À peine les vacances débuté, presque tout le monde au le village a déserté les lieux. Il n’y a quasiment personnes et c’en est flippant. Tout mes amis sont partis, Hermine dans le Var, voir ses grands parents, le père de Maximilien a décidé de refaire surface et emmène son fils aux États-Unis, avec ses soeurs, Charlotte en Pologne rendre visite à sa famille et Vincent a bougé vers la capitale avec sa mère et la famille de son frangin. Je suis la seule du groupe à être restée à la maison, mon père ayant refusé de bouger, pour continuer à dispenser des cours d’équitation pour les courageux qui osent les stages et surtout s’occuper des chevaux du centre équestre. Il n’a pas accepté de me laisser partir voir la famille de ma mère, que je n’ai pas vu depuis belle lurette, à cause du quartier où ils vivent… je suis donc dans la situation suivante : bloquée pour deux mois sous la chaleur insoutenable de mon charmant village. Je passe le plus clair de mes journées à la maison pour lire en écoutant la musique des Beatles. Rien d’intéressant est programmé à la télévision et j’étais dans l’incapacité de joindre ne serait ce qu’un seul de mes potes. Ma vie est devenue si passionnante que j’en ai presque oublié l’ultimatum de Vincent. Un samedi matin, une semaine après le début des vacances, alors que je me morfonds dans mon lit, à relire un bouquin que je relis pour la 3e fois, me sermonnant mentalement, histoire de me motiver à me lever pour me laver, m’habiller et foncer à la bibliothèque, refaire le plein de livre, afin de trahir mon ennui. Puis, le téléphone se met à sonner. Croyant que mon père s’apprête à répondre, je reste clouée au lit mais le téléphone continue de retentir.
– Papa ? Papa ! hurlé-je.
Aucune réponse. Je me lève avec peine pour me diriger vers sa chambre mais personne n’est là. Au contraire, sa chambre est bien rangée, rien ne gis par terre et son lit est fait. Je fais le tour de la maison, qui était en fait vide. Dans la cuisine, aucun mot accroché au frigo, absolument rien. Super…
Entre temps, le téléphone a arrêté de sonner. J’attends que la personne repasse son coup de fil et cela ne tarde pas. Tout de suite, je me saisis du combiné et réponds.
– Allô ? C’est bien Elza, à l’autre bout du fil.
La voix ne me dit absolument rien, la tête toujours au lit, mais c’était une femme.
– Si c’est de Elza Peeters, en effet. Par contre, j’ai aucune idée de qui ça peut être au bout du fil…
– Sérieux ? Tu me vexes… tu sais vraiment pas qui ça peut être ?
– Bon écoute, ô étrangère, de l’autre bout de la ligne, y a un truc dans la vie que je déteste, c’est les devinette, donc si tu pouvais vite me dire que c’est…
– T’as la mémoire courte bichette, c’est moi, c’est Salomé.
Salomé. Le temps de commencer à farfouiller mes souvenirs, je me souvenais déjà.
– Ah ! Salomé ! Désolée, je viens de me réveiller, comment vas-tu ?
– Pas franchement bien, une personne que j’apprécie beaucoup et que je connais depuis sa naissance ne s’est même pas souvenue de qui je suis, quand je lui ai téléphoné, alors que je me faisais une joie de lui exposer certains de mes nouveaux plans… dit-elle, d’une voix ironie.
– Ouah ! Quelle indélicatesse ! je commente, sur le même ton. Mais de quoi veux-tu lui parler exactement ?
– D’un super projet, qui va changer le vieux centre équestre de notre quartier
– Ah ?
– Oui, mais bon… si elle espère des explications plus approfondies, il va falloir qu’elle nous fasse honore de sa présence ici. Ce ne sont pas des choses qui se disent au téléphone, tu vois.
– J’espère pour toi qu’elle va venir.
– Oh, j’ai fixé un rendez vous à 15 heures, juste aujourd’hui mais elle ne m’a encore pas fait part de ses disponibilités.
– Je pense qu’elle viendra. Sérieux, tout le monde doit avoir hâte de savoir qu’est ce que Salomé Darbo mijote !
