Dans la douceur du soir je me glisse entre les ombres, l’arôme délicat de leurs origines boisée me comble d’un sentiment de liberté. C’est ici que je réside, parmi les pins, les chênes et les bouleaux, dans l’obscurité, dans l’humidité. D’un pas expert et déterminé je me dirige vers cette petite clairière qui m’est si chère. L’épais manteau de ténèbres semble se disperser à son orée, et j’entre alors au royaume de la mousse. Le sol en est couvert et les arbres l’accueille à branches ouvertes, nappant l’endroit d’un verdoyant confort.
Pour autant que la pénombre me plaît, j’ai découvert ici la beauté du monde du dessus, celui qui ne s’offre que la nuit. Je me place au centre de mon idyllique clairière, inspire longuement, avant de lever les yeux pour m’imprégner du spectacle.
Une légère déception me traverse lorsque je réalise enfin que Brume a choisi cette soirée pour sa récolte de photons nocturnes. Bien décidée à m’émerveiller, je contourne la vieille souche, vestige d’un être passé qui s’est donné à la mousse, afin de rejoindre l’autre côté de la forêt. Je m’arrête un instant devant mon roc favoris pour le saluer et lui souhaiter une belle soirée. Comme à son habitude il ne me répond pas, et comme a mon habitude, je lui souris avant de continuer mon chemin.
Au détour d’un grand chêne je prends à gauche, là où le sol s’affaisse largement pour rejoindre la rivière en contre bas. Profitant du tapis d’Automne je laisse les feuilles rouler sous mes pieds, dévalant et glissant le long de la pente à toute vitesse. Je l’aime, ma liberté ! Les arbres s’écartant sur mon passage je parcours la centaine de mètres en un temps record.
La rivière se dévoile alors. D’habitude tumultueuse elle se présente ce soir bien plus calme, mais tout aussi joueuse. Hiver et elle se sont entendues pour former ensemble ce magma glacé qui me comble de joie. Élancée depuis des mètres je me laisse porter par cette surface si lisse et si brillante. Je slalome heureuse, prête à donner mon corps à la gravité. Le ronronnement de l’eau m’informe de la ligne d’arrivée, et c’est en fermant les yeux que je me laisse partir. La glace cesse de courir sous mes pieds pour reprendre son état liquide le temps d’une chute. Des gouttes téméraires à la recherche d’un nouveau paysage m’accompagnent. Le vide de la cascade m’aspire et je me laisse séduire par son étreinte.
Je danse au milieu du vent. Je danse entre les odeurs du bois, de l’humidité, des êtres peuplant ma forêt. Je danse dans les sons de la nuit et la beauté de leurs natures. Tourbillonnant avec grâce, je me prends à espérer séduire tes yeux.
Et d’un coup.
Je déploie mes ailes.
L’air frais rugit à leur contact. Dans un murmure je lui demande de me faire voyager et il me guide auprès de Brume. Elle me présente ses excuses pour s’être accaparée le ciel et me laisse la traverser. Je ne lui en tiens pas rigueur bien au contraire, je la remercie même pour sa présence qui m’a offert cette fabuleuse cavale.
Je ferme les yeux pour continuer mon ascension. Une fois à bonne hauteur je les rouvre pour contempler ma forêt. Sa précieuse silhouette sombre dans la nuit recouverte par l’exquise pâleur de Brume me rappellent la beauté de mon existence.
Un petit nuage de passage me fait signe de le rejoindre et me propose de m’installer sur son dos. Touchée par cette attention je lui témoigne mon enjouement d’une méticuleuse pirouette articulée de délicatesse, puis m’installe confortablement sur son épais velour blanc.
Et finalement, je prends ma longue inspiration.
Je lève mes yeux.
La nébulosité du cosmos peint sa toile somptueuse dans un ballet gracieux de gaz et de fusions. Une myriade d’étoiles projettent leurs lumières depuis des temps si lointains. J’offre mes yeux en réceptacle à ces photons infatigables de leur ultime périple. Je leur propose un sens par leur destination d’arrivée, ici, ils semblent chargés d’amour autant que d’énergie.
Mais parmi toutes ces étoiles que je connais si bien, il y en a une que je cherche en particulier. Je parcours le ciel d’Hiver à ta recherche, et quand mon regard croise enfin le tiens, que tes yeux se plongent au fond des miens, c’est là que je sais que je t’ai retrouvée.
Mon étoile.
Merci Emy pour cet agréable voyage nocturne. Moi qui suis clouée à la maison suite à une opération, je viens de prendre le frais au milieu de la nuit. Ca me rappelle les vols en parapente avec mon amoureux. Ca fait du bien un bol de poésie!