité. Après ce menu repas, je retournai dans le salon et m’installai dans le sofa pour lire un des nombreux livres qui s’accumulaient sur les étagères poussiéreuses. La matinée passait toujours très vite. Le livre achevé, j’entrepris le parcours inverse du levée, en faisant une halte dans la salle de bain pour faire un brin de toilette. De retour dans la chambre, je m’assis sur le rebord du lit face a la fenêtre et regardai l’horizon en m’oubliant pendant un temps, puis je sortis mes pinceaux et peignis jusqu’à la nuit tombée. Dans ce périple quotidien, une autre âme errante m’accompagnait. Elle ne parlait pas mais grognait pour exprimer sa frustration ou son mécontentement. Je la surnommais « le boulet » en raison de sa tendance à me suivre partout comme une ombre, sans prononcer un mot, la tête baissée et les pieds grattant le sol. Son physique ingrat m’encourageait à éviter de poser les yeux sur elle. Tous ces traits étaient repoussants, ses cheveux étaient noirs pareils aux plumes de corbeaux, son nez ressemblait à un bec crochu, son corps frêle était totalement vouté lui donnant la taille d’une enfant, le cou engoncé et le visage émacié lui donnaient un air cadavérique, seules ses mains, par un contraste saisissant, étaient d’une beauté inégalable, des mains dont la ligne était parfaitement dessinée, des doigts fins et une peau rose comme celle d’une jeune fille. Mais cette chose, ce boulet, dont l’intelligence ne pouvait dépasser celle d’un mollusque, s’obstinait à les cacher. Pendant un instant, il paraissait presque possible qu’elle puisse ressentir de la honte, car ces élégantes mains exacerbaient la laideur du reste de son corps. Après une courte réflexion, je délaissais l’idée, considérant qu’une pareille créature ne pouvait être douée d’une quelconque conscience.

L’après-midi, le boulet s’allongeait sur le sol, lasse, elle s’affalait à mes pieds. Au bout d’un certain temps, ses yeux vides finissaient par se fermer et de son nez sortait un sifflement aigu signe d’un sommeil profond. Cette présence quotidienne était très pesante et la seule pièce où il était encore possible de s’isoler était la salle de bain dont la porte possédait un verrou. C’est ainsi que tous les soirs, en prenant mon bain, je profitais de ce moment de pleine solitude pour me relaxer. Comme tous les soirs, j’ouvrais l’arrivée d’eau de la baignoire et m’asseyais sur une petite chaise sans dossier pour contempler le ciel par la fenêtre, une brosse à la main, je démêlais mes longs cheveux avec soin, à chaque coup de brosse, je me plaisais à voir leur éclat s’intensifier. Cette nuit là, la brume couvrait le ciel d’un écran épais, aucune étoile n’était perceptible et l’horizon s’était complétement évanoui. Mon regard se figea sur l’étrange mouvement des gouttelettes qui se trouvaient en suspension dans l’air, s’élevant gracieusement vers le ciel dans une danse rythmée par le souffle du vent. Mes pensées furent toutes englouties dans ce spectacle abyssal. Alors que mon esprit se perdait dans cette obscure parade, une intense clarté se produisit subitement sur la voute céleste, paralysant le mouvement de la nuée, une masse dont la lumière était de couleur ambre tirant par endroits sur le rouge vif. Elle traversa d’Ouest en Est le ciel en laissant derrière elle une longue traînée lumineuse du même éclat scintillant. Un bruit sourd se fit entendre durant toute sa traversée. Puis, la mystérieuse masse s’évapora laissant les gouttelettes reprendre leur paisible ascension. Je me levai, étourdie par cet événement inattendu, je frottai mes yeux embués et parvins à distinguer les aiguilles de l’horloge qui semblaient indiquer 2 heures du matin. Surprise, je mis ma main dans l’eau du bain pour évaluer sa température, à mon grand étonnement, elle était encore chaude, et alors que je me déshabillai pour m’y plonger entièrement nue, une onde traversa l’eau faisant apparaître des remous à la surface. Je penchai prudemment mon visage et aperçus une minuscule créature longiligne dont la couleur ambre me rappela immédiatement celle de la masse aperçue dans le ciel. Elle se déplaçait en ondulant son corps dépourvu de pattes, je devinais aux collerettes colorées qui ornaient son cou la position de sa tête.

Comment était-elle arrivée dans mon bain ? 

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