Le Conte de la Sorcière des Bois 38. Le regard sans voix, le renard s’envole

10 mins

Le brouillard enveloppait l’univers comme les toiles d’araignée envahissent une maison dans ses moindres recoins. Le regard fou du garçon balayait la toile grise en quête de l’ombre de l’arachnide, mais seul persistait le flou oscillant. Plus de ciel, plus de sol, plus de frontière au monde. La gueule de brume avalait la main du garçon et, emporté par sa voracité, l’ogre brouillard engloutissait le bras entier.

Les doigts du garçon glissaient entre des mailles translucides. Il était la proie d’un essaim de serpents aux écailles de gel. Chaque inspiration effrénée enflammait ses poumons. L’habitait la désagréable sensation d’être nu comme un ver malgré son manteau et ses multiples couches de lainages par-dessous.

La brume vivante infiltrait son esprit et embrouillait ses pensées. Il avançait inlassablement, et parfois, hésitant, retournait sur ses pas. Ses pieds épousaient le tapis de graviers alors que le reste de sa personne embrassait le vide. Il avait beau tendre le bras, rien ne répondait à son toucher.

Il advint que ses doigts rencontrent le baiser rugueux de la pierre, et tout en se laissant guider par son relief, lambeau de réalité, le garçon luttait désespérément contre son propre esprit. Nellis… Nellis. Il avait oublié son propre nom, mais pas celui-ci. Nellis. Son instinct lui dictait de s’en souvenir coûte-que-coûte. Nellis… C’était là l’unique point d’ancrage à son existence gommée de sa propre mémoire.

L’ogre invisible tapi dans la purée de pois s’était empressé d’engloutir ses souvenirs avant même de songer goûter à sa chair. Son amnésie occupait ses pensées au point d’annihiler tout potentiel de réflexion.

Nellis… Nellis. Il faut que je me rappelle.

Il était un marin qui sombrait lentement vers les abysses, et sa dernière bulle d’air résidait dans ce nom sans cesse pensé, parfois murmuré. Parmi le néant qui occupait son esprit, cette pensée demeurait là, si solitaire, si fragile. Un fragment d’écume, l’ultime souvenir d’une vague.

Il se pencha, encore, plus bas, embrassa la surface froide et rugueuse, frotta sa joue contre le visage qui tracé sous le voile gris. Nellis… Il déchira le tissu, puis souffla pour dissiper les poussières de brume restantes. La pâle figure lui sourit, ses joues écharpées, son front bosselé percé de cratères. Deux paupières grises s’ébahirent sur deux yeux verts luminescents.

Le garçon recula précipitamment, repoussé par l’effroi. Deux bras blancs calcifiés tentèrent alors de l’enlacer. Une bouche aux lèvres crépues s’entrouvrit dans l’intention de lui dérober un baiser. L’espace d’un instant, un autre visage se superposa aux traits monstrueux de la statue vivante. Son crâne se para de cheveux argentés et ses yeux se teintèrent d’or.

Nellis…

La vision le figea, puis aussitôt s’envola.

Dans un sursaut pour s’arracher aux doigts agrippant la manche de son manteau, il bascula en arrière, trébucha et s’affaissa violemment. La plainte de son coccyx lui remonta jusqu’aux oreilles, suivie d’une brûlante douleur.

L’être de pierre, loin de s’émouvoir, s’acharnait à vouloir l’étreindre sans y parvenir, incapable de se détacher du socle de son rocher. Car il n’était qu’un buste sans jambes, un tronc gesticulant aux profondes racines soudées. Deux menus renflements au niveau du poitrail constituaient les vestiges de seins féminins ; deux oreilles en pointes, déformées par la pétrification, pointaient des tempes. Trop grande pour une elfe. Pas de trace d’ailes indiquant une fée. Que fut-elle autrefois ?

La créature inconnue ouvrit la bouche pour parler, mais aucun mot ne sortit, pas même un son. Au niveau de la glotte se distinguait une maigre excroissance blanchâtre, fossile d’une langue, visiblement arrachée, ou bien dévorée. Le lambeau calcaire remuait pitoyablement telle une larve sous le palais.

Le garçon continua de s’éloigner en rampant sur ses fesses endolories. Il se remit péniblement sur ses pieds puis s’élança tel un fou pourchassé par ses médecins. Son aveugle débandade s’acheva lorsqu’il heurta de plein fouet l’invisible et s’abattit dans les graviers. Une vive douleur lui mordit le bras, remontant jusqu’à son épaule. Il constata avec horreur le sang qui pissait de son avant-bras qui, du poignet au coude, arborait un large sillon de chair à vif. Le saignement abondant imbibait la manche déchirée de son manteau.

