Ce que l’enfer nous réserve – 7

7 mins

 Chapitre 7

Dans la gueule du loup (Il avait mauvaise haleine)

« Mon dieu !» Je ne pus retenir cette expression, qui pourtant n’avait aucun sens dans ma bouche, puisque je suis athée.

Deux immenses murs composés d’une ribambelle de crânes humains formaient un colossale et interminable couloir. On agite nos lampes torches en direction du bout du corridor et du plafond. On n’en voit pas la fin. Ni horizontalement, ni verticalement.

« Bordel de merde… » lâcha Jerem.

 Il devait y avoir ici les ossements de plusieurs centaines de milliers de personnes. Les catacombes de paris faisaient pâle figure à côté. Pourtant, malgré sa taille démesurée, ce couloir n’était pas large. Il était même presque exigu. Ce qui, rapport à sa longueur et sa hauteur, n’en augmentait que le sentiment d’insécurité que l’on éprouvait depuis bien trop longtemps.

 CLINK CLINK CLINK CLINK CLINK

De nouveau, on entend le martellement du métal se répéter. Ça vient du bout du couloir.

« Faut avancer les gars » Grogna Axel. Donc, on avance. Lentement. Tout en ayant l’impression que ces immenses murs peuvent s’écrouler à tout moment. Comme prêt à nous ensevelir sous une montagne d’ossements. Ça doit bien faire 3 minutes que l’on marche, et rien ne change. Comme si ce couloir était pris dans une boucle temporelle.

Puis, BOOM.

Un énorme bruit sourd venait d’apparaitre derrière nous. Bien que l’on ait pointé nos lampes torches dans cette direction, on ne voyait rien. Le bruit provenait de l’obscurité que l’on avait déjà passé depuis longtemps.

« Putain, c’était quoi ça ?! Dit Axel, à nouveau perturbé par la peur.

— On aurait dit la porte, lui répondis-je.

— La porte ? Retorqua Jerem. Attends, tu veux dire que quelqu’un vient de refermer derrière nous ?

— J’en sais rien… c’est probable. Ou alors, il l’a refermé derrière lui… »

On se regarde sans rien dire. Seulement éclairé par la lumière de nos lampes torches. On voit l’effroi et l’inquiétude se dessiner sur nos visages. L’éventualité que quelqu’un, ou quelque chose, marchait dans ce même couloir et dans notre direction, nous terrifiait.

Je me tourne vers mon frère : « Combien de feu de bengale il te reste ? lui dis-je en chuchotant.

— 4.

— Putain… ça serait bien d’en garder pour le retour…

— Pourquoi ? Chuchota Axel, on connait le chemin du retour, non ? Par contre on ne sait pas ce qui vient vers nous !

— Oui, mais peut être que rien ne vient vers nous ! lui dis-je.

— Pourquoi on chuchote les gars ? Chuchota Jerem. Je vous rappelle que si quelque chose vient vers nous, dans tous les cas, avec nos lampes torches dans ces putains de ténèbres, on est grillé !

— Ouais, c’est pas faux… Mais vas savoir pourquoi, j’ai encore envie de chuchoter ! »

SHINK POC POC POC SHINK POC POC POC SHINK POC POC POC SHINK POC POC POC

Ces bruits se répétaient de la direction d’où l’on venait. Ces bruits se rapprochaient de plus en plus. Ces bruits, c’était des bruits de pas. D’un truc qui marchait à quatre pattes à en croire le rythme.

