LSA – Brasken : chapitre 4

9 mins

Les paroles de Luven ont pour bénéfice d’être simples, courtes et efficaces, sans aucun superflu inutile.

À mesure que nous entrons dans la pièce, je sens le regard brûlant de mon père sur moi. Autant dire que cela va chauffer pour moi. Je préfère donc largement baisser la tête avant de me la faire dévisser de mon corps par mon père.

Finalement, si Père pensait que j’allais essayer de fuguer, il avait vu juste. Même si je sais que j’ai fait cela pour une raison valable, j’aurais tout de même pu prendre le temps de réfléchir un minimum.

J’attends en silence ma sentence, bien qu’elle tarde à arriver. Un léger coup d’oeil en biais me permet de voir ma mère se lever de son lit.

« Narina… » souffle Mère.

On entend à sa voix son désarroi et sa déception. Peu m’importe après ce que j’ai entendu, il n’y a même pas quelques heures. J’aurais aimé me dire ça, mais malheureusement, je ne peux m’empêcher de chercher une certaine considération de sa part. C’est ma mère après tout.

La pointe d’une épée me fait relever ma tête. Mon regard s’accroche à celui de mon père et je me donne du courage en me disant que de toute manière, je sais déjà ce qu’il va dire.

« Tu es une Artellian. De ce fait, tu te dois d’être exemplaire et ce soir, tu ne l’as pas été. Je ne veux pas de tes explications parce que je ne te considère plus digne de les donner. »

Je viens de perdre la confiance que ma famille fondait en moi et cela me brise un peu le cœur d’y penser. Pourtant, j’assume mes actes et mes choix. Selon son point de vue, j’ai fait une faute dont je devrai assumer la punition, ce que je ferais cela va s’en dire.

« Arcturus, peut-être, vaudrait-il mieux en parler demain ?” tente alors Mère d’intercéder à ma grande surprise “Trop d’activités nocturnes ne fera qu’attirer l’attention inutile du personnel. »

« Je ne compte pas attendre pour lui faire comprendre qu’elle a fauté alors restez en dehors de cela Larissa » somma Père avant de reprendre « Dès demain, tu deviendras apprentie au temple afin d’y évoluer en tant que prêtresse du soleil. Sache que je n’accepterai aucune plainte de ta part. »

Toutes les paroles prononcées à l’instant peuvent se résumer à une seule phrase “tu m’as extrêmement déçu ce soir” et cela me brise le cœur. Malgré nos points de vue divergent ma famille reste une part importante de moi.

Finalement, je n’ai fait qu’accélérer ma propre perte.

Maintenant, que le sujet est clos, mes parents retournent se coucher tandis que Luven m’attrape encore une fois par le bras, le même bras au même endroit qui plus est, et m’emmène avec lui. Où je ne sais pas. À peine quelques minutes plus tard, voilà ma réponse.

Ma chambre. Après tout, il ne faut pas abuser quand même.

Là non plus pas une seule parole n’est prononcé et le seul regard dont j’ai le droit est glacial et c’est le seul que Luven m’adresse avant de m’enfermer dans ma chambre.

Bon, je me suis loupé, je ne suis pas vraiment doué en évasion et je soupçonne même Luven de m’avoir repéré depuis le début où j’ai commencé à descendre de mon balcon.

En pensant ainsi, il est d’autant plus facile de comprendre ce qu’il avait voulu dire plus tôt quand il m’a “attrapé”. Je suis sûre qu’il s’est bien moqué de moi. Autant dire que j’ai maintenant compris la leçon alors même si je pourrais toujours retenter de fuir cela ne me mènerait à rien du tout.

Je reste donc éloigner du balcon et de sa zone avoisinante, préférant largement mon lit.

Il n’y a plus qu’à espérer que demain soit un meilleur jour que celui-ci. Je laisse la fatigue m’envahir et le sommeil me gagner sans sentir la présence qui m’observait à mon insu.