La douleur s’endormit avant de se réveiller, mille fois plus intense, et son esprit vrilla sous son virulent assaut ; lequel eut néanmoins le mérite de déclencher un sursaut de mémoire. Jilam ! Je m’appelle Jilam ! À l’évidence, l’ogre invisible avait laissé quelques morceaux. Je m’appelle Jilam et je cherche Nellis !

Jilam inspecta sa plaie. L’entaille était profonde mais pas assez pour découvrir l’os. Il tâta délicatement son avant-bras sans constater de fracture, puis acheva d’arracher le lambeau de sa manche afin d’en user comme bandage grossier pour sa blessure. Il prit soin de serrer bien fort au mépris de la souffrance hurlante. Plus d’une fois il manqua de peu de sombrer avant de se remettre debout.

Jambes molles et dents serrées, il poursuivit sa lente errance, son bras valide plongé dans la gueule du brouillard en quête de murs invisibles. Son bandage, trempé de pourpre, ne tarda pas à goutter. Il avait beau battre de la main, les moucherons s’acharnaient à voltiger devant ses yeux, jurant de lui faire tourner l’œil. Son bras tremblait. Il n’entretenait plus la moindre sensation sous l’épaule sinon le feu rongeant ses muscles et ses os. Il cracha par terre dans le vain espoir d’expulser un peu de la douleur. Un filet de bave rouge pendait de son menton sans qu’il ne songe à l’essuyer ; le goût du fer rongeait ses papilles sèches. La nausée lui soulevait l’estomac tandis qu’il marchait, ou plutôt titubait au cœur du brouillard, dont les pans du manteau vaporeux s’écartaient sur son passage pour aussitôt se refermer derrière lui.

C’était comme déambuler dans les entrailles d’un bois dense. On étouffe, chaque respiration est une torture, le cerveau s’égare, les pieds martyrisés tâtonnent un sol traître.

Un écho strident figea brutalement Jilam dont le regard entreprit de détricoter le linceul gris. Vain effort. Le son retentit encore. Il lui évoquait un rire, aigu et grinçant, comme une lame que l’on aiguise. Le jeune homme sentit ses tympans frémir. Nellis ? Il aurait voulu crier, mais la peur viscérale étranglait ses cordes vocales. Le rire de crécelle s’ébroua encore, accentuant son abominable mal de crâne.

La frustration ne tarda pas à supplanter la terreur. « Qui va là !? Montrez-vous ! »

L’ogre brouillard avala son cri comme un enfant gourmand gobe une fraise. Les couleuvres de givre en profitèrent pour s’insinuer à l’intérieur de sa gorge et s’enrouler autour de sa trachée. Il avait le plus grand mal à respirer tant l’air humide et gelé engorgeait ses poumons.

Le rire glaçant s’esbaudit dans un tintamarre infernal. Cela sonnait comme un archer endommagé s’acharnant sur les cordes défectueuses d’un violon mal accordé.

Le brouillard vomit une ombre, puis une silhouette se découpa dans le cadre de ses mâchoires grises. Un autre souvenir s’éveilla dans l’esprit de Jilam. Mú ?

Non. La silhouette n’était pas celle du furet-léopard, mais appartenait à un renard hilare. Le pelage de l’animal était bleu nuit et il arborait trois queues : rouge, jaune et verte ; deux dotées d’un bout blanc, celle du milieu d’une pointe noire.

Le renard montrait les dents tout en caquetant à gorge déployée. La colère emporta Jilam, lequel se précipita pour saisir la méchante bête par le collet. Le renard s’envola sous ses yeux dupes pendant que lui-même s’affalait lamentablement à plat ventre dans les graviers. Des ailes de fée avaient subitement surgies du pelage bleuté.

Le rire grésilla jusque dans son crâne. Alors qu’il vomissait sa bile, une queue piquante le gifla. Dans un geste de rage, il brandit son bras valide en l’air mais ses doigts n’arrachèrent qu’un lambeau de brume, lequel alla aussitôt se recoller au manteau. Le renard aux trois queues virevoltait autour de sa piteuse victime tout en l’invectivant de son hilarité grinçante.

Jilam s’effondra sur ses genoux, enfonça sa tête entre les cuisses et boucha ses oreilles à l’aide de ses coudes, tout en poussant des grognements sauvages. La chaleur de son sang embrassait sa joue froide. Il goûtait sa saveur acide, mélangée au suc gastrique et à la poussière de craie.

Lassé du jeu, le renard s’en alla, s’évapora plutôt. Jilam demeura un moment dans sa posture de bête traquée, le crâne bourdonnant de l’atroce rire. Quand enfin il comprit que son bourreau ne reviendrait pas, il puisa dans ses restes de volonté pour se relever.