– J’espère aussi, tiens. Bon, faut que je te laisse, mon patron m’attend. À la revoyure !
– À la revoyure, oui !
Je raccroche, un énorme sourire aux lèvres. J’avais enfin un truc à faire ! Et pas des moindre, un truc avec Salomé.
Salomé est une jeune femme de 26 ans que je connais, enfin je dirai plutôt, qui me connaît depuis toujours. C’est une collègue de mon père, originaire du village qui n’a pas eu de difficulté à trouver une bonne université et déménager en ville mais elle est revenue récemment bosser dans le centre équestre où travaille mon père, après avoir obtenu un diplôme en télécommunication.
C’est la fille d’un couple qui était des voisins de mes parents, mais qui sont allés vivre en ville, il y a quelques mois. C’était une grande fille de 9 ans à ma naissance, elle me connaît donc depuis cette période et a longtemps été comme une grande sœur pour moi. Mais surtout, sa famille et elle ont été là, quand ma mère est partie…
Elle possède une imagination débordante et sait parfaitement s’en servir. Pourtant, malgré ses allures de grande gueule, Salomé n’a pas une énorme confiance en elle et préfère garder la plupart de ses idées pour elle. Souvent, je me dis que si elle avait eu plus confiance en elle, et n’avait surtout pas peur de Claude, son chef, elle aurait fait du vieux centre équestre du village, un véritable lieu de pèlerinage pour les passionnés d’équitation, dans tout le pays…
Toujours est-il que j’étais contente de pouvoir enfin avoir une raison de sortir et m’amuser un peu. Je jette un coup d’œil à l’horloge. Je dois rejoindre Salomé à 15 heures, cela me laisse encore cinq bonnes heures devant moi.
Papa arrive pile au moment où je m’apprête à sortir. Chargé de sac de courses, il émane aussi de lui une forte odeur de crottin. Avant même que je lui dise quoi que ce soit, il se met à se justifier.
– Le chef m’a appelé, on reçoit une nouvelle élève un peu peureuse alors j’ai dû intervenir.
– Je reconnais la légendaire douceur de mon papa, en effet.
– Et après, je suis allé faire des courses.
– Il t’a payé j’espère.
– Et moi, j’espère qu’avec tes amis, tu as plus de tact.
***
Finalement, je sors de bonne heure de chez moi, et je me dirige vers le fameux centre équestre, à l’autre bout du village, derrière l’église et le jardin des enfants. Pour m’y rendre, je dois traverser le village avant d’arriver face à des escaliers qui n’en finissent pas. Après les avoir escalader, je dois marcher un bon moment, sur un chemin plat, entouré de verdures. Arrivée à destination, je vois Salomé assise sur un banc devant le grillage avec une jeune fille. De loin, je n’arrive pas à deviner de qui il s’agit puis en m’approchant, je reconnais la personne immédiatement. C’est Charline, la petite sœur de Charlotte. Je m’avance vers les deux jeunes personnes.
– Salut ! je lance.
Salomé lève la tête et me fait un signe de la main, accompagné d’un énorme sourire.
– Bah alors, j’y croyais plus !
– Tu plaisante ? Je suis même en avance.
– J’te taquine, bichette.
Elle se lève et m’accueille d’une accolade amicale. C’est au tour de Charline de se lever et elle dit rapidement :
– Je dois partir. Merci et au revoir.
– Oh non, reste ! propose Salomé, ça peut t’intéresser.
Elle ne réponds pas et lève ses yeux sur moi. Charline doit me reconnaître car elle me fait un bref sourire et prononce d’une voix à peine audible “salut”. Pour la mettre à l’aise, je lui fait remarquer, plaisantant à moitié :
– Si Salomé souhaite que tu reste, c’est que tu l’as marqué !
