Je contemple l’océan. À l’horizon, l’onde et le ciel se fondent en un seul ensemble azuré, échangeant l’écume des rouleaux pour des nuages solitaires.
La plage à mes pieds, léchée par les douces vagues, n’est encore la scène que des sorcières de sables, tourbillonnantes au gré du vent, emportant dans leurs sillages dansants les brins d’oyats.
Dans mon dos, les feuillages bruissent sous la caresse du vent. Les montagnes ont leurs sapins, nous avons nos grands pins. Ils livrent un combat inlassable face à moi. Combat inégal, mais éternel. Lentement, aidé par le vent, je les dévore. Aucun ne m’échappera, même si leurs racines tentent de m’entraver.
Mais voilà l’été qui arrive. Notre lutte sera bientôt observée, commentée par une horde de petits êtres qui vont m’escalader. Les plus petits glisseront sur mes flancs en riant. Ils tenteront de me dévaler en courant, essayant de ne pas tomber.
Les sorcières tenteront de serpenter entre leurs corps absurdement entassés sur la plage. Je me dis qu’une année, ils finiront par s’installer directement dans l’eau.
Elle, se fera briser, frapper, puiser, avaler… Mais elle se défendra. Comme toujours, elle en gardera quelques-uns, inconscients ou fanfarons.
Voilà l’été.
Quelque part, il y a eu un crépitement. Je ne l’ai pas entendu. Personne ne l’a entendu.
Et le ciel est devenu rouge.
Je vois mes adversaires de toujours se tordre de douleur. La douce caresse du Zéphyr s’est transformée en colporteuse de mort et de désolation.
Les criquets ne chantent plus, la faune cherche à se sauver. Ne restent que les plaintes des écorces craquantes sous la chaleur. Je suis impuissante. La forêt est ma rivale, pas mon ennemie. Je voulais gagner contre ses soldats à la loyale, pas comme ça.
En cet instant, je voudrais pouvoir m’écrouler sur elle, noyer ces flammes sous ma masse.
Mais impossible. Je suis condamnée à la regarder partir en cendres. Les sorcières s’en servent pour danser, les conduisant plus loin encore. Propageant la faim insatiable de l’incendie. Les petits êtres fourmillent dans ce four, et de drôles d’oiseaux déversent des torrents d’eau du ciel. Cela fait tellement longtemps qu’il n’en a pas offert de lui-même.
Pourvu qu’il en arrive tout un vol.
Figée dans l’imposante stature qui me rendait si fière, je ne peux faire que le constat amer du ridicule ironique de ma situation. Je constitue un barrage naturel entre une forêt en feu et une immensité d’eau dont elle aurait tant besoin.
Les petits êtres se sont battus contre les impalpables flammes des jours et des nuits durant. Le soir, alors que l’un de mes flancs reflète la rougeur du soleil couchant, l’autre se fait écho du flamboiement. La nuit, l’épaisse fumée masque les étoiles et m’impose sa couverture ardente.
Je n’avais pas beaucoup d’estime pour ces êtres venant troubler ma quiétude tous les étés. Mais eux, ont gagné mon respect. Malgré un combat semblant perdu d’avance, ils n’ont pas renoncé.
Les dernières fumerolles se sont dissipées, me laissant contempler le désastre. J’ai vu des petits êtres marcher dans les cendres, l’air hagard, de l’eau coulant parfois de leurs yeux.
Et puis, le silence. Plus un criquet, plus un oiseau chantant… Le vent ne peut même plus faire trembler les feuillages, partis en fumée. Seul reste le roulement de l’océan. Stoïque, l’ancien a dû en voir de pire, mais en cet instant, je l’ai haï.
Des jours sont passés. Les petits êtres continuent de venir, brandissant de petits appareils, et se les passant de mains en mains. L’un d’eux botte dans un amas de branches calcinées. Et là, je la vois. Une jeune pousse de fougère. Son vert tranchant dans la noirceur cendrée ambiante.
L’océan roule comme pour me faire la leçon. Mes adversaires reviendront tout ou tard.
Les étés se succéderont, mais je les attendrai. J’ai le temps.
Là … tu me laisses sans voix … :’(
Waouh, quel texte magnifique ! Bravo à toi.
Très joli texte. Merci pour ta participation.
Mêler avec talent actualité et poésie n’est pas chose facile. Mais tu as relevé le défi haut la main ! Bravo !
Félicitation pour ta 3ème place sur le podium. Ton texte sera partagé aujourd’hui sur la page Facebook de wikipen !