Conte 4 : La vieille Dame et la Grochicha – 2ème Partie

7 mins

Bien qu’il pleuve des hallebardes dehors…oui je préfère préciser : c’est une façon de parler. Ce ne sont pas véritablement des sortes de grandes haches montées sur un manche à balai qui tombent du ciel. Cela signifie en langage soutenu qu’il pleut à seau ou comme vache qui pisse…mais ça fait toujours mieux de le dire comme ça…voilà…le Père Paul sauta sur son vieux biclou et pédala comme un beau diable.

La selle lui détruisait le fond du fondement. Les nids de poule lui faisaient tinter les balloches telles les cloches de Notre-Dame au moment de Pâques…désolé pour cette allusion je sais que c’est encore un sujet extrêmement sensible pour beaucoup d’entre vous et que cela risque de raviver un énorme traumatisme qui vous fera peut-être pleurer. Voir toutes ses pierres en feu c’était une tragédie, le bois, les œuvres d’art en train partir en fumée. Cette flèche en train de tomber, de percer la charpente, de percer le toit, de percer la nef, se fracasser en flammes contre le sol, contre le carrelage qui se brise, devant les tableaux en feu, tous ces gosses probablement atteints de saturnisme…ne tenez pas compte de ce dernier point tout le monde s’en fout de toute façon…bref…je ferai un don promis…mais…pour cela, il faut que j’aie beaucoup de sous. Vous savez donc ce qu’il vous reste à faire : trouvez une librairie, entrez-y et demandez, exigez, commandez « Les Contes du Gars : Da »…oui, je sais c’est con comme titre mais moi je vous merde !…Discutez pas ! Et faites ça à chaque fois que vous en voyez une ou que vous achetez sur Amazon ou sur Cdiscount ou sur leboncoin…euh…non pas d’occasion ça ne marche pas. Les droits d’auteurs vous comprenez. Et ce n’est pas pour moi que vous le faites mais pour Notre-Dame. Ainsi, je pourrais faire un énorme don pour que tout soit reconstruit avant 2024, promis !…Sur la tête de ma vache…que je n’aie d’ailleurs pas.

Et le Père Paul pédala si fort, tellement fort, que les gouttes de pluie venaient lui frapper le visage tels de minuscules clous. Il pédala et pédala comme si le Diable, lui-même, était à ses trousses, comme un beau démon dopé au Belz et Buth d’enfer…euh…oui je vais arrêter avec ces jeux de mots à la con, hein ? Je crois que c’est mieux hein ?

Enfin, il arriva en vue du manoir qui se dressait dans la brume tel un fantôme d’un passé décrépi.

Sans écouter cette chair de poule qui parcourait tout son être tellement le parc du manoir lui foutait la trouille. Sans écouter son palpitant qui battait la chamade d’avoir pédalé comme un dératé…à son âge on n’a pas idée. Franchement ! I’va pas nous faire une crise cardiaque l’abbé, hein ! Je vous préviens, vous, tout le monde, là, enfin le Monsieur ou la Madame qui a acheté mon livre, je ne lui fais pas de bouche-à-bouche moi…à vous de lui en faire !…euh…au fait, i’pue un peu de la gueule, enfin je dis ça je dis rien moi ! Hein !

Enfin, il gravit les quelques marches qui le mèneraient à la porte d’entrée dont la peinture écaillée s’effritait encore davantage sous la pluie battante. Enfin, il sonna. Le temps qu’il puisse reprendre son souffle, enfin on vint lui ouvrir.

Ah, mon Dieu ! Ah ! Par tous les saints de la chrétienté du monde entier ! Fusse le Dracula de Coppola qui venait de lui ouvrir ? Ah, mon Dieu ! Fusse seulement un transformiste parodiant maladroitement Christopher Lee dans « Le saigneur des agneaux » ? Fusse une fusion ratée entre Eddy Ballamou et une paire de nichons fripés ? Que nenni ! C’était-ce seulement elle : la vieille !