Elle me répond avec son mutisme habituel. Je ne la connais pas, Charline, si ce n’est qu’à travers les descriptions que m’a faite sa grande sœur mais elles n’ont pas toujours vocation d’être mélioratives…
La première fois que j’ai vu la jeune ado, c’était une enfant de 9 ans, maintenant elle doit en avoir environ 14. Entre Charlotte et Charline, c’est comme qui dirait le yin et le yang. Si mon amie est plutôt petite, mince, blonde et bouclée, sa jeune sœur est grande, très grande, potelée et brune. Malgré tout, il existe un petit air de famille, et elles possèdent les même yeux bleus.
– Je… commence-t-elle.
– Donc, la coupe Salomé, en s’adressant à nous deux, j’ai prévu de faire une kermesse, ici, au centre équestre pour pâques, comme ça, les gens sauront qu’on est des gens sympas et, donc plus d’inscription aux cours, Claude va devoir embauché plus de personnes, donc, plus d’argents va tourner alors plus de rrenommée t on pourra sûrement bouger !
Nous restons toutes les deux muettes un moment. Je ne sais pas trop à quoi pense Charline mais moi, une chose est sûre, plus ça tourne dans mon esprit, et plus je m’emballe. Je m’apprête à répondre mais Charline est plus rapide.
– C’est cool, et j’espère que tu vas y arriver.
– Oh, merci ! Tu voudrais participer à l’organisation ? Tu as l’air de beaucoup aimer les chevaux, toi.
– Heu… non… mais si, j’adore les chevaux, si, si… enfin je sais pas trop pour la kermesse… je suis pas à l’aise avec tout ce qui touche les grands évenements et… les gens en général. Mais courage, quand même… je suis pressée, je dois partir.
Et sans attendre son reste, elle s’en va rapidement, les jambes tremblantes.
Salomé me regarde un long moment, je comprends tout de suite la signification de son regard et comme aucune de nous n’a envie de creuser le sujet…
D’ailleurs, comment ça se fait que l’une des sœurs soient déjà partie en vacances et pas l’autre ? Enfin, ce n’était pas le plus important….
Nous revenons rapidement au sujet initial.
– J’adore ton idée, mais pour le coup, une kermesse, faut un budget… je propose pour pâques, plutôt une chasse aux œufs.
Ni une, ni deux, elle approuve mon idée. Et nous voilà partie pour une heure, voire plus, de parlotte à propos de cet événement.
– Je propose qu’on fasse ça un samedi après midi, quand les gens font des activités en famille, mais qu’on prévienne des mois à l’avance !
– Oui, on devrait faire des flyer originaux ! Pas des trucs bateaux, des choses qui sortent de l’ordinaire.
– Oui ! Qui donne envie aux gens de venir. Ça tombe bien, j’ai un pote qui a de la ressources !
– Faut qu’ils aient le sentiment d’avoir quitté le village le temps d’une après midi.
– Exact !
– Pour les enfants, il faut se procurer un costume de lapin en peluche que Claude portera.
– Ah oui ! Lui, c’est un dur au cœur tendre !
– Et le meilleur pour la fin, des balades en cheval dans les bois, offerts par la maison.
– T’es un génie, tu sais ?
Nous avons longtemps debattu mais on est interrompu par Claude, le gérant, qui à moitié amusé, à moitié agacé, renvoie Salomé à son poste, au standard téléphonique quoi.
– Repasse pendant les vacances, on en reparlera !
– Compte sur moi.
Puis après avoir échangé des banalités avec Claude, avec qui je m’entends plutôt bien, je prends la route vers chez moi. Très étonnée de constater qu’il est presque 17 heures. J’ai tellement discuté avec Salomé ? Presques deux bonnes heures.
Sur le chemin, alors je passe devant la bibliothèque du village, celle qui était tenu par un petit vieux monsieur, friand de bonne littérature et surtout de gâteaux au chocolat car je le voyais toujours en manger quand je le voyais, sans pour autant prendre un gramme, je me dis que je devrai en profiter pour y entrer refaire le plein. Heureusement que j’avais emporté mon porte-feuille avec moi.
Sur la vitrine, je vis la nouveauté du mois : Des fleurs pour Algernon.
Je trouve le titre intéressant et entre à l’intérieur pour le prendre ainsi que d’autres romans qui peuvent potentiellement piquer ma curiosité.
