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La vie avec Gora c’était… génial. Son nouveau boulot lui plaisait énormément et son chef et lui s’entendait très bien, on aurait cru deux âmes sœurs qui se rencontraient, Gora disait qu’il avait beaucoup progressé grâce à monsieur Ngane. Il maitrisait maintenant aussi la conception des réseaux virtuels, il nous avait acheté deux ordinateurs, des fixes, l’un était installé dans son bureau et l’autre dans le salon pour Akeng et moi. Nous avions déménagés, pour notre propre maison, l’ancien patron de Gora était content. Mais vu qu’il se déplaçait toujours autant, je continuais à m’occuper de ses villas, et lui me versait des sous pour ça.
Gora et moi on avait reparlé de mes études et je ne voulais pas suspendre mes activités pour ça. Mais il m’avait montré un site sur lequel je pouvais m’inscrire, et suivre une formation diplômante en ligne, j’adorais le principe alors je m’inscrivis en gestion de patrimoine. C’était déjà ce que je faisais avec ses revenus et les villas de son ancien patron alors, je voulais découvrir comment le faire mieux et puis peut-être que je pourrais ouvrir un genre d’agence immobilière, ce serait bien. Du moins c’est ce que je m’étais dit, et puis j’avais déjà demandé à Gora de m’acheter un portable pour que je ne sois pas obligée d’attendre d’être à la maison pour bosser sur mes cours.
Il m’arrivait de passer des journées entières au magasin à ne rien faire. C’est le jour de mon anniversaire que je reçu mon ordi, il était rentré avec du boulot :
– Merci Gora !
– Chose promise, chose due et tu sais que je vais tenir chacune des promesses que je t’ai faite
– Tu les as déjà toutes tenues tu sais
– Non il en reste au moins une, je vais te faire un autre enfant…
– Ça ne dépend pas de toi
– Je sais, (il soupira) mais j’aimerais tellement ça tu sais
– Je le sais, hey Akeng est avec papa ce week-end, ça t’inspire ?
– Tu m’inspire toujours ma belle
En disant cela il me prit dans ses bras et me porta jusqu’à notre chambre. Je me sentais bien, ses caresses, ses baisers… je n’avais besoin de rien de plus. Nous avions déjà de quoi être fiers. Mes cours en ligne ne coûtaient pas trop chers, mais les livres c’étaient autre chose, surtout parce que la plupart devaient être commandés, mais pour ça j’avais mademoiselle Poaty et elle m’offrait tous ceux qu’elle ramenait. Elle avait fini par louer un espace plus grand pour son magasin, nous étions désormais situés derrière la BEAC, un peu avant le feu tricolore de Total Gabon. Je ne travaillais plus seule, j’avais embauché deux jeunes filles pour m’aider.
Les deux avec lesquelles je travaillais maintenant étaient bien mais avant elles j’avais dû faire avec deux des cousines de mademoiselle Poaty et ça avait été du grand n’importe quoi. Au final je les avais virées pour en prendre deux que je ne connaissais pas du tout et elles s’appliquaient plus. Comme quoi ! Quelques mois après mon anniversaire Gora et moi étions à la maison, c’était un jeudi soir, les élèves étaient en vacances alors Akeng passait la semaine avec son grand-père. Nous discutions en regardant la télé, quand le téléphone de Gora se mit à vibrer, c’était son oncle au téléphone.
Il parlait de façon étrange, il paraissait bouleversé, pendant toute la conversation je ne compris qu’une chose, la santé de sa mère s’était détériorée, encore plus qu’avant, Gora ne m’avait jamais dit qu’elle était malade. Et là son oncle lui annonçait qu’on venait de l’interner, à l’hôpital Paul Igamba en réanimation, mais il le rassurait qu’elle s’était réveiller le plus dur était passé les médecins avaient juste conseillés qu’on la laisse à l’hôpital encore deux semaines puisqu’elle vivait seule, le temps de voir si le nouveau traitement lui conviendrait mieux. Ensuite seulement elle pourrait retourner chez elle mais il fallait trouver une solution, elle ne pourrait plus vivre seule.
La vieille dame n’avait pas fini de nous emmerder son fils et moi. J’avais pensé ça tellement fort que j’eus un peu peur que Gora ait entendu. Il nous fallait trouver une solution et nous avions deux semaines pour ça :
– Tu as entendu ? Me demanda-t-il
– Oui,
– Alors on fait quoi ?
– Je n’en sais rien encore mon chéri, mais il faut déjà qu’on aille la voir à l’hôpital, et qu’on discute avec le médecin qui la suit, il faut qu’on en sache un peu plus sur son mal
– Je crois aussi, alors tu viendras avec moi ?