Le Père Paul savait que le temps n’épargnait personne. Lui-même…mais là ! Nom d’un petit chérubin bien joufflu ! Putain ! Il ne l’avait pas loupée ! Il s’était même acharné sur elle ! A coup de bottes ! Salopard, va ! Elle qui était si belle avant. Elle qui lui avait fait passer tellement de temps dans son confessionnal à profiter de la vigueur de ses vingt ans. Elle qui avait un cul de pucelle et des seins pointus comme des obus, des jambes si longues, si pâle mais tellement douces, un ventre tellement ferme, une décente de reins incroyable et cette façon qu’elle avait de se passer la langue sur…euh…pardon…je me suis laissé emporter…euh…c’est juste que…euh…il y a longtemps que je n’ai pas été avec une femme vous savez…alors…ça me travaille mais ça ma travaille tout ça !…Vous avez pas idée ! Comment ça, ça vous étonne pas ? Dites un peu pour voir !…Ah, voilà ! Quand faut ramener sa gueule là y a pu personne, hein ! Quel courage ! Vous me décevez mais vous me décevez à un point !

Ne laissant rien paraitre, le Père Paul entra comme il l’avait fait jadis de nombreuses fois…dans la maison, je précise. Vicelard(e)s ! La vieille dame tenant fermement sa canne s’avança devant lui et l’emmena, claudiquant là où maintes fois il lui avait enseigné la Bible et parlé de Dieu, l’appelant parfois de tous ses vœux tellement pieux.

Enfin, ils arrivèrent dans le salon où le Père Paul fut surpris d’y voir une vache assisse dans un fauteuil. Mais non. NON ! Ce n’était pas une vache ! Ce n’était-ce qu’une hallucination provoquée par le manque d’oxygène et à la fatigue d’avoir tant pédalé. Ce n’était pas une vache, non ! Ce n’était-ce que la fille de la vieille dame qui était affalée devant la télé mâchonnant et ruminant.

Lorsqu’elle le vit, elle se releva et se dirigea d’un pas lourd vers eux. Elle prit le bras de sa maman et l’aida à s’asseoir dans le canapé qui datait encore des années soixante et qui portait encore quelques stigmates de ces folles années-là…des petites tâches…pas grand-chose quoi !

Le Père Paul s’assit...s’assita ? s’assoitit ? Putain de conjugaison de merde ! En gros il pose son cul le vieux curé…à son tour face à ces deux femmes. L’une ressemblant à une sorte de zombie pas totalement putréfié, dont l’œil droit et vitreux tentait encore de comprendre pourquoi celui de gauche s’était amouraché d’une mouche invisible qu’il tentait désespérément de poursuivre. L’autre ressemblant à une poupée gonflable qui avait été trop gonflée et maquillée pour faire oublier qu’elle avait largement passé l’âge de croire encore aux contes de fée…comme de bouffer tous ces bonbons qui ne la rassasieraient jamais.

Et celle-là lui expliqua que sa môman, si chère à son cœur, n’était plus vraiment capable de s’occuper d’elle-même maintenant qu’elle avait l’âge…et surtout sans l’emmerder toutes les cinq minutes pour aller aux chiottes, lui donner ceci ou faire cela, lui faire à bouffer ou pour un tas d’autres conneries qui franchement la faisait chier…Aussi s’étaient-elles entretenues toutes les deux à ce sujet de cela. De leur réflexion était née cette idée qu’il était peut-être temps pour elles, toutes les deux, de demander un peu de l’aide. Essentiellement, pour s’occuper de la môman, que quelqu’un l’aide à faire la toilette…surtout la toilette parce que voir le fondement de sa môman, c’est pas bien valorisant surtout quand il s’agit de le toucher avec ses mains à soi…la mettre sur le pot…parce que franchement lui essuyer le cul ça la fait chier et vu la chiasse que la vieille se tapait c’était pas la seule que ça faisait chier…comme de, peut-être, aussi, sans trop abuser ne serait-ce que du peu, faire un peu de ménage ou de nourrissage aussi ou du lessivage encore et même un peu du repassage. Pas grand-chose. Mais surtout et avant tout pour s’occuper de sa môman c’était surtout cela qui était au fond de leur démarche. Et c’était pour cela qu’elles avaient osé le déranger.

Pendant un court instant, le Père Paul se mit à blêmir. Il crut une fraction de seconde qu’elles allaient lui demander ça à lui…il est con parfois l’abbé !