            *        *            *            *

J’aurais voulu rester traînasser au lit avant de commencer la journée qui s’annonce, mais des tours de clé dans la serrure de la porte de ma chambre viennent de me pousser à me lever à une vitesse ahurissante.

C’est non sans un plaisir inconcevable que la première personne que je vois de ma magnifique journée soit mon frère, Luven. C’est qu’elle commence bien celle-là ! Plus qu’à se préparer pour vraiment la commencer.

Mon frère referme la porte sur les servantes qui viennent de rentrer dans ma chambre afin de me préparer comme tous les matins. On commence par la toilette, les Teines sont en général très à cheval sur la propreté et donc je n’échappe pas à un bain.

Les baignoires sont portatives et se déplacent en fonction des pièces et des envies. Je crois qu’une fois quand j’étais jeune, j’avais dit vouloir prendre mon bain dans les jardins et aussi incroyable que cela puisse paraître, c’est ce qui s’est fait.

Toutes les autres personnes qui n’étaient pas concernées par ma toilette n’avaient pas le droit de s’approcher de ne serait-ce qu’un mini-mètre.

L’expérience ne s’est pas renouvelée, mais c’est assez sensationnel d’y repenser maintenant. Je pouvais vraiment demander des choses déraisonnables quand j’étais petite. Enfin un bain plus tard nous voilà désormais à l’habillage.

Quelle torture !

C’est long et fastueux de finir de s’habiller rapidement et pourtant la tenue réservée aux jeunes filles non mariées est plutôt simple en général. En fait toutes les tenues des Teines sont simples. Aucune difficulté d’enfilage n’est à pourvoir et pourtant, je dois m’habiller avec de l’aide. C’est une chose que je n’ai jamais vraiment appréciée.

Une robe plissée terminant un peu plus haut que les chevilles et dont les manches sont en capes tout cela dans un magnifique violet. Les couleurs chez nous ne varient pas tellement et restent dans le bleu, le violet et rarement le rose. Tout cela est dû à l’aguerepia. C’est une plante dont nous utilisons la fibre pour nous faire des vêtements, mais tout autre sorte de chose.

Elle n’est produite presque exclusivement qu’à Razmiran. On peut la décolorer jusqu’au blanc, mais les vêtements blancs sont réservés aux cérémonies religieuses dont seules les familles seigneuriales et le temple ont des habits blancs.

Quant au noir, il est interdit à Deas parce que cette couleur est considérée comme absorbant l’énergie du soleil et donc prenant la puissance de notre dieu adoré.

Une fois ma robe enfilée me voici désormais à l’étape de la coiffure. J’aurais bien aimé garder mes cheveux lâchés sauf qu’il est de coutume les garder attachées pour là encore les jeunes filles non mariées. On peut les attacher comme on veut alors avec n’importe quel élément, aujourd’hui, j’ai décidé de me les faire attacher en chignon tressé.

C’est enfin terminé et heureusement !

Maintenant, je n’ai qu’à suivre mon bougon de frère habillé lui aussi d’un magnifique ensemble de vêtements violet.Maintenant, je n’ai qu’à suivre mon bougon de frère habillé lui aussi d’un magnifique ensemble de vêtements violet. Un drapé attaché à l’épaule et à la taille avec une ceinture et arrivant aux genoux.

Le trajet se fait sans qu’aucune parole ne soit échangée. Pff… Moi qui voulait passer une journée assez bonne avant de partir vers l’enfer. Enfin, l’enfer n’est pas très loin puisque le temple du soleil est présent dans toutes les villes. Enfin normalement… Ce n’est pas comme si c’est un sujet qui me passionne beaucoup !

Au moins, je peux espérer que le petit-déjeuner sera un petit plus causant.