Tantôt le voile sale s’effilochait, offrant à la vue du voyageur égaré la toile blanche du gouffre qu’il arpentait. La roche n’avait aucune substance sous ses doigts rongés par les fourmis. L’opacité vaporeuse gommait les strates géologiques et diluait sa palette de couleurs en un tableau terne tout en nuances de gris. Le ventre du canyon semblait palpiter, mais c’était là une illusion d’optique induite par les propres battements du cœur de Jilam caracolant jusqu’à son cerveau.

Le visage de l’angoisse le lorgnait qu’importe où son regard se tournait. Parfois ses oreilles vibraient du rire évanescent. Sa tête s’agitait alors en tout sens sans jamais trouver signe du renard moqueur.

Nellis… Il guettait ses pensées. Mais seul l’écho chaotique des siennes lui parvenait.

Nellis. Pourquoi ne l’appelait-elle pas ? Qu’était-elle devenue ? L’avait-elle oublié comme il avait failli l’oublier ? Ou bien était-elle trop gravement blessée pour employer sa télépathie ? Peut-être gisait-elle quelque part, inanimée. Ou bien…

Il interrompit là ses théories.

Le brouillard, dénué de saveur, avalait les odeurs et dévorait les sons.

Jilam était un aveugle, sourd, anosmique, paralysé, boiteux, et pour couronner le tout : amnésique ; une loque de conscience, à demi-vivante, consumée par une terreur sans nom.

L’ogre opaque, en fin gourmet, savourait sa victime morceau par morceau. Il avait commencé par les extrémités : le bout des doigts et les orteils des pieds. À présent Jilam ne sentait plus ses membres. Ses jambes se mouvaient d’elles-mêmes, poussées par leur seul instinct, et il baissait régulièrement les yeux afin de s’assurer qu’elles étaient toujours attachées à son bassin. Il avait l’impression d’être un tronc dérivant dans la vase ; ou un cul-de-jatte après le passage d’un coupe-jarret.

Plutôt un triste oiseau, muet et brisé, se débattant dans les entrailles froides, humides et oppressantes d’un nuage.

Tel un poisson hameçonné, il se trouva soudainement happé hors de sa torpeur misérable par l’écho d’une sinistre mélopée. Ravalant la peur qui l’enjoignait de se rouler en boule dans une crevasse, il s’évertua à traquer la source du bruit.

Le chant s’intensifia. Non pas un chant, plutôt un chœur de râles entremêlés de psalmodies à l’incessant vibrato.

Jilam serra les dents. Sur quoi aillait-il donc tomber cette fois-ci ?

Le rideau opaque s’écarta. Il se découvrit dans l’ancien lit d’une rivière depuis longtemps enfouie. Le gouffre creusé par les eaux antiques s’évasait en cuvette bordée de vestiges d’éboulis. Parmi les buissons de cristaux translucides se dressaient plusieurs dizaines de statues, autrefois créatures de chair et de sang. Les corps pétrifiés semblaient pousser directement de la roche à l’image de plantes sauvages.

Jilam se figea d’effroi.

Le courant asséché du torrent était le théâtre d’un spectacle ô combien abject et dérangeant. Les statues, loin de se tenir sagement immobiles, se mouvaient telles des fougères s’ébrouant sous les caresses du vent. Avec des gestes langoureux mais saccadés, elles tordaient leurs bras et roulaient le bassin, leurs actions limitées par leurs jambes captives du roc. Les fossiles vivants s’égayaient ; loin de se battre, ils s’ébattaient, folâtraient.

Jilam n’en croyait pas sa vision. Le brouillard devait lui jouer des tours, il ne pouvait en être autrement. Comment alors expliquer ce dont ses yeux étaient les témoins malencontreux ?

Une orgie de statues. Son esprit vaseux ignorait de quelle autre façon le décrire. Les créatures s’engluaient les unes aux autres ; les mains graveleuses naviguaient sur les ventres crayeux ; les bouches calcifiées s’échangeaient de langoureux baisers ; ici les doigts ferreux assaillaient le silex d’un tour de reins et leur contact produisait de joyeuses étincelles ; là des lèvres d’onyx torturaient un sein de jaspe ; ailleurs une langue rose et cristalline visitait un nombril creusé dans la lave durcie.

La conscience de Jilam hésitait entre dégobiller tripes et boyaux ou simplement tomber dans les pommes ; ne serait-ce que pour lui épargner le vacarme obscène semblable aux caresses de centaines d’ongles sur une ardoise.

Ce que la chair accomplit, la pierre le convoite. Les fossiles scrutent les vivants avec jalousie. Les souvenirs pétrifiés demeurent aussi vivaces que lorsque le sable était marée ; que du temps où un cœur, ou bien deux, battait la chamade devant la source du désir.

Oui, la pierre se rappelait sa vie de chair, et dans son éternelle agonie, cherchait à se divertir.

Combien de temps avaient-ils fallu à ces corps fossilisés pour parvenir