Elles auraient voulu savoir s’il connaissait quelqu’un comme ça, qui faisait ce genre de chose pour gagner sa vie. Si bien sûr cela existait des gens qui faisaient ces choses-là. Et bien sûr, ce n’était pas dans les trente-cinq heures des vingt-quatre heures sur vingt-quatre, c’était l’évident, continua la grosse fille, sinon cela leur coûterait drôlement bonbon…et elle, elle en voulait des bonbons rien que pour elle, rien que pour sa grosse gueule !…Quand elle aurait fini d’apprendre à parler…

Non. Il leur fallait quelqu’un pendant quelques heures de dedans la semaine. Mais en même temps en discutant avec la môman, elles avaient pensé qu’un homme ce serait peut-être mieux parce qu’une femme aurait peut-être eu un peu de mal à soulever la môman. Car elle faisait son petit poids…la vieille salope !...même si on ne dirait pas comme ça. Et sa grosse fille aussi vieillissait. Elle, aussi, avait du mal à ses pieds. Elle, aussi, avait du mal dans ses mollets. Elle, aussi, avait du mal dans son dos. Elle, aussi, ne dormait plus beaucoup car souvent elle devait se lever pour mettre la môman aux toilettes et lui changer son change. Quelques fois même, elle devait lui laver le fondement alors que celui-ci…était plein de caca…bien collant parfois, bien liquide souvent. Et cela la gênait aux entournures, c’était quand même sa fille et elle la môman donc…Et puis quelques fois, elle en avait même plein les mains. Ce n’était pas très…C’était même peu….Et, franchement, elle en avait ça dans l’horreur. Mais surtout, c’était qu’elle n’aimait rien autant qu’elle aimait ne rien faire…euh…c‘est moi ou c’est pas très français tout ça ? On dirait hein ?…Allez, on s’en branle hein ! Tout alors qui l’obligeait à quitter son fauteuil n’en devenait que davantage un supplice infernal. Bon c’est sûr qu’il faut la comprendre aussi la grosse vache : foutre les mains dans la merde d’une vieille qui en est enduit autant qu’une tartine de Nutella beurrée par un petit gros affamé, qui en plus a plongé les mains dedans et que des morceaux se sont incrustés sous les ongles…bref…c’est sûr que c’est pas ce qu’il y a de plus ragoutant…surtout qu’il y a l’odeur aussi. Cette odeur de merde, ça prend au nez. Ça s’incruste bien dans les narines. Tout ensuite n’a plus que cette odeur.

C’est même, parfois, comme si une minuscule crotte parsemée de quelques morceaux non digérés était venue se loger dans le fond de votre gorge. Et qu’elle se plaisait à rouler sur votre langue déversant à chaque passage d’un liquide marron, chaud et tellement gluant, coulant au plus profond de vous à chaque déglutition et que sous vos dents craquaient ces quelques morceaux au goût bien acres.

Non, non. Il leur fallait de l’aide.

Tandis qu’elle parlait le Père Paul ne pouvait s’empêcher de regarder ses deux grosses lèvres qui gigotaient entre ses deux grosses joues rondes. Son double menton qui tremblotait à chacune de ses paroles avait ce quelque chose d’hypnotisant. Le gras de son cou vacillait telles les vagues d’une mer déchainée. Ses yeux alors se posèrent sur l’ouverture malencontreusement fortuite de son chemisier qui laissait deviner une généreuse poitrine bien moelleuse, parsemée de quelques jolies petites veines bleues et de mamelons bien roses et bien dodus comme il les aimait…moi aussi j’aime ça…oh oui, oh oui !…Je…passons…désolé !

Son esprit vagabonda, d’un coup, dans les méandres bien chauds de ce chemisier entrouvert.

Tout à coup, surpris par une sorte de raideur au bas ventre, il revint à la réalité et à cette aide qu’on lui réclamait. Aussitôt, il se mit au garde à vous. Aussitôt, il accepta d’être le missionnaire cette grande mission qu’on venait de lui confier. Aussitôt, il prit congés avant de ne plus pouvoir remonter sur son biclou sans courir le risque de…comment dire ça poliment…euh…je sais pas je vous laisse imaginer…euh…de se coincer le pèlerin dans la chaine ? L’image n’est peut-être pas suffisamment parlante, hein ?…Si ! Ah, bon ! Autant pour moi !

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2 Commentaires
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d'Hystrial Haldur
2 années il y a

Je me dis qu’il faut un certain talent pour pouvoir écrire tout ça. On pourrait se dire que ça à l’air facile, mais je n’y crois pas. Encore une fois je me suis bien marré.

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