Anna
La vie presque normale
Anna ! Comment ça se passe à l’école ? Anna leva à peine les yeux de sa tablette et répondit “bien, ça se passe bien…”. Elle savait que sa mère n’insisterait pas plus.
La mère de Anna entendit sa réponse et baissa les yeux. Elle réalisait qu’elle s’intéressait de moins en moins à sa scolarité. En fait, elle ne s’intéressait à plus grand chose. A chaque levé, elle accomplissait mécaniquement les tâches quotidiennes sans aucune émotion. Elle constatait le même phénomène chez Anna.
La seule chose qui la rassurait un peu est qu’elle savait également que Anna était douée et autonome. Mais cela générait chez elle une autre crainte car cette autonomie se muait en indépendance et poussait sa fille de plus en plus loin d’elle.
Il y avait autre chose de tapis en elle. Quelque chose qu’elle hésitait à regarder droit dans les yeux. Elle savait que cela concernait sa fille, une part d’ombre. Elle le liait à son mari disparu et au vide qu’il avait laissé mais savait que ce n’était pas tout. Pourquoi en aurait-elle peur sinon. Elle leva les yeux vers la pendule accrochée au mur et ensuite vers la porte d’entrée. La censure à parfois du bon se dit-elle.
Elle entendit son mari rentrer comme d’habitude vers dix neuf heure. Il lui fit un baiser rapide puis se plongea encore dans son travail ou d’autres activités. Lui aussi fuyait. Elle n’avait plus envie de se battre, de lui crier qu’ils s’éloignaient tous les deux, qu’elle se demandait parfois si elle l’aimait encore. Qu’elle avait besoin de lui. Que Anna avait besoin de lui au contraire des apparences. Elle s’assit sur le lit et senti une larme couler sur sa joue. “une seule larme, ça n’en vaut même pas deux…” se dit-elle amère.
Après le diner, Anna partit dans sa chambre. L’humeur morose, elle consulta sa tablette et correspondit avec un ami. La vidéo de chutes marrantes que lui avait envoyé Arthur lui arracha quelques sourires. Elle navigua sur internet à la recherche de vidéos sur différents thèmes allant de farces au réveil en passant par les ovni ou des fantômes. Et comme à chaque fois, elle était frustrée mais pas étonnée. Elle fit un petit tchat avec Arthur “c’est vraiment des conneries tous les trucs d’alien et de fantômes. C’est mal fait en plus…”. Arthur lui répondit avec un smiley amusé et à la fois ironique “et pourquoi tu regardes banane ?”.
“Je ne sais pas, pour passer le temps et me foutre de leur gueule”.
Elle alla se coucher et repensa à sa conversation avec son ami. Pourquoi regardait-elle ce genre de video où l’on voyait furtivement un être vaguement humanoïde ou des tâches brillantes interprétées comme étant des fantômes.
Elle avait entendu son père dire qu’il ne croyait pas en Dieu et qu’il était agnostique en s’exclamant hilare “on ne sait jamais, je me trouverai peut-être un Dieu avant d’y passer«
Anna n’avait pas trouvé ça amusant. La mort lui était indifférente car elle était loin pour elle mais ce dont elle était sure est qu’après, il n’y a rien. Il fallait vraiment être naïf pour croire à une autre vie.
Elle se remémorait ces chiens sauvages dévorant et déchirant un phacochère vivant. Comment peut-l y avoir une autre vie lorsqu’on voit cela. Et les faits divers le choquaient et….elle entendit un soupir derrière elle. Elle se retourna pensant voir sa mère ou son père mais rien. Elle regarda vers son smartphone et sa tablette. Ils étaient éteints.
Son beau père passa devant la porte de sa chambre et lui dit “Anna, il est temps d’éteindre les feux”. Anna leva les yeux vers la porte et fit en sa direction un magistral doigt d’honneur.
La part des rêves
Elle s’endormit difficilement. Elle rêva de sa mère se fabriquant une statuette de bois. Le bois était très sombre et paraissait très dur et dense. La statuette fut posée sur le sol. Ses traits commençaient doucement à s’animer. Elle prenait vie. Anna regardait cette statuette de bois qui ressemblait à son père. La tête de la statuette se tourna doucement vers elle et lui fit un sourire narquois.
Le réveil sonna. Anna se leva péniblement en pensant à son père disparu. En sortant de sa chambre, elle regarda machinalement son beau père passer dans le couloir. Elle ne vit qu’une pale copie de son père. Elle prit son petit déjeuner rapidement et, réalisant qu’elle était presque en retard, couru chercher son sac à dos dans sa chambre. Au moment de la quitter, elle cru voir quelque chose légèrement hors de son champs de vision. Elle s’arrêta net et se retourna. Elle ne vit rien mais cela lui raviva un souvenir qu’elle avait oublié
Elle se trouvait alors dans sa chambre quelques années plus tôt
«Maman, il y a un garçon bizarre dans ma chambre»
«Arrête de raconter des bêtises ma chérie». La mère de David lui répondit distraitement alors qu’elle travaillait dans son bureau.
