Conte 4 : La Vieille Dame et la Grochicha – 1ère Partie

7 mins

Je dois préciser que je n’ai rien à voir là-dedans ? Dites ?…Je…dites-moi s’il vous plait que vous me croyez ! S’il vous plait ! Dites-moi, je suis un bon gars, hein ! Je suis un bon gars, hein ? Dites-moi encore des choses gentilles !…Je…hein, que je suis un bon gars ?…Ok !…Merci. Ça me fait tellement du plaisir ce que vous me dites. Merci. Merci et merci. Vous, vous êtes tellement une belle personne. Tellement belle. Merci.

Jadis, sur la plus haute colline du pittoresque et non moins charmant petit village de Gorhé-Lez-Plouck, se dressait fièrement un magnifique manoir.

Là, naguère, à la belle saison venue, toute la bonne société alentour aimait à se réunir autour d’un bon cochon grillé, de quelques bons cigares négligemment fumés et de quelques bons petits verres de liqueurs locales hautainement avalées.

Tous, alors, discutaient argent, politique, investissement ou industrie pendant que leurs jeunes et jolies épouses à la jolie peau nacrée et au chignon savamment dressé, s’attachaient à parler lessive et électroménager, donnant parfois le sein au dernier né ou s’empressant de servir leur mari dès que celui-ci aboyait…ah ! Le bon vieux temps, quand les femmes savaient rester à leur place et que les hommes avaient suffisamment de couilles pour les tenir en laisse !…Ah ! Le bon temps !…Euh…si…si…je plaisante…si, si je plaisante, j’vous dis ! Si, je vous assure !

Toutes ces nouveautés, qui sortaient, les interrogeaient sur ce qu’elles feraient de leur journée dans quelques années. Mais, présumaient-elles, les hommes auraient toujours besoin de leur présence à leur côté car ils seraient bien perdus sans elles. Surtout pour ce que vous savez. Et souvent, elles se mettaient à rire toutes ensemble…à glousser comme des poules ignorantes…euh…l’époque était comme ça. Fort heureusement ça a bien changé depuis, dites donc ! Hein ! On a eu chaud, hein ? Les poules savantes !…Euh…non…non j’ai pas dit ça ! euh…je plaisante encore ! Chuuuut ! Chuuuut !

Ces rires mélangés aux effluves de liqueurs et de fumées, s’envolaient, alors, loin, loin d’elles et de ces magnifiques jardins de roses et d’essences rares importées du bout du monde. Ils s’en allaient remplir les rues du village en contrebas. Alors, ils égayaient, un peu, la triste et sombre vie de tous ces pauvres péquenauds glanant pommes de terre et autres féculents…oui comme le riz, les pâtes ou même la semoule, eux aussi, poussent dans les champs et sont donc des végétaux…dites donc vous en apprenez des choses avec moi ! Hein ! Mes petites pou…chuuuut ! Chuuuut !

Mais un soir d’hiver venteux, le Baron D’Ostère dont la famille possédait ce magnifique manoir depuis des siècles, tout comme le village d’ailleurs, trouva la mort dans un malencontreux accident inattendu.

Bon ok, je vous vois venir vous voulez la vraie histoire. Ok. Ok ! Je vais tout vous dire. D’ailleurs, je suis bien le seul qui vous dit tout, vous savez. Je ne vous cache rien moi !…Bref…passons…mais que cela reste entre vous et moi !

Le Baron, en gros, il s’est fait sauter le caisson alors qu’il taillait une pipe à son bon vieux copain le fusil de chasse. Ce n’était pas la première fois qu’ils se retrouvaient tous les deux dans un coin sombre. Mais cette fois, il n’y avait eu personne pour les interrompre. Et devant cette si tendre, charmante et non moins délicieuse attention, le fusil de chasse ne put contenir sa joie. Il ne comprit pas ce qui c’était passé car c’était bien la première que cela lui arrivait. D’habitude jamais, jamais cela ne lui faisait ça. Mais là boum ! Et c’est le cas de le dire : boum ! Le coup partit d’un coup ! Comme ça ! Tout seul ! Et alors bye-bye tête, œil, dents cervelle et cerveau…enfin il y en avait bien un peu sur les rideaux. Mais tellement peu que ce fut comme si le Baron n’eut jamais la tête sur les épaules…enfin voilà quoi. Je sais c’est pas gai mais c’est un conte de fée. C’est comme la vie, c’est comme ça !