Lorsque nous arrivons dans la salle à manger, Lucan nous regarde bizarrement. Il fait vrai que vu notre mauvaise entente, il est plutôt difficile de concevoir de nous voir arriver ensemble, paisiblement tout du moins.

Alors que j’avais espéré pouvoir parler avec mon petit-frère pour faire passer la mauvaise humeur régnante, nos parents arrivèrent aggravant pour ainsi dire l’ambiance encore plus qu’elle ne l’était.

Non mais il faut vraiment qu’un de leur enfant fasse une faute grave pour les voir arriver à prendre le petit-déjeuner avec nous ?

Apparemment oui !

Lucan est de plus en plus perdu et je me sens un tout petit peu désolé de ne pas pouvoir lui expliquer la situation. Le repas se passe là encore en silence, comme si c’était une malédiction et ce n’est que quand ils partent que la pression ambiante redescend.

Je me demande si dans les autres familles, c’est ainsi ?

Au final Père ne m’a pas adressé la parole ou même un regard, Mère est resté comme à son habitude : silencieuse. Lucan était perdu et Luven ne m’a pas lâché du regard de tout le petit-déjeuner.

Un vrai garde-chiourme celui-là !

On peut dire qu’il prend son rôle très à cœur, trop parfois. J’ai l’impression d’avoir une ombre en plus greffé sur moi.

Malheureusement pour moi, c’est la personne que je voulais le plus voir qui manque à l’appel ce matin. Ma tante est sans aucun doute dans ses quartiers, mais y aller avec l’autre casse-pieds n’est pas vraiment une merveilleuse option envisageable pour moi.

Puisque je ne peux pas profiter de ma tendresse quotidienne et bien, je vais aller prendre l’air.

Je finis la dernière bouchée de mon petit-déjeuner et me lève avec empressement. Je n’ai pas besoin de regarder si Luven a fini de manger puisque je suis tellement lente à manger que je suis toujours la dernière à finir à chaque fois.

« Narina, que fais-tu ? » m’interpelle alors Luven qui semble aussi s’être levé par automatisme.

« Je vais me promener dans les jardins ! C’est interdit ça aussi ?! » narguai-je d’un ton dédaigneux.

Luven ne me répond pas, mais m’emboîte le pas quand je sors de la pièce. J’aurais pu rester parler avec Lucan, mais ce dernier s’est enfui très vite quand nos parents sont partis. Il semblerait qu’il ne voulût pas rester dans une ambiance pesante.

Je poursuis mon chemin et marche avec ferveur vers les jardins. D’après Quila, c’est le premier seigneur de Razmiran qui aurait installé ces jardins pour son épouse qui venait d’Arainneachd et qui était très attachée à la nature par conséquent.

Il me semble aussi qu’elle avait dit que cette dernière n’avait pas vécu très longtemps après son arrivée dans le sud puisque son arbre-vie serait mort avec la chaleur et c’est ainsi qu’un arbre centenaire complètement mort trône dans notre jardin principale.

Les Duilleags, le peuple qui constituent la totalité de la population d’Arainneachd croient en la divine déesse de la nature qui comme cadeau envers eux leur a donné l’arbre-vie. Une entité qui partage la vie de ces personnes et ils existent même deux sous-genres aux Duilleags.

Difficile de nier les dieux avec ça n’est-ce pas ?

Les premiers vivent toutes leurs vies rattachés à un arbre lié à eux dès leur naissance, bien évidemment les arbres sont aussi des tout jeune née, par conséquent si l’arbre meurt de quoique que ce soit et bien son propriétaire meurt aussi, le phénomène s’inversant quand c’est l’inverse qui se produit.

Quant à la deuxième catégorie, c’est à leur mort qu’ils se transforment en arbres, assez épatant à voir, et toute leur vie, ils ont certaines capacités bien particulières. Évidemment, la deuxième catégorie est bien plus rare que la première et je n’en sais pas plus sur les pouvoirs qu’ils ont après tout, je ne peux pas tout savoir, encore moins puisque mon seul rapport avec le monde est Quila.