– Bien sûr, elle est malade et qu’elle le veuille ou pas il lui faut quelqu’un pour l’aider, alors à moins qu’elle est quelqu’un d’autre à m’opposer je le ferais
Gora me prit dans ses bras et me serra fort en m’embrassant sur le front. Il avait toujours pu compter sur moi et cela n’allait pas changer. Cela nous prit environ une demi-heure pour arriver à l’hôpital, l’oncle de Gora nous reçut dans le couloir avant de nous emmener voir le médecin. Le praticien nous expliqua qu’elle souffrait de mal nutrition :
– De quoi ? Hurla Gora
– De mal nutrition, on a décelé chez elle plusieurs carences diverses, vous devriez mieux prendre soin d’elle
– Mieux ? Docteur je lui donne trois cent mille francs tous les mois, je suis supposé faire quoi ? Faire les courses, préparer ses repas et la nourrir à la cuillère, et à quel moment je bosse pour gagner l’argent avec lequel je dois m’occuper d’elle ?
– Désolé monsieur, mais ce n’est pas ce qu’elle nous a dit, répondit le médecin étonné
– Et que vous a-t-elle dit ? Demanda Gora énervé
– Que son fils l’avait abandonné depuis des années et…
– C’est bon je n’ai pas envie d’entendre ça, fit Gora en se levant puis il sortit du bureau du médecin
Je fis signe à son oncle de le suivre pendant que je restais avec le docteur :
– S’il vous plait docteur, de quoi elle a besoin ?
– Ecoutez normalement elle n’a pas besoin de traitement, il lui faut juste une alimentation équilibrée
– Alors elle peut vivre seule ?
– Oui bien sûr, mais vu la manière dont elle s’applique pour aller mal et les histoires qu’elle invente sur son fils, cette vieille dame est cinglée,
– S’il y avait des structures pour prendre soin des personnes âgées je vous jure que je l’y aurais accompagnée moi-même,
– Trouvez lui une aide domestique, quelqu’un qui passera lui faire le ménage et lui faire la cuisine plusieurs fois dans la semaine, ne lui donnez plus d’argent, faites les courses et déposez le tout chez elle
– On va faire comme ça, merci docteur
– Je vous en prie, quand je pense qu’il y a des vieilles personnes qui ont des enfants mais qui ne reçoivent rien de leurs enfants et elle, elle tente de faire du tort à un enfant qui prend soin d’elle c’est triste, quelle vieille folle ! lança le docteur en se calant dans son siège
Je sortis du bureau du docteur et retrouvais Gora et son oncle dans le couloir, ils étaient en pleine conversation concernant le déménagement de la vieille dame :
– Je pense que c’est mieux comme ça, tu ne peux pas la prendre chez toi sinon elle viendra foutre la merde dans ton foyer, fit l’oncle de Gora, y a de la place chez moi j’ai la chambre extérieur de mon fils qui s’est libérée, elle est autonome, la fille de oncle Obaa est en ce moment chez moi, elle lui fera la cuisine et veillera à ce qu’elle mange
– Comment ?
– Elle a une formation d’infirmière et un fichue caractère, elles vont bien s’entendre si tu vois ce que je veux dire,
– Ok, alors nous on fait quoi ?
– Le docteur a dit qu’il ne faut plus lui donner d’argent, mais que nous devrions faire les courses nous-même et diversifier son alimentation, et qu’en réalité elle n’a pas besoin de traitement particulier, dis-je
– Alors on va la laisser deux semaines ici histoire qu’elle soit obligée de se nourrir et qu’elle parte d’ici un peu plus en forme, fit l’oncle de Gora, ensuite je viendrais la chercher
– On va lui apporter des fruits et d’autres petites choses de temps en temps
– Oui on va faire ça, dit encore son oncle
Je n’en revenais pas, en sortant de l’hôpital j’appelais mon père et lui faisais le compte rendu de la situation :
– Cette femme est folle ! S’exclama-t-il
– Je n’en reviens pas, tu te rends compte de ce qu’elle s’est infligée juste pour nuire à Gora, elle se rend compte de ce qu’elle lui fait tu crois papa ?
– Oh oui, j’en suis persuadé, mais tu sais moi aussi j’ai mes soucis ma belle
– Qu’est-ce qu’il y a ?
– Heureusement que je t’ai écouté concernant le choix du régime matrimonial et pour le contrat de mariage, ta belle-mère est partie, elle a demandé le divorce et une fois chez l’avocat, ils ont ressortit le contrat de mariage et elle a paru surprise
– Elle pensait te prendre une partie de tes biens c’est ça ?
