Heureusement pour moi, la poste était ouverte le dimanche matin. Ainsi, dès que je me suis réveillée, après la soirée très mouvementée d’hier, j’ai rapidement pris mon café, je me suis habillée négligemment et brièvement signalé à mon père que je sortais me promener, de bon matin me changer les idées. Il avait encore la tête dans le sommeil et se contenta d’un bref hochement de tête.
Tant mieux, ça m’arrangeait qu’il ne se mêlait pas de mes affaires.
Je fonce donc à la gare pour prendre un bus qui m’emmène à la poste. Là-bas, je marche d’un pas déterminé jusqu’à atteindre la salle des guichets. J’observe les différents employés d’un œil attentif pour voir qui paraissait être le plus commode. Sauf qu’aucun ne m’inspire confiance, si ce n’est un homme qui approche de la soixantaine, l’air plutôt gentil.
Je commence à faire la queue, qui se finit assez rapidement d’ailleurs et ce fut mon tour.
– Bonjour, je ne viens pas pour faire comme tout le monde, lancé-je, dès le début. Il me faut des renseignements.
Il me fixa un moment avant de soupirer d’agacement.
– Si j’étais un de mes collègues je vous enverrez chez le service des techniciens mais vous avez pris le temps de faire la queue…
– J’ai besoin d’avoir des informations sur le domaine de la téléphonie.
– Pas mon domaine mais je peux tenter de vous aider.
– C’est gentil, je vous remercie. Alors voilà… j’aimerai savoir si il existe des téléphones capables d’indiquer quel numéro appelle ?
– Non, ça n’existe pas. Mais qui sait ? Un jour, ces illuminés d’ingénieurs vont sûrement en sortir dès l’année prochaine !
Il se met à rire tout seul. Visiblement, il était beaucoup plus intéressés que ce qu’il voulait bien montrer.
– D’accord, alors dans ce cas, est-ce possible de bloquer un numéro ?
– Qu’est ce que vous entendez par là ?
– Si il y a un numero dont on ne veut plus recevoir d’appels, y a t-il un moyen de le bloquer pour qu’il ne puisse plus nous joindre ?
– Tels que vous le présentez, c’est malheureusement impossible. Cependant, si vous voulez limiter les chances que la personne vous joigne, vous pouvez mettre votre numéro sur la liste noire. Il n’apparaît plus sur les annuaires et vous n’avez plus qu’à espérer ne pas lui avoir donner votre numéro.
– Je vois.
– Vous avez des problèmes, mademoiselle ?
– Absolument pas, je me demandais juste ça comme ça…
Merde, mais comment c’est possible à la fin ? Je me met à ruminer les réponses que l’homme m’a donné. Comment Alyssa pouvait prétendre qu’elle a tenté de m’appeler des tonnes de fois mais qu’aucun appel n’avait abouti ? Il y avait quelque chose qui clochait soit avec ma ligne ou l’appareil en lui même. Dans ce cas, je devrai aller chez un véritable technicien. Chose que j’avais absolument tenu à éviter justement. Rafaella m’a toujours appris à ne pas fréquenter ceux “qui n’ont pas fait d’études longues”. Ce que je trouve absolument dégradant puisque tous ne naissent pas avec les même chance mais elle se contente de me caresser les cheveux en me disant d’un ton conciliant “tu verras, quand tu grandiras et que tes horizons s’étendront, tu comprendras.” Finalement, cette façon de pensée a fini par me convaincre à même grandit avec moi…
– Dites moi, mademoiselle, dit l’homme, me tirant de mes songes.
– Oui ?
– C’est bien vous la grande des Peeters ? Votre père c’est Adrian Peeters, c’est ça ?
Comment il peut savoir ça, lui ?
– Et je peux savoir en quoi ça vous regarde ?
Je reprends mon sac que j’avais posé sur le comptoir et m’apprête à m’en aller, piquée au vif mais il reprend :
– Parce que si c’est bien vous, j’ai un petit quelque chose pour vous.
– Un petit quelque chose pour moi ? Le colis vient-il de Paris ?
– Je sais pas. Vu que ça ne me regarde pas.
Quel con… mais bon, je l’ai bien méritée aussi. Il quitte son siège pour aller récupérer quelque chose dans la réserve et revient avec une boîte en carton. Rien n’était indiqué dessus. Juste une boîte bien scotchée.
– Il me faut juste quelques renseignements.
– On sait de qui ça vient ?
– Je ne me charge que de donner les colis que les facteurs m’ont remis.
Chiotte.
– Nom.