Étant donné que les soldats n’osent même pas me parler pour autre chose que me dire que mes parents me cherchent.

Pour en revenir au jardin, il est plutôt difficile de maintenir un terrain verdoyant quand il fait plus de 40 °C toute l’année. Alors ces derniers restent modestes mais tout de même très agréables à regarder mais bon comme je l’ai déjà précédemment mentionné l’élément le plus marquant c’est sûrement cet arbre centenaire voire même millénaire.

Puisque le premier seigneur de Razmiran aurait vécu bien avant l’instauration du calendrier Mortalis, celui qu’on utilise de nos jours.

Après, si on y réfléchit, il est plutôt bizarre qu’un arbre d’une telle ampleur, mort qui plus est, soit resté en place pendant tant de siècles.

D’après la légende de la mort de cette fameuse épouse il est dit que bien qu’elle fasse partie de la première partie des Duilleags lorsque qu’elle aurait senti la mort de son arbre-vie elle serait sorti « s’unir » une dernière fois à lui et serait morte ainsi le serrant dans ses bras.

Le premier seigneur aurait pleurer toute les larmes de son corps qui auraient coulé sur les racines de l’arbre tandis qu’il priait la déesse de la nature de faire preuve de clémence et de lui laisser son épouse c’est alors que la déesse aurait répondu à son appel et l’arbre-vie désormais mort aurait absorber en lui le corps de son épouse moulant ainsi la forme de sa silhouette à travers l’écorce et cette ainsi qu’il aurait tenu tenu debout jusqu’à nos jours avec la force de sa feu propriétaire et les larmes nourrissantes du seigneur.

C’est une belle histoire pour les enfants et l’arbre devant moi qui porte lui aussi les traces d’une silhouette dans son écorce en atteste pourtant, je ne peux cesser d’être sceptique.

C’est dans ma nature.

Peut-être qu’à cette époque les dieux et déesses, si ils existent bien, étaient attentif à leurs peuples, mais maintenant, ce n’est plus le cas depuis longtemps maintenant. Bien que je sois sceptique face à la légende de cet arbre, je ne peux m’empêcher de me sentir paisible quand je suis proche de celui-ci, comme si un regard bienveillant était posé sur moi.

« Narina ! »

Je sursaute tout en me retournant vers la source de la voix. Luven évidemment.

« Qu’est-ce qu’il y a ? »

« J’ai cru que tu ne me répondrais jamais à mes appels. Il est déjà, tard Père ne va pas tarder à décider qu’on parte alors il faut que tu prépares tes affaires. »

Il est déjà, tard Père ne va pas tarder à décider qu’on parte alors il faut que tu prépares tes affaires.

« Ah… Déjà, de toute façon, je n’aurais pas besoin de beaucoup d’affaires, je pourrais toujours revenir en chercher si j’en oublie. »

« Revenir ? Je ne suis pas sûre que plus d’un mois de bateau pour revenir chercher des affaires sûrement bénignes soit vraiment raisonnable Narina. »

« Comment ça un mois de bateau ? Je suis censé aller au temple. »

« Oui, tu dois aller au temple. » me répondis Luven l’air de ne pas comprendre et de me prendre par la même occasion pour une idiote.

« Oui celui de Razmiran. »

Le rire de Luven s’éclate alors contre mon visage et j’eus l’impression de louper quelque chose d’important pourtant, je ne vois pas quoi.

« Narina, sais-tu où est le temple principal au moins ? »

« A Sunheart, pourquoi tu poses une question si idio…. Non, dis-moi que c’est une blague ?! » m’emportais-je alors.

« Tu croyais vraiment qu’en tant de fille de seigneur, tu pourrais réchapper à la capitale ? Ce ne serait pas une punition si tu ne bougeais même pas géographiquement. » Finit-il me regardant avec dédain.

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