– Oui, mais écoutes je passe de superbes vacances avec Akeng on parlera des sujets qui fâchent une autre fois, je t’aime ma puce
– Je t’aime aussi papa
Gora m’observait pendant que je parlais avec mon père dès que je raccrochais il s’approcha :
– Ne me dis pas que lui aussi il a des soucis de santé, fit Gora inquiet
– Non de cœur, répondis-je
– Comment ça ?
– Sa femme, elle a demandé le divorce en pensant le déposséder d’une partie de ses biens immobiliers, mais ils avaient un contrat de mariage et ça n’a pas tourné en sa faveur
– Mince alors, tu vois que j’avais raison de te dire de lâcher les apparts, ça devait être source de conflit avec ton père c’est pour ça qu’il nous a offert le verger
– Oui,
Gora soupira en me prenant dans ses bras :
– T’en fais pas c’est juste un mauvais moment à passer, me dit-il puis il m’embrassa sur le front, viens on rentre ma belle
Durant les deux semaines que sa mère passa à l’hôpital, je passais la voir le matin en lui apportant des fruits frais, des yaourts et d’autres petites choses que nous avait conseillé le docteur, et je m’arrangeais pour les lui donner devant l’infirmière qui s’occupait d’elle, la jeune femme était au courant de la situation alors elle s’arrangeait pour la forcé à manger. Elle allait de mieux en mieux, et commençait même à faire preuve d’insolence envers moi :
– Tu penses me tromper sur tes véritables objectifs en venant ici, tu veux me tuer pour rester à profiter des biens de mon fils toute seule…
Je ne répondais rien, mais ce jour-là, pendant qu’elle s’en prenait à moi la sœur du père de Gora qui avait entendu dire qu’elle était malade et était venue lui rendre visite. Elle s’était enquit de la situation auprès du petit frère de la vieille dame, et savait ce que Gora et moi endurions avec la dame depuis plusieurs années. Elle se tenait debout devant la porte pendant que la vieille dame m’insultait, je terminais de ranger les courses devant l’infirmière et j’allais m’en aller lorsque je vis cette femme que je ne connaissais pas debout devant la porte :
– Bonjour ma fille, me dit-elle
– Bonjour madame, répondis-je surprise, c’est en voyant le regard gêné de la mère de Gora que je compris qu’il s’agissait d’une parente
– Je me présente je suis la petite sœur du père de ton ami, on m’appelle Ening et toi ?
– Abeng,
– Ah tu viens de notre région aussi, ton père est du nord du pays ?
– Oui madame,
– Ça va nous faciliter la tâche pour votre mariage, me dit-elle, je suis restée trop longtemps sans m’occuper de Gora, et tu as dû penser à tort que cette vieille folle avait tous les droits sur lui, puis elle se tourna vers la malade, je suis venu récupérer mon fils, mon frère était ton époux lorsque vous avez eu Gora, alors c’est mon fils, la seule raison pour laquelle je n’ai pas fait de démarches tout ce temps c’est parce que je me disais que tu n’avais que lui mais ce que ton frère m’a dit sur la façon dont tu le traites, et vu ce à quoi je viens d’assister il était temps que j’intervienne, elle sort de l’hôpital demain tu n’as donc plus à revenir ici, ses parents vont désormais s’occuper d’elle, viens je te ramènes chez toi, me dit-elle
Je suivis la femme à l’extérieur de l’hôpital. Elle m’expliqua qu’elle venait de rentrer au Gabon, et avait appris notre situation grâce au jeune frère de « ma belle-mère ». Elle demanda des nouvelles de Gora et d’Akeng, me demanda ce que je faisais pour occuper mes journées, cela m’amusa. Puis en riant elle m’expliqua que les hommes de leur famille n’aimaient pas trop que leurs épouses travaillent, je voyais maintenant d’où cela venait. En rentrant à la maison ce soir-là Gora me trouva en compagnie de sa tante qu’il n’avait pas vu depuis longtemps :
– Hey m’ma ! Quelle surprise, mince si j’avais su, je t’aurais apporté du vin tiens
Elle sourit en allant le prendre dans ses bras, puis elle le complimenta sur son apparence elle trouvait qu’il avait l’air en forme :
– Oui mais ça c’est grâce à ma chérie, dit-il en me montrant du doigt, elle s’occupe de moi comme d’un bébé
– C’est gentil à elle, viens t’assoir il faut qu’on discute tous les deux
Gora me tendit son sac à dos pour que je le lui mette dans son bureau, et je le laissais avec sa tante. Après avoir déposé les affaires de Gora, j’allais faire la cuisine pour mieux recevoir notre invité surprise. C’est lorsque je revins pour dresser la table que je pu saisir au vol une partie de leur conversation. Gora semblait avoir beaucoup de mal à s’opposer à sa tante, et même si je trouvais qu’elle avait raison dans une certaine mesure, il lui fallait mettre un peu d’eau dans son vin. J’attendais qu’ils marquent une pause dans leurs échanges pour leur proposer de passer à table et la conversation changea de cap et devint plus gaie.
