J’étais en train d’aligner les chaises le long des tables avec l’aide des quelques invités arrivés en avance, lorsque la porte s’ouvre en grand sur Baptiste, un des amis de ma soeur.
– Salut tout la monde ! hurle-t-il avec un grand sourire.
S’il pouvait parler sans crier, ça irait mieux…
Il me regarde et agite la main.
– Qu’est-ce que tu fais ? Je peux t’aider ?
Je roule les yeux.
Il est aveugle ?
– Je range les chaises. C’est évident, non ? Et si tu veux rendre service, va changer les couches des petits, leurs mères sont occupées, et ça ne sent pas la rose…
Il grimace et s’en va.
Je soupire.
Mission accomplie !
Baptiste est peut-être un des mais de ma soeur, mais c’est aussi un de ses ex… alors pour éviter tout conflit avec le marié, nous avions décidé de le maintenir occupé et éloigné le plus longtemps possible.
Au loin, j’aperçois ses parents et son frère. Si les premiers discutent joyeusement avec les miens, le jeune homme, lui, a l’air de s’ennuyer ferme.
Je hausse les épaules. Je n’ai pas le temps de venir les accueillir, il y a encore beaucoup de travail quand à la décoration.
Les parents de Baptiste sont musiciens. Les enfants aussi. Ils vont jouer certains de leurs morceaux en l’honneur des mariés.
J’aime beaucoup leur musique, mais je sais aussi que s’ils n’étaient pas musiciens, ni membre d’un groupe, ils n’auraient sans doute pas été invités…
Je regarde alors Benjamin, l’aîné, il se dirige vers la pièce où le marié s’est enfermé. Je ne veux même pas savoir ce qu’il a fait pour son enterrement de vie de garçon !
En le voyant entrer sans frapper, je me rappelle brusquement qu’il est la témoin de mon futur beau-frère.
Evidemment.
C’est pour ça qu’ils sont là ! Ce ne sont pas nos invités, mais les siens !
Ce que je peux être bête des fois…
Dans la journée, je croisais régulièrement son regard. C’était perturbant.
Je l’avais vu jouer avec ses parents, lors de la répétition, mais la seule chose que j’avais retenue, c’était que la place de batteur lui allait plutôt pas mal.
Pour une personne rêvant de rester célibataire, je faisait vraiment n’importe quoi.
Mais le moment où tout à dérapé est dans doute lors du repas. En effet, son idiot de petit frère voulu s’amuser à ouvrir une des bouteilles de champagne… dont le bouchon me fut envoyé dans l’œil.
Pour ne pas gâcher la fête, je me suis juste levée pour aller soigner ça dans la salle de bain.
Sauf que Baptiste a eu la bonne idée d’entrer sans prévenir.
– Sors. ai-je dit d’un ton sec.
Je me suis alors accoudée au lavabo et me suis regardée fixement dans le miroir.
Les minutes précédentes défilaient dans ma tête.
Baptiste s’était levé sur sa chaise, avait empoigné une bouteille… Puis, après un joli petit discours bien répété, il avait décidé de tirer sur le bouchon… Au même instant, je remarquais que son frère s’endormait à moitié sur la table, le coude dans son assiette. J’allais l’interpeller… Pour le réveiller… Et maintenant, ma paupière est violette.
En sortant de la maison, je le vois en train de regarder le ciel.
Je me mords la lèvre.
Il était tellement mignon lorsqu’il s’est endormi…. Et lorsqu’il est tombé dans le escaliers en arrivant… Et même lorsqu’il avait de la purée de carotte sur la joue…
C’est fichu, je suis complètement gaga.
C’est quand même drôle, moi qui préfère les personnes plus âgées… Il a beau avoir seulement deux ans de moins… Pour moi, c’est un gamin.
Allez, il me suffit de lui parler. Après, on verra.
Je m’approche et m’assois à côté de lui.
– Salut.
– Hey.
Silence.
– Désolé. Baptiste a toujours été…
– Casse-pieds ?
– Turbulent.
Je ris.
– Si tu le dis.
Sa voix est agréable. Douce. En plus d’être batteur, je suis certaine qu’il pourrait être chanteur.
En tout objectivité.
– Tu te souviens de la dernière fois que l’on s’est vu ? me demanda-t-il.
– Bien sûr ! On parlait de collège, des profs… Non ?
– Oui… il se gratte la nuque, et je n’ai jamais vraiment oublié ce moment, tu sais ? Pour la première fois, on me considérait un peu comme un adulte.
Ah. Il me considère comme un sorte de grande-soeur , alors ? Bon. C’est mieux que Celle-qui-s’est-prise-un-bouchon-de-champagne-dans-la-tronche…
– J’ai beaucoup pensé à toi. Et… J’aime bien tes posts sur les réseaux, ça me donne l’impression d’être proche de toi.
Cette fois je ne comprends plus rien.
Il se relève et me prends la main.
– Tu danses ?
– Certainement pas !
Il ne m’écoute pas et me tire vers lui, entamant des pas complètements farfelus, là, dans l’herbe humide.
– Benjamin…
– Je t’aime.
– Pardon ?
Il pose ses lèvres sur les miennes.
Je recule. Automatisme.
– Je… Mais enfin… Que… Tu es fou ?
Il secoue la tête.
– Non. C’est vrai qu’on ne se connaît pas tant que ça mais… Mais je t’aime vraiment beaucoup… Je ne te demande pas de me retourner mes sentiments, mais de les accepter.
Je me gratte nerveusement le creux des coudes.
Ce n’est pas que ça ne me fait pas plaisir, ni je que ne ressens rien pour lui mais… C’est si soudain, si inattendu… Je me croyais dans un film niais ou une mauvaise romance.
– Benjamin. Ecoute… Les choses ne se font pas aussi facilement. On peut commencer par discuter… Et puis… Voir où ça nous mène ? Et ne m’embrasse plus, s’il te plaît ! Ton frère n’arrête pas de nous regarder !
Il rit et me prend la main.
– Le violet te va très bien… Tu devrais te maquiller l’autre œil !
Je lève les yeux au ciel.
– C’est de sa faute !
Il embrasse ma paupière.
– Tu crois qu’il reste du gâteau ?
– Seulement si mon goinfre de beau-frère n’a pas tout mangé…