Anna, essaya d’appeler sa mère de nouveau pour qu’elle vienne voir mais cette fois-ci, rien ne sorti de sa bouche tant elle était pétrifié par la peur. Debout face à elle, se tenait ce drôle de garçon.
Il se dressait devant lui et la regardait. Ses grands yeux noirs ne cillaient pas. Il était difficile de déceler une expression sur ce visage impassible. Anna essayait de voir ses bras, ses jambes, ses mains, la couleur de ses vêtements mais en vain. Elle percevait la forme mince du corps de ce petit garçon mais c’était tout. Aucun détails n’étaient décelables. Ce garçon, de la même taille qu’elle, était comme habillé d’une ombre floue et surtout, ce qui terrorisait le plus Anna était ses yeux fixes et hypnotiques dans lesquels elle ressentis une souffrance, un effroi insondable. Elle avait peur de plonger dedans et de s’y perdre.
Anna ne sut pas pourquoi mais malgré sa terreur, elle lui tendit sa main. Peut-être pour débloquer la situation, générer une réaction. Le visage du garçon étrange se pencha vers la main puis il regarda de nouveau Anna. Des pas retentirent dans le couloir et sa mère entra dans sa chambre. Anna se tourna vers sa mère pour lui montrer le garçon. Mais sa mère prit l’initiative « que fais-tu debout en plein milieu de ta chambre ? ». Anna se tourna vers le garçon….qui avait totalement disparu
La sciure
Sur le chemin de l’école, Anna resta silencieuse. Elle regardait autour d’elle. Tout était calme, routinier, enfin chiant quoi. Cependant, elle sentit son coeur progressivement battre un peu plus fort, tandis qu’elle sentit une chaleur agréable à la poitrine comme lorsque l’on s’attend à un événement important à la fois craint et attendu comme un premier rendez-vous amoureux. Elle ne s’expliqua pas les raisons de la survenue de ce sentiment euphorique mais le savoura sans se poser plus de question. Toutes bonne chose est suffisamment rare et éphémère pour ne pas être appréciée.
Au collège, lors du cours de technologie. Le professeur arborait un air triomphant. Il traversa lentement la classe avec les mains derrière le dos, le cou raide et le menton relevé. Ce qui lui donna un air de pigeon ridiculement fier.
« Cette fois-ci, pas question de faire un gadget à la con, on part visiter une menuiserie pour faire quelque chose d’utile, voire, de beau ». Les élèves montrèrent bruyamment leur désapprobation.`
Un vieux menuisier moustachu un peu vouté et à la peau parcheminée leur présenta les différentes machines à bois permettant de créer depuis une planche mal dégrossie au produit fini.
« La dégauchisseuse permet de rendre les planches brutes assez planes pour passer ensuite à la raboteuse qui… »
Anna écoutait d’un air absent les différentes explications et avais hâte que ça se termine. Le vieux menuisier leva des yeux perçants vers sa direction comme si il percevait ses pensées.
« bon, venez avec moi à l’extérieur, je vais vous montrer le séchage du bois… »
« De mieux en mieux » se dit-elle en roulant des yeux.
A l’extérieur se trouvaient les billes de bois sous un hangar. Chaque bille de bois était un tronc d’arbre débité dans le sens de la longueur en de nombreuses planches chacune séparée par des tasseaux de bois pour faciliter le séchage.
Les billes de bois de différentes essences étaient empilées les unes sur les autres. L’odeur de bois était presque enivrante mais l’une d’entre-elles étaient plus forte que les autres.
Elle s’éclipsa le plus discrètement possible pour essayer de trouver l’origine de cette odeur.
Elle se retrouva au fin fond du hangar et dénicha une petite bille de bois. Elle monta doucement dessus pour l’inspecter de plus près et la toucher.
Elle entendit une voix derrière elle. « c’est du noyer. Cette bille est très ancienne, il ne faut pas y toucher. Et puis monter sur les billes, c’est dangereux. Aller, va rejoindre les autres».
Anna se retourna et vit le vieux menuisier.
Tandis qu’il s’éloignait, elle attendit un peu car elle se sentait bien sur cette bille de noyer à l’odeur enivrante et rassurante.
Alors qu’elle sautait finalement de la bille de noyer pour le rejoindre, elle sentit un petit tremblement suivi d’un grincement sourd. Elle leva les yeux et vit un des élèves courir sur les billes en s’écriant « z’avez vu les bonds que je fais entre les billes, trop fort… »
Une grosse bille qui surplombait la bille de noyer fut déséquilibrée et pivota lentement sur elle-même. Les tasseaux, tenant uniquement avec le poids des planches furent désolidarisés. Ceux de l’extrémité de la bille furent les premiers à tomber, ce qui fit tomber l’énorme bille d’abord d’un côté sur la bille de noyer mais l’autre côté basculait à sont tour vers Anna. Elle était figée par la surprise et ferma les yeux par réflexe.
Elle sentit un choc puis plus rien.
(récit en cours)
Un texte très bien écrit, déroutant.
La quête du sens quand il n’y a plus d’amour ou au moins d’attention.
La fin m’a échappée, ça me rappelle le film "le 6ème sens", qui est mort,qui est vivant? Hâte de lire la suite je comprendrai mieux.