Le fameux vieux monsieur est derrière son comptoir et mange tranquillement son éternel gâteau tandis que je prends le bouquin pour lire la 4e de couverture.
– Il est excellent ! lance-t-il, en fait, c’est ma nouvelle recrue qui m’en a parlé, quand j’ai commencé à le lire, je l’ai directement mis en vitrine, sans même le finir. Je savais même pas qu’il existait. Je vieilli vraiment…
– Vous avez une nouvelle recrue ?
– Ouaip ! C’est un jeune homme fort sympathique quoiqu’un tantinet timide.
– C’est chouette, vous ne serez plus seul avec Aurélie pour gérer le magasin.
– Oh, le voilà qui arrive !
Un homme sort de ce qui semble être la réserve, tenant avec lui une petite pile de livre. Il a les yeux rivés sur les bouquins qu’il porte et les pose sur le comptoir du gérant.
– Ce sont tout les romans d’amour que tu as commandé, dit-il.
– Range les à côté de l’entrée. Les gens aiment ça, lance le vieux.
– Certains devraient plutôt être sous tes yeux. Ils ne sont pas adaptés à un certain public…
– Fait comme tu veux ! Tu es plus jeune, plus intelligent que moi !
Quand il relève les yeux, son regard croise le mien et je le reconnais immédiatement. C’est le type louche qui regardait dans ma direction depuis son banc quand je discutais avec Vincent. Visiblement, il me reconnaît tout de suite car ses yeux s’ élargissent. En l’observant de plus près, je fus obligée d’admettre qu’il est vraiment très beau… je sentis même mon estomac remuer. Mais ce n’était pas désagréable.
– Bonjour, et bienvenue.
– Laisse, c’est une habituée ici, intervient le gérant.
– Oh… je vous laisse faire votre choix, alors.
Il commence alors trier les bouquins qu’il a ramené, sur une étagère devant le comptoir et après m’être assise sur une chaise à côté de l’entrée, cachée par mon livre, je me mis à l’observer. Sa démarche était vraiment gracieuse et je ne pouvais plus quitter des yeux son visage bien dessiné, angélique, innocent et concentré aussi…
Je vis un badge collé sur la chemine mais impossible d’y lire quoi que ce soit. Il continue son travail et quand il fini de trier tout ses livres, je me dit que je devrais peut être aussi acheter le livre parce qu’à force de rester ici, j’allais paraître louche.
– Je vais acheter ceci, je m’efforce de dire, en ayant l’air naturel.
D’habitude c’était une autre vendeuse, Aurélie, qui s’occupe des achats des clients mais elle n’est visiblement pas là, aujourd’hui. Le type jette un œil vers moi et d’un geste de la main, il m’intime de venir. Je déglutis avec difficulté et je sens mon visage s’empourprer.
A la caisse, il prend mon livre et en voyant le titre, il semble satisfait.
– C’est un très bon livre !
– Je sais, c’est pour ça que je le prends.
Mais pourquoi j’ai dit ça ? Pourquoi je me sens obligée d’être aussi agressive tout d’un coup ? Je passe pour quoi ?
Je ne sais pas si il le prend mal mais au sourire, au merveilleux sourire amusé qui se dessine sur ses lèvres fines, j’en déduis que non. J’ose un regard vers ton torse, là où il y a son badge et lit ce qui devait être son prénom.
“Ibrahim”
Je n’ai encore jamais entendu ce prénom et ce nom qui sonnait étranger me fit voyager d’ici au bassin méditerranéen. Quel prénom original.
– Merci mademoiselle, dit-il, me tirant de mes songes.
Il me tendait le roman qu’il avait rangé dans un sachet ou était imprimé, comme d’habitude le logo du magasin.
– Merci, au revoir.
– Au revoir.
Je sors précipitamment du magasin et probablement prise par une folie, je me retourne vers les vitrine transparente de la librairie. Et là, j’aurai juré qu’il me regardait aussi et souriait.
Charmant passage, les vacances au village peuvent apporter des surprises. Bravo Maya!