Nos lampes torches pointaient toutes les trois dans sa direction. Mon flingue aussi. Je le brandi sans même savoir si j’aurais le courage d’appuyer sur la détente. Soudain, à la lisière de l’obscurité et de la lumière apparait une espèce d’animal. En était-ce vraiment un ? Dans la pénombre et à cette distance, c’était difficile à dire. L’animal se stoppe. Puis, brusquement se met à accélérer vers nous. Il entra davantage dans la lumière. Nous n’avions jamais rien vu de tel. C’était une femme. Une horrible femme qui courre à quatre pattes. Nue, sale et extrêmement maigre. De longs cheveux noirs et clairsemés tombant sur son visage. C’était ça que j’avais vu dans l’usine plus haut. L’étrange forme derrière mon frère. Maintenant que je la vois distinctement, j’en ai des sueurs froides. En y regardant de plus près, elle a un moignon à la main gauche, où une grande lame y trône désormais. Le fameux « Shink » que l’on entendait. Mais ce n’est pas ça le plus choquant. Sur ses omoplates, deux têtes de chien sont comme greffés. Des têtes qui semblent vivantes ! Ce truc, cette femme animale, avait deux têtes de dobermans vivantes qui lui sortait des clavicules ! Mais putain, c’est quoi ce bordel ?!

Mon pouce tremble. J’enlève quand même la sécu.

« AAAAAAAAAAHHHHHHHHH » Ni une, ni deux, je décharge la totalité de mes balles dans sa direction. Le bruit est assourdissant. Il me désoriente. Le flash des détonations m’aveugle dans cette obscurité. J’ai bien l’impression de l’avoir touché plusieurs fois. Mais je ne vois que des brides. Je ne suis sûr de rien. Elle saute. S’accroche aux cranes sur le mur, puis grimpe. Haut. Très haut. Elle disparait. On l’entend, mais on ne la voit pas. Evidemment, deux secondes à peine venait de s’écouler. Maintenant, on court. Vers l’inconnu. C’est instinctif. On fuit dans la direction opposée d’où venait cette chose. J’ai l’impression, qu’à tout moment, ce truc va nous tomber sur le coin de la gueule. Tous crocs sortis, ou bien la lame en avant. Prête à nous la planter dans le crâne. On court. On court. On court. Vers là d’où provenaient les coups de marteaux. Sauf que là, on ne les entend plus. On n’entend plus rien hormis notre souffle. Lui, qui nous brule les poumons et l’œsophage. Puis, notre cœur semble vouloir se faire la malle. Prêt à s’extirper de notre thorax. On finit par voir le bout de cet interminable couloir. Une lumière froide et bleuté apparait au loin. On passe une arche, puis on arrive enfin à cette pièce à l’étrange luminosité. Ça ressemble à une chambre froide. Non, en fait, s’en est une. On ne les distinguait pas de loin, mais là impossible de les louper. Des cadavres. Des morceaux de corps en lambeaux. En charpies. Tous suspendus à d’énormes crochet en métal rouillé, comme on peut le voir dans les abattoirs. Certains étaient quasiment complets. À contrario, d’autres s’étaient vu dépossédés de leurs membres. Certains mêmes avec la partie du corps inférieur en moins. Les viscères s’accrochant inexorablement à la partie supérieure. Le sol est jonché de tripes, de boyaux, d’organes en tous genres. Le pourpre sanguin du plancher, mélangé à l’éclairage bleuté de la pièce, s’accordent en une étrange teinte violacée. Ici, la mort fleurissait. La température retombait subitement dans cette pièce. On est passé d’une chaleur digne du rectum de l’enfer (fragrance comprise), à celle d’un frigo. Les corps démembrés nous filent la nausée. L’image de ces cadavres suspendus, nous traumatiseront à coup sûr pour des années. Ils nous suivront sans relâches. Transformant nos rêves les plus doux, en terribles cauchemars. Puis, il y a cette odeur. Quelle odeur… Même le souffre avait tout d’une eau de toilette à côté. On a bien souvent tendance à l’oublier, mais la mort a une odeur. La pire de toute. Jerem ne peut s’empêcher de lâcher :

