Paisiblement installée sur la table de cuisson elle réfléchit.
Certes elle n’est pas de toute première jeunesse, cependant elle est en inox et ses poignées usées relèvent d’une vie bien remplie.
Il n’est pas loin de midi, elle sait qu’elle va devoir à nouveau s’activer et siffler de toute son ardeur, quand est-ce que cela s’arrêtera t- il ? Elle en va même jusqu’à siffloter de par l’habitude, tous les jours elle est sollicitée pour la soupe et très souvent une odeur identique se dégage d’elle. Pourtant la maîtresse des lieux prend soin d’elle, son caoutchouc est régulièrement changé et son fond est toujours nettoyé, rien n’accroche pour la fois suivante.
Ah cette charmante dame l’affectionne elle le sait, elle a toujours fait partie des déménagements et pour rien au monde elle ne s’en séparerait , à ce qu’il paraît on en trouve plus des comme elle de cette qualité. Elles sont de vieilles compagnes mais cela ne fait pas son affaire, elle est fatiguée et elle est pour ainsi dire toujours sous « pression » pense t-elle avec un humour désabusé.
Un matin d’hiver la cocotte bien remplie de légumes est mise sur le feu mais au bout d’un moment elle croit suffoquer ! Que se passe t-il ? Rien ne va plus ! Il lui semble qu’elle va mourir oh non .. l’eau n’a pas été mise à l’intérieur et tout crame. Vite il faut se dépêcher sinon elle va exploser, elle décide d’émettre un signal de détresse et alors de toutes ses forces elle dégage une odeur puissante de brûlé. Après un moment de panique tout rentre dans l’ordre, elle est enlevée du feu et soigneusement récurée ; c’était moins une, quelle frayeur !
Au fil des jours la vieille dame commence à avoir des absences et la fatigue qui se fait de plus en plus sentir l’amène à prendre une décision de grande importance : un départ en maison de retraite. La cocotte minute s’inquiète de son avenir, qu’adviendra t-il d’elle ? Donnée ou déchetterie ? Elle ne regrette qu’une chose, ne pas avoir pu profiter suffisamment de la vie et se reposer un peu. A son grand étonnement elle est mise dans les bagages, situation incongrue où elle se demande à quoi elle pourrait bien servir. Posée sur le rebord de la fenêtre de la chambre le soleil vient réchauffer son inox, ça lui rappelle les fameuses cuissons quotidiennes ; elle sourit de bonheur. En effet le coton imbibé d’eau sur lequel est mis des lentilles a pris place à l’intérieur d’elle ainsi elle ne cuit plus les lentilles elle les fait pousser c’est merveilleux ! Avec une absence de chaleur intense et une fraîcheur présente elle se porte comme un charme.
En pleine quiétude et conscience de sa nouvelle vie elle conclut : «Ah enfin fini la pression , je peux profiter d’une retraite bien méritée ! ».
Une belle finale !
Ah oui !! Trop bien la retraite !