Vindicta : Chapitre XIII ( partie 2 )

5 mins

Soir :

Cela fait plusieurs jours que je n’ai pas écrit. Je n’ai pas vu le temps passé aux côtés de la belle dame. Par moment, je doute encore de sa réalité. Comment pourrais-je en être sûr ? 

Vois donc son portrait :

Elle n’est pas particulièrement grande, plutôt fine, sans être maigre. Sa morphologie est assez banale.

C’est après que ça se complique.

Elle possède une peau dont la couleur rappelle celle de l’écorce des pins. De grands yeux verts illuminent son visage. Sa longue chevelure d’ébène se confond avec sa robe. La première est tressée avec des fleurs que je ne connais pas, la seconde est couverte de feuilles de différents arbres et bosquets.

Elle marche pieds nus. Sa robe sème des feuilles à chacun de ses pas, mais elle ne semble jamais être tarie.

Elle me sourit, mais ne me parle jamais.

Je doute moi-même de sa réalité. Pourtant, elle me conduit sans hésiter à travers les bois. Je m’y suis enfoncé plus loin que jamais. Elle m’a fait découvrir des lieux regorgeant d’arbres fruitiers sauvages. Des havres où les animaux se rassemblent en masse. Par respect, je lui ai demandé si je pouvais cueillir et chasser en ces lieux. Une fois de plus, je n’ai pas eu d’autres réponses qu’un sourire.

Je le prends pour un accord.

Elle disparait le soir venu, et revient attendre devant ma cabane au petit matin. J’ai voulu la suivre ce soir. Mais elle a disparu. Je ne sais pas. Qu’en penses-tu ?

Jour :

Mon quotidien s’est grandement amélioré. Je dispose désormais de nourriture assurée, et d’une agréable, bien que silencieuse, compagnie. Autre chose étrange, j’ai remarqué que les planches utilisées pour ma cabane, bourgeonnent… Je n’avais jamais vu ça. Drôle de phénomène.

Nuit :

Je me suis réveillé dans la nuit, la belle était là. Elle m’a fait peur. Elle faisait le tour de ma cabane, observait les rares objets de la civilisation. Elle a tenu ce carnet. Quand je l’ai interpelée, elle m’a souri de nouveau, n’exprimant aucune gêne quant à sa situation. Puis elle est partie, laissant un chemin de feuilles dans son sillage.

Mais je ne sais pas… Quelque chose dans son regard m’a dérangé… Je ne sais pas… Peut-être que… Non, je devais simplement être perturbé par ce réveil subit.

Soir :

La journée s’est déroulée comme d’habitude. Si ce n’est un élan de folie. Je suivais la belle, comme toujours quand… Je ne sais pas… J’espère que tu ne me prendras pas pour un satyre, mais j’ai eu envie de la toucher. Aucune pensée honteuse ! Loin de moi ces comportements ! Je voulais simplement m’assurer qu’elle était réelle ! C’est compréhensible, non ? Alors ne me juge pas !

Elle l’est.

Elle m’a souri de nouveau, puis s’est éloignée plus vite. Je ne l’ai pas revue depuis. Ai-je commis un impair ? Je n’ai posé ma main que sur son épaule !

Nous verrons demain.

Jour :

Elle n’est pas là. Le jour est levé depuis un moment, mais aucune nouvelle d’elle. J’écris pour faire passer le temps, espérant entendre le bruissement de sa robe se mêlant aux bosquets qu’elle traverse. Je vais aller chercher à manger, j’ai repéré le chemin, peut-être la croiserai-je.

Même jour :

Je reviens les mains vides. Pas même un petit lapereau. Ni même une fraise sauvage. Je suis pourtant certain de ne pas m’être égaré. J’ai bien trouvé des arbres fruitiers, mais tout était pourri.

Et aucune trace de la belle.

Je ne comprends pas. Je suis fatigué. J’ai faim. Et mon dîner va se résumer à de l’eau. J’aurai dû faire des réserves, et ne pas prendre cette manne inespérée pour acquise.

Nuit :

J‘écris pour me rassurer. Cela faisait longtemps que je n’avais pas prêté attention au silence oppressant de la nuit. J’ai pourtant l’impression de ne pas être seul…

Jour :

Cela fait presque une semaine que je n’ai pas vu la belle. Et autant que je n’ai rien avalé d’autre que de l’eau et des feuilles. J’espère que ma main est encore suffisamment assurée pour être lisible.

Je passe le temps en observant un phénomène étrange qui me fait douter de ma santé mentale… Ma cabane est en constante évolution. C’est ridicule et impossible, non ? Pourtant, c’est le cas. C’est une petite maison de bois que j’ai sous les yeux… Bien sûr, il faut que je rabote ici et là, que je confectionne les charnières, mais la structure globale évolue d’elle-même. Si ça continue je vais finir dans le même genre de château que j’ai fui !

Je crois que je deviens fou.

Nuit :

Ce maudit silence… J’ai tellement mal au ventre que je n’arrive pas à dormir. Je suis obligé d’attendre que la fatigue triomphe… Est-ce la fin de mon périple ? Je ne veux pas mourir… Pas comme ça… S’il vous plaît…

Jour :

Je ne sais pas comment aborder le sujet. Quand je relis les dernières lignes, j’ai l’impression d’une autre vie.