« Mais putain ! » avant de vomir. Il reprend, un filet de bile coulant de la commissure de ses lèvres à son torse : « Dans quel merdier on vient de se foutre les gars… ? » Au ton qu’il employait, je n’aurais su dire si c’était une question ou une affirmation. Quoiqu’il en soit je suis aussi choqué que lui. Axel, lui, semble tout autant scotché que nous. On avance au milieu de ces tas de barbaque humaine. Essayant, au maximum, de les éviter. Il y en a des centaines. Certaines dépouilles avaient gardé, figé sur le visage, l’ultime expression du calvaire qu’elles avaient vécu. Je m’efforce de ne pas les regarder. Je fixe mes pieds, tant que faire se peut. La pièce est vaste. Très vaste. On se croirait presque dans une fosse de salle de concert avec tous ces corps. Et nous, on ressemble à des groupies cherchant à se frayer un chemin à travers foule pour se rapprocher de la scène. Soudain, on entend un bruit.

 POC POC PLAC POC POC PLAC POC POC PLAC

On est prudent. Après la femme animale de tout à l’heure, on a comprit qu’il fallait mieux l’être ici. En se dissimulant derrière un macchabé, on cherche d’où provient cette répétition de sons, qui ressemblait à des coups. A contre cœur, j’écarte de mes mains un pendu, pour obtenir un angle de vue suffisant. On se penche pour observer discrètement. C’était Yann. Il était là. Torse nu, couvert de sang et casque de soudeur vissé sur le visage. Il enchainait des jabs du gauche et des puissantes droites, contre un cadavre suspendu bien grassouillet. Le mec se prenait clairement pour Rocky Balboa.

« Putain ! c’est lui ! Nous chuchote Axel. Faut qu’on le chope !

— Attends, je lui dis. C’est pas tout à fait lui… Faut qu’on réfléchisse à ce qu’on va faire. A quand il faut le faire ; et aussi à la meilleure façon de le faire.

— Tu suggères quoi ? On va pas tortiller du cul pour chier droit ! S’il faut, on l’assomme, puis on l’embarque et on se tire d’ici ! Me dit Axel.

— C’est une idée…, répond mon frère.

— Putain les gars, cette grande porte, cette chaleur, l’odeur de soufre, les cranes, puis maintenant les cadavres… ! Ça ne vous rappelle rien ? Je sais pas vous, mais moi ça me fait penser à l’enfer. On a même eu droit au cerbère, avec cette saloperie de femme chien.

— Ouais putain… la salope de chienne, là… T’as raison frangin. Je crois qu’on est en enfer les gars !

— Donc les gars, une chose est sûre, on ne sortira pas d’ici facilement. Surtout pas avec un gars assommé à porter sur nos épaules.

— Tu proposes quoi alors ?

— Je sais pas. Posons les événements… Quand Yann a-t-il changé ?

— Quand il s’est foutu ce masque sur la tête.

— Exact. Donc, on peut en conclure que ça vient du masque. Il doit être possédé par un esprit ou je ne sais quoi…

— Et donc ?

— Bah faut lui retirer.

— Facile, non ?

— Je ne pense pas. Regarde comme il transperce de ses poings ce macchabé de 150 kilos. Il n’a même pas l’air de forcer.

— OK. Il va bien finir par s’endormir, non ?

— J’en sais rien. Ça dort un mec possédé ?

— Pas sûr, répondit mon frère.

— Ce que je propose : On l’espionne. Discrètement. Et on attend la bonne ouverture pour s’emparer du masque.

— Discrètement ? Dit Jerem. Tu viens de vider tout un putain de chargeur avant d’arriver ici en sprintant, y’a de ça pas 2 minutes ! On est tout sauf discret ! Une chance qu’il nous ait pas déjà vu ! »

Sans que nous ne l’ayons remarqué, les coups s’étaient arrêtés de pleuvoir sur le macchabé. Une voix chargée de basse nous répondit.

« Oh, mais les gars. Je vous ai vu. »

On se retourne terrifiés. Yann était accroupis juste derrière nous. Notre sang se glaça. Nos muscles gelés, nous empêchaient de fuir. Aucun son, pas même un cri, ne sortis de nos bouches.

« Justement, je m’échauffais pour vous, là. »

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