Soif
Délaissant mes sensations pour observer ce qui s’étend autour de moi, je ne trouve qu’un seul mot, désolation.
La rivière qui s’écoulait de son flot joyeux quelques mètres en contrebas est désespérément vide. Les poissons qui ont pu fuir vers un des affluents plus abondants l’ont fait, les autres sont morts sur place. Leur malsaine odeur de décomposition ainsi que celle des algues desséchées parviennent jusqu’à moi, emplissant la forêt d’une morbidité accablante. Les batraciens se sont enfuis vers des eaux plus profondes, ou alors eux aussi ont trouvé la dessiccation. Quelques flaques méphitiques accueillent encore quelques larves de moustiques agonisantes.
Dans la clairière plus au sud, l’herbe est jaune, sèche. Les quelques plantes qui résistaient voient leurs feuilles exsangues, tombantes. Leurs fleurs ont la tête en bas, elles sont près de la mort elles aussi. Certaines plus malignes que les autres ont des feuilles moins larges, ou recouverte d’une légère couche de graisse qui leur permet de garder plus longtemps l’eau en eux, d’autres ont des racines plus profondes qui leur permettent de puiser plus à fond. Mais elles finissent par mourir à leur tour. Les animaux qui vivent là n’ont pas plus de chance, la nourriture manquant, leur nombre décroît à vue d’œil.
À l’ombre de mes branches la situation n’est guère plus reluisante, mais il y a tout de même plus de fraîcheur. Nombres d’insectes se sont réfugiés dans mes branches, de petits rongeurs s’abritent dans des anfractuosités de mon tronc, ou de mes racines. Mais des cadavres toujours plus nombreux d’animaux assoiffés viennent de plus en plus nombreux recouvrir le sol. Les charognards s’en gavent, mais pour combien de temps ?
Et enfin moi, le grand chêne. Mes racines pourtant profondes, sont avides de la moindre goutte d’eau, mais mes feuilles pourtant si robustes s’étiolent, certaines pendent lamentablement, d’autres jaunissent. Si cela continue, je finirai par mourir, aussi. La Fontaine avait bien prévu que je puisse mourir par l’ouragan, mais non par la soif.
Vivement la pluie !
Prochain thème : Rentrée des classes (on reste ancré dans la période)