La tante de Gora nous raconta quelques anecdotes de sa vie à l’étranger, en fait elle vivait en côte d’ivoire depuis longtemps, son époux étant originaire de ce pays. Mais elle nous apprit que depuis près de six mois déjà leur première fille était médecin à l’hôpital de Ntchéngué. Elle promit de nous l’emmener lors de sa prochaine visite. Il devait être 21h lorsqu’elle finit par prendre congé en promettant de revenir nous visiter bientôt :
– Chérie dis-moi tu es d’accord avec m’ma Ening, concernant ma mère tu crois aussi que je devrais laisser son frère s’en occuper ?
– Ça dépends de ce que tu entends par s’en occuper, s’il s’agit de la prendre chez lui comme il l’a proposé, je crois que tu devrais le laisser faire et mettre un locataire dans la maison cela lui ferait un revenu en plus
– Non ce n’est pas ce que je te demande,
– Tu me demande quoi ?
– Elle dit que je devrais… cesser toute collaboration avec elle sinon elle finira par me faire du mal…
– Tu sais même si elle a raison, on ne peut pas perdre de vu qu’il s’agit de ta mère
– Tu le penses aussi ?
– Oui, c’est sûr elle et moi c’est… enfin… mais te demander de vivre comme si elle n’existait pas, c’est un peu excessif
Gora me regarda rassuré, mais toujours un peu triste :
– Alors je fais quoi ?
– Ecoute, ta tante a dit que la maison était à toi mais elle peut bien disposer des loyers ceci n’empêche pas cela, et si jamais tu veux lui rendre visite tu sais où elle vivra désormais, et si jamais elle dit encore des méchancetés sur nous fais celui qui n’entend pas, arrêtes d’être aussi prévisible dans tes réactions
Gora sourit, en me demandant si vraiment je le trouvais prévisible :
– En tout cas avec ta mère tu l’es,
– Je ne vais pas le nier, je t’aime trop, je ne supporte pas qu’on dise du mal de toi et encore moins de ma fille, toutes les deux vous me rendez heureux
Il m’embrassa en disant cela. Puis il me fixa un long moment :
– Dis-moi, où est-ce que tu as caché ma fille ? tu veux me garder pour toi toute seule ou quoi, dit-il en me chatouillant
– Ohhh Gora je ne suis pas ta fille arrête avec ton truc là, dis-je en riant, elle est dans sa chambre,
– Tu vois que la torture c’est efficace, fit-il en riant, je vais lui faire un coucou et je reviens d’accord ? Dit-il en m’embrassant encore
– D’accord, je vais ranger un peu en t’attendant
Les histoires de famille ! Aucune n’est simple, et au final tout le monde à raison, mais en y regardant de plus près si chacun pouvait faire un effort on pourrait, peut-être pas s’entendre, mais au moins vivre en bonne intelligence, mais c’est trop demander à certains. Je terminais de débarrasser, ranger le salon, faire la vaisselle et j’allais m’installer dans le salon. Cela faisait un moment que je n’avais pas pris le temps de regarder la télé, alors je l’allumais et m’installais devant. Mais je crois que ce jour-là j’avais dû sous-estimer mon état général car lorsque Gora me souleva du canapé je me réveillais en sursaut :
– Tout doux ma belle, je te tiens
– Je me suis endormie ? Dis-je en passant mes bras autour de son cou
– Oui chérie, et là je t’emporte dans un endroit plus convenable, pour que tu puisses te reposer
– Je ne me savais pas si fatiguée, Gora ?
– Oui ma belle,
– Tu veux bien me raconter une histoire avant de dormir ?
– Mais tu dors déjà,
– Je sais, mais je veux juste entendre le son de ta voix en m’endormant
– D’accord, et voilà on y est
Il me posa sur le lit et s’allongea à côté de moi, puis je plaçais ma tête sur son torse et attendit mon histoire :
– Tu sais pourquoi j’ai un peu de mal à répondre à ma tante ?
– Non dis le moi,
– En fait c’est elle qui a pris soin de moi lorsque j’étais tout petit
– Raconte
– Lorsque ma mère est tombée enceinte, elle ne voulait pas d’enfant, alors ma tante a dû me prendre avec elle pour m’allaiter en même temps que sa fille, pas celle qui est médecin, sa petite sœur, et je ne suis revenu vivre avec mes parents qu’environ trois ans ou quatre avant la mort de mon père, et tout ce temps je pensais que ma mère était la seconde femme de mon père et ma tante la première je n’avais pas compris que c’était sa sœur
– Je comprends mieux dis-je en fermant les yeux