– Peeters.
– Prénom.
– Elizabeth.
– Date de naissance.
– 14 Janvier 1974.
– Lieu de résidence.
– 13, rue, avenue de la résistance.
– Parfait. Signez le reçu.
Je m’exécute et m’empare du colis. Je remercie une nouvelle fois le type et m’excuse pour le dérangement. Mais il me lance :
– Passez le bonjour de ma part à votre père !
Trop bizarre le type. Il me dit même pas son nom.
– J’y manquerai pas ! répondis-je, par pur politesse.
Je quitte rapidement la grande salle, avec la boîte en main, qui était plutôt légère. En sortant de la poste, j’entrepris d’abord de rentrer directement chez moi pour déposer mon colis. Mais mon père y était et je craignais qu’il ne le voit. Qui vient de qui d’ailleurs ? Je m’assois sur un banc à proximité et le pose sur mes genoux. Les mains tremblantes, je commence à l’ouvrir pour découvrir le contenu. Mais je le ferme tout de suite. Une sueur froide avait traversé mon échine et je ne me sentais absolument pas prête à découvrir ce qu’on m’avait envoyé. Je devinerai tout de suite qui en est l’expéditeur. Et parce qu’il était anonyme, j’avais peur de découvrir qui c’est. Je soupire et pense aux personnes de mon entourage. Qui pourrait m’envoyer quelque chose en souhaitant absolument rester secret ? La première personne a qui je me mis à penser fut Rafaella. Elle m’avait envoyé des lettres auxquelles je n’ai jamais répondu. Puisque je ne les ai jamais lu et jeter.
Je finis par ouvrir le paquet et découvre non pas une, non plus deux, mais des tonnes de lettres. Toutes entassées l’une sur l’autre. Je fus tellement étonnée de cette découverte que je ne savais plus quoi faire. Le plus logique était d’en prendre une pour savoir de quoi il s’agissait. Quand j’ouvris la première, je découvrit un papier vert, avec une écriture que je ne connaissais que trop bien…
Rafaella.
C’était bel et bien elle. Toutes ces lettres, à n’en plus finir, c’est elle qui me les a envoyé de façon anonyme. Parce qu’elle voulait être certaine que je les lise. Décidément… il n’y avait que elle pour faire ça. J’ai d’abord pensé a tout jeter dans une poubelle que je trouverai mais le quartier commençait à se remplir, car le marché ouvrait ses portes. On me prendrait pour une malade mais surtout, je ne voulais pas que quelqu’un ait l’excellente idée de les ressortir pour les lire. Je me lève et embarque donc mon énorme paquet pour rappliquer au village. Certains passants me jetaient des coups d’œils curieux bien que j’arrive à les esquiver. Il ne fallait pas qu’une personne du voisinage croise mon père et lui informe qu’il a vu sa fille trimballer une grosse boîte en carton un dimanche matin. Ca serait suspect. J’arrive devant ma maison et au lieu d’entrer par la porte, je contourne le jardin pour arriver devant ma fenêtre que j’ouvre et glisse la boîte à l’intérieur. Ensuite, je rebrousse le chemin pour passer par la porte d’entrée. Papa n’était visiblement pas là et je pense à l’option des courses. J’en profite pour retourner dans ma chambre pour cacher la boîte dans le placard.
Je penserai au sort des lettres plus tard.
***
J’étais dans ma baignoire. Mais au lieu de d’abord me laver, j’avais remplie la baignoire d’eau et avait plongé mon corps, la tête en premier sous le liquide. J’avais besoin de faire le point sur ma vie.
Dabord, au début de l’été, Vincent m’a avoué être amoureux de moi.
Ensuite, j’ai rencontré Ibrahim et je suis tombée sous son charme. On a flirté un petit moment.
Puis, il y a eut la rentrée. Vincent m’a demandé d’oublier ce qu’il m’a dit, de prendre un autre départ et j’ai appris qu’Ibrahim est mariée et avait une enfant.
Après, en m’expliquant avec lui, nous avons failli nous embrasser mais je me suis sauvée.
Finalement, alors que j’étais seule avec Vincent, il m’a embrassé, je me suis sauvée (décidement, je suis vraiment trop lâche). Et en rentrant, j’ai eu Alyssa au téléphone.
Appelez ca comme vous voulez mais pour moi, le sort s’acharne. Je pense que je devrai être élue la fille la moins chanceuse sur terre.