La dernière de mon humanité. Je… Non, je ne peux pas… Je ne suis pas prêt. Mais si quelqu’un a bien trouvé tous ces carnets… Par pitié, quittez cette forêt au plus vite !

Nuit :

Je crois que je n’en ai plus pour longtemps, alors je dois me confesser. Le lendemain de cette funeste nuit où je croyais être perdu, la belle est revenue… La belle… Comment puis-je encore l’appeler ainsi ?

Elle m’a piégé. Elle m’a apporté la facilité en ce lieu sauvage. Elle m’a fait perdre de vue le but même de ma présence ici. Elle m’a nourri. Puis elle m’a affamé. 

Puis elle m’a tenté… Comment aurais-je pu résister ? J’étais à bout ! Oh oui, c’est facile de me juger ! Assis confortablement, sirotant un thé au coin de la cheminée, un plateau plein de biscuits sous la main ! Haahaha ! Regardez ce fou qui devient fou ! Hahaha ! Le voilà le monstre ! Le voilà ! On avait raison ! Chantez les enfants ! Chantez votre comptine ! Si vous saviez… MAIS VOUS NE SAVEZ PAS ! VOUS NE SAVEZ RIEN

Je dois me calmer.

Je vais mieux. Il ne sert à rien que je m’en prenne à toi. Plus je m’énerve, plus j’ai faim, et plus j’ai faim… Plus je pense au goût que tu aurais.

Je t’ai fait sursauter ? Tu ne me crois pas ? Pourtant oui. C’est le cas. Je me demande souvent désormais quel goût peut avoir tel ou tel humain que j’ai connu…

Dites merci à la belle. 

Alors que je pensais ma vie terminée, j’ai entendu gémir dans les bois, et il était là. Je ne sais pas où elle l’a trouvé. Peut-être un de ces braconniers qui rôdent en lisière des bois sans jamais osé s’y aventurer… Il était emberlificoté dans cette plante étrange. Mais il était vivant.

J’ai d’abord essayé de le libérer, je t’assure ! Je ne me suis pas jeté dessus comme un chien sur son os !

Mais il n’y avait rien à faire. Alors je l’ai achevé. Je me suis fait la réflexion que je n’avais pas eu plus de mal, ni de remords, à le faire, que quand je mettais à mort le gibier. La plante s’est détachée d’elle-même. Elle n’a que faire des morts. Et j’avais faim…

Alors oui, j’ai assouvi cette faim. Je ne te donnerai pas de détails. Et c’est là que je l’ai vue. Pendant que je mangeais. Elle m’a souri, pleine de fierté.

Mais je sais que ce n’est pas moi qu’elle veut. Je l’ai compris. Elle m’a conduit à une grotte dans la falaise. Oui, comme un idiot, je l’ai suivie. Je n’avais qu’à me baisser pour ramasser les pierres précieuses.

C’est vous qu’elle veut.

Je ne suis que le messager qui doit vous apporter ces appâts.

Je me moque bien de ce qu’elle vous réserve. Je ne sais pas quel est son but. Elle veut que plus d’humains viennent dans ces bois. Et je sais que si je montre ces pierres à des gens, la ruée ne tardera pas. Elle aura gagné. Elle se servira de vos émotions négatives pour faire de vous ses pantins. Comme elle s’est servie de ma haine naissante à votre égard.

Et tu sais quoi ? Je l’ai fait. Je reviens juste d’un village tout proche. Je vous laisse choisir votre destin. J’ai glissé un œil issu de mon dernier repas parmi les pierres. Je vous laisse une chance.

Qui aura raison ? La cupidité ou la prudence ? Si vous venez, vous trouverez ce carnet. J’ai eu le temps d’y réunir les pages les plus importantes à mes yeux de ma vie ici. Vous en auriez peut-être voulu davantage… Désolé, ça sera tout.

La majorité de ses lecteurs me jugeront fou. Les autres préfèreront se concentrer sur la montagne de trésors.

Je ne vous aime pas. Mais j’ai l’espoir que l’un de vous prenne ces divagations d’ermite au sérieux.

Ainsi, je serai vengé d’elle, de vous, ou de tous.

Je n’ai plus qu’à faire mes adieux à ce monde. Nous nous reverrons peut-être dans un autre. Après tout, personne ne sait de quoi est fait l’envers du voile…

Votre Dévoué Serviteur,

Jonathan Lioster

( à suivre… )

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3 Commentaires
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Jytha
2 années il y a

Ah oui, on commence à en savoir plus, ça devient très intéressant ^^

DeJavel O.
2 années il y a

Ce carnet est plein de vérité ! Ah ! Notre pauvre Lioster ! Est-ce que ce récit finira en Happy Ending ou en tragédie ! C’est ce que nous nous demandons… En attendant, faites attentions aux feuilles (de salade) que vous mangez… surtout si il y a de la viande… eh !

d'Hystrial Haldur
2 années il y a

Eh bien, je sens qu’on touche au but… Vivement la suite !

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