Léonir, cinquante-six ans,
Se sent toujours l’âme de ses vingt ans.
Penché sur son bureau d’un air très sérieux,
Il ne se rend même pas compte qu’il est bigleux.
Un bras de moins vu qu’il a tâté une maman ours noir,
Un oeil encore là, mais qui fait bien peine à voir.
Assis sur une chaise plus vieille que Comboire,
Les cheveux, analogues d’une grosse foire.
Adorateur de l’Arctique tant qu’il est dans son canapé,
Haineux du réchauffement juste quand on est en été,
Pleurant sur les animaux en voie de disparition, mais
Seulement quand ils disparaissent et que ça gâche son thé.
Scientifique reconnu, aimé de la communauté,
Reconnu pour tout savoir, même quand ce n’est
Pour les scientifiques, pas encore vrai, ou trouvé.
Un sacré lascard, un grand homme, parfois un illuminé.
Crachant toujours sur les politiques en étant derrière eux,
Et devant eux, ne jouant jamais pas leur jeu,
Léonir à la télé n’aime pas la croissance,
Mais bon, qu’est-ce qu’il aime la puissance !
Un petit chèque sous le bureau fait toujours plaisir,
Il pourrait même rendre par hasard quelques services,
Comme parler de l’Arctique qu’il n’a vu qu’à la télé,
Ou alerter de la sixième extinction, surtout celle du thé.
Car après tout, qui s’en carre vraiment de la fin des aiglons ?
Qui se rebelle réellement contre le poulet intensif ?
Enfin, un bon pilon, faut pas être criminel, c’est si bon !
Et puis, vous dirait Léonir, c’est pas comme si on cramait un Juif !
Et que pourrions-nous répondre ?
Recycler ? 40 millions de DEEE partent au Ghana.
Trier ? Dans la benne y’en a qui mélangent le papier avec un chat.
Consommer moins de viande ? Les monocultures bouffent l’Amazonie chaque année plus qu’une vache qui lâche un pet.
Passer à l’électrique ? Oui. Fais fumer indirectement le charbon comme un dératé, ça va tout changer.
Léonir se moque de nous et nous nous moquons de nous-mêmes,
En vrai tous s’en fichent de protéger les écosystèmes,
Même Greta s’en fout et ça me fait de la peine.
Comment voudrait-on qu’on les aime,
Ces scientifiques mythomanes, ces médias biaisés,
Ces mesures qu’on nous donne, ces choses toujours ignorées ?
Comment croirions-nous au concept de croire, nous les minots,
En un monde qui parle sans écouter, qui crache sans saliver,
Qui larmoie sans larmes, qui s’insulte sans s’arrêter, à chaud
Qui aurait de quoi -nos ancêtres- tous les faire pleurer ?
Plantons des arbres, faisons des jardins.
Ne tuons plus les forêts pour les désirs de quelques uns.
Vivons bien mieux, vivons de peu,
Et arrêtons de les laisser attiser entre nous le feu
De la guerre, du conflit, du schisme,
Car nous sommes tous humains, coincés dans le même prisme.
Rapprochons-nous réellement de la nature,
Autrement qu’en y jetant nos ordures,
Autrement qu’en ”parquisant” même des sépultures,
Puis, aussi, autrement qu’en se lamentant.
Lançons le Grand Retour un peu plus rapidement.
Autrement qu’en se contentant de regarder,
Êtres passifs face au changement,
Que ce soit la privatisation de la forêt,
Ou alors la déforestation sans arrêt,
Mais aussi les mensonges à la télé,
Et ces milliardaires qui nous rient au nez,
A nous les gens matrixés, nous les gens engagés,
A nous qui croyons, même quand c’est pas sûr que c’est vrai,
Levons-nous enfin d’un bond, et disons-le: libérons-nous.