Je sors ma tête de l’eau et inspire profondément. Il fallait que je remette de l’ordre dans ma vie. J’étais très bien avant le mois de Juillet. Il faut que ça en reste ainsi. Mais comment ? Maintenant que j’ai embrassé Vincent et qu’Alyssa vient chez moi le week-end prochain, que va-t-il se passer ? Hier, quand elle m’a appelé, sa voix m’a plongé dans nos vieux souvenirs paisibles et idylliques. Cela faisait longtemps que je ne l’avais pas entendu et elle m’a mise dans tout mes états. Mais surtout… l’idée même de l’envoyer bouler me brisa le cœur. Alors prise de fortes émotions, j’ai étalé toute ma joie de l’entendre et lui dit a quel point elle m’avait manqué. Comme Alyssa me connaît bien, elle s’est permise de m’avouer que malgré ses appels, je n’avais jamais répondu. Et c’est pour ça, que mon impression étrange s’est renforcée. Comment c’était possible ? Je m’en étais assurée ce matin, j’aurai dû recevoir cet appel. Alors pourquoi ? Sauf que ça, bien sur, je n’allais certainement pas le dire à Alyssa. J’ai donc prétendu avec depuis un moment des problèmes techniques avec le téléphone. Et bien sur, elle m’a cru sur parole. Puis, elle s’est mise à me raconter des choses sur sa vie, des anecdotes sur ses cours, ses apres midi avec sa sœur et son beau-frère, les jardins de la ville où elle vivait et à quel point c’était bruyant, elle me parlait des livres qu’elle lisait et moi, je l’écoutais d’une oreille attentive, sans jamais la couper. Elle m’invita à faire de même et je debriefais sur la vie au village qui était toujours la même. Cela semblait lui convenir et me dit qu’elle souhaitait revenir pour une entrevue. Mon cœur s’est tout de suite accéléré et sans réfléchir, je lui ai proposé de venir vendredi prochain passer le week-end avec moi. Elle accepta sans concession et nous nous sommes quittés ainsi. Je me suis dit que j’avais toute la semaine pour regretter mon geste. Oui, pour la première fois depuis 8 mois, j’allais de nouveau héberger mon ex petite amie et meilleure amie, pour quelques jours. Mon père n’a pas caché sa surprise et a vaguement dit que l’on pourrait lui faire de la place sans problème. Tout était là pour laisser Alyssa s’incruster et faire comme chez elle.
Complètement dépassée, je passe une bonne poignet d’eau sur mon visage et me met à réfléchir à comment j’allais gérer cette situation. Si Vincent l’apprend, il allait forcément sauter sur l’occasion pour tenter quelque chose avec moi. Maintenant qu’il m’avait embrassé, c’est sûr qu’il était convaincue d’avoir le champs libre à présent…
Mon regard se perdait en même temps que mes pensées et mes yeux tombaient encore une fois sur ces vilaines blessures sur mes cuisses. Longtemps, très longtemps que j’avais arrêté cette connerie mais même si j’avais appris à me défouler autrement, mes émotions étaient souvent sur le point d’exploser, détruisant tout sur leur passage, moi compris…
Je commence à me laver et après avoir appliqué à mes cheveux leurs soins, je commence à passer le savon le long de mon corps en me disant peut être que ces choses sensuels et inconnus que font les personne qui s’aiment, même si je n’ai jamais sauté le pas avec Alyssa, rien ne me disait que Vincent n’hésiterai pas à me le faire comprendre. Mon dieu… quel horrible sentiment, rien que d’y penser, j’en avais la nausée. Au fond de moi, le seul dont qui je voulais le regard, les caresses et les baisers, c’était Ibrahim.
***
Quand je suis sortie de la douche, papa ne m’y pas longtemps pour revenir. Alors que je sortais de ma chambre, habillée d’une légère robe blanche, mes cheveux relâchés et mouillés à l’air, il m’informa qu’une de nos voisines faisait une fête pour la Saint-Nicolas, pour la semaine prochaine , vendredi soir. Presque tout le village était invité et nous étions aussi conviés.
– Tu sais que je déteste les fêtes, alors je n’irai pas mais toi, vas-y, il faut que tu te défoules, ça fait des mois que que restes cloîtres dans ta chambre pour travailler. Y aura même tes amis, m’a-t-il dit.
– Mais papa, Alyssa vient vendredi soir. T’as pas oublié, quand-même…
– Bah justement ! Tu pourras la prendre avec toi, vous vous amuserez bien, va. Et tes amis, ils seront enchantés de la revoir.
– Oui, ravis.
Vincent la verra.
Oh putain… mais dans quel merdier je viens de me fourrer, exactement