Alors pour sa veuve et sa fille…non pas que sa fille soit sa veuve c’était pas Woody Allen, non plus !…la vie, de comédie passa à tragédie.

Elles passèrent des jours, des semaines, des mois et des années à le pleurer, lui qui était tout pour elles. Bien sûr, durant quelques temps les bons gens gentils, leurs chers amis, vinrent s’enquérir de leur douleur et de leur santé, leur apportèrent même quelques coupelles de fruits confits, quelques bonnes tartes bien garnies ou même quelques bonnes petites potées cuisinées avec toute l’attention du monde entier…par la bonne. Mais ce fut comme toute chose. Au bout d’un certain temps, ces bons gens se lassèrent de cette compagnie qui n’était plus très distrayante…et quelque peu, oserai-je le dire ici ? Oh, mon Dieu ! Oui, je vais oser le dire : chiante au possible, n’est-il pas Darling ?!

Bien vite, plus personne ne vint leur rendre visite. Et tout aussi vite, la veuve et sa fille se mirent à vivre en recluses ne sortant que rarement dans leur belle et grosse voiture, ne prenant que quelques mois de vacances dans des pays fort, fort, fort lointain ou encore ne partant en croisière qu’une seule et unique fois par an.

Le manoir si majestueux n’en devint alors plus qu’une grande bâtisse que le temps faisait pourrir. Les magnifiques jardins n’étaient plus que mauvaises herbes, chardons et ronces peuplés de corbeaux rachitiques, de rats boulimiques et de mulots toutefois fort bien sympathiques. Et ceux-là étaient les seuls, ici et là.

Bien des années plus tard, le manoir ne ressemblait plus qu’à l’une de ces maisons hantées de mauvais film d’horreur. Plus personne ne se demandait si la veuve ou sa fille allaient bien ou même si elles étaient encore en vie. A dire vrai, tout le monde s’en foutait et moi aussi si je devais pas écrire cette foutue histoire de merde !…euh…non je déconne ! Ça s’écrit tout seul !

La fille avait perdu une partie de sa jeunesse à regarder la télé. Elle rêvait à vivre d’impossibles amours avec des héros de séries pour ados dont certains, pervers, venaient parfois lui rendre visite lorsqu’elle allait aux toilettes, sous la douche ou encore tard le soir sous sa couette…euh…je crois que vous avez compris l’idée on va peut-être pas entrer dans les détails…et une autre partie à bouffer un tas de saloperies sucrées. Si bien qu’aujourd’hui elle n’était plus qu’une malheureuse obèse aux doigts gonflés.

Comme sur elle, le temps avait eu une malheureuse emprise sur sa mère. La veuve, aujourd’hui, n’était plus qu’une vieille dame que tout le monde, pour ceux qui s’en souvenaient encore, croyait morte. Mais elle ne l’était pas…pas totalement en tout cas.

Elle passait, ses journées comme sa fille avant elle, à regarder cette maudite télé : « REX », « Des chiffres et des lettres », « Personne n’y avait pensé », « Slam », « Question pour un Champion »…les pubs pour arriver à chier un bon coup, pour les couches et pour les pompes funèbres, et dans cet ordre-là s’il vous plaît, programmateur de publicité à la télé c’est tout un métier…tandis que sa fille roupillait à ses côtés un verre de champagne savamment coincé entre ses deux nénés. Pourtant, chaque jour, sauf étrangement, le samedi, dès que dix-sept heures…dix-huit le dimanche…sonnaient vite, vite, vite, elle filait au cabinet. De voir ce beau et souriant jeune homme blond, grand, tellement fort et tout bronzé, si aimable, si agréable, et tellement beau, les pecs bien moulés : « oh oui, oh oui ! ». Toujours heureuse elle était lorsqu’elle en revenait…des cabinets, je vous l’ai déjà dit : suivez un peu sacre bleu !

Et bien sûr, la vieille dame vieillissait chaque jour davantage. Avec ce temps qui passait et sa fin qui se rapprochait, son exigence, son insatisfaction, sa gourmandise, son insatiabilité à l’égard de toute chose la rendait invivable et insupportable autant qu’odieuse aux yeux, aux oreilles et au cœur de sa propre fille qui vivait toujours avec elle…qui d’ailleurs elle aussi avait pas mal de problème à gérer, surtout au niveau des mains et pas seulement pour ce que vous supposez. Mais aussi parce que, tout simplement, c’était une grosse feignasse…surtout à cause de ça.

Et alors que la vieille dame se chiait et se pissait dessus, maintenant, pratiquement en permanence et que sa fille en avait assez d’avoir ses mains et ses doigts couverts de merde…plutôt que d’autre chose…de sucre, voyons ! Tout de suite…pfff !…elles décidèrent que le temps était venu pour elles d’appeler à l’aide.

Mais qui appeler ? A qui quémander demanda la fille à la mère. En qui pouvaient-elles croire en cette époque si mystérieuse ? En qui pouvaient-elles espérer pour ne pas être totalement déçues ? En qui pouvaient-elles avoir confiance sans se mettre en danger ?

Un seul homme dans tout ce village…de merde, de cons, de pouilleux et de dévergondés en tout genre qui n’avaient pas un rond pour se gratter le cul…avait été là pour elles, deux. Un seul homme les avait guidées au travers de tous leurs tourments, les avait soutenues tant de fois dans tant de moments difficiles…les avait parfois caressées sans faire exprès, avait parfois laissé sa main vagabonder au détour d’une robe trop échancrée ou s’était un peu collé à elles alors qu’elles se baissaient histoire de leur faire sentir sa joie d’être présent à leur côté.

Et encore une fois, elles espéraient, toutes deux qu’il soit là, comme autrefois il fut là, comme aujourd’hui il serait là. Assurément. Alors ensemble elles l’appelèrent…enfin la grosse vache prit son portable et l’appela…vous avez cru quoi ?! Qu’elles auraient tapé un marteau magique contre le sol ou gueulé le nom d’un magicien à la fenêtre…euh…à un moment faut arrêter les films de super-héros…m’enfin !

Entendant le dring-dring de son vieux bigophone, s’essuyant les doigts dans sa soutane, le Père Paul de Lampe-Loie accourut…je sais c’est facile comme jeux de mots mais bon faut me comprendre aussi moi. J’ai pas dormi cette nuit alors…oui je sais vous n’en avez rien à péter de ma gueule…ça me fait beaucoup de mal ce que vous dites, vous savez ! C’est pas gentil ! Pourtant, je suis un bon gars moi, c’est vous qui l’avez dit ! Pourquoi vous êtes comme ça avec moi ! Espèce de salopard, va ! Je croyais qu’on était amis ! Je croyais que vous mémiez moi je vous mémiais aussi !

Et quel ne fut pas son émoi quand lui parla la douce voix de cette jeune femme d’autrefois. Ah, comment ne pas être en joie à ce moment-là !…bon c’est sûr qu’il était content le Père Paul parce qu’il croyait que la vieille, elle était claquée. Mais c’était aussi et surtout qu’elle était pétée de tune et que sa vieille église aurait bien besoin d’une nouvelle toiture…et là pouf ! Comme ça ! Elle lui demandait son aide…les voies du seigneur décidément sont impénétrables ! Alléluia !

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3 Commentaires
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d'Hystrial Haldur
2 années il y a

Ben j’ai bien rigolé pour ce premier chapitre. Alors je peux te le dire : t’es un bon gars, va !

d'Hystrial Haldur
2 années il y a

T’inquiètes je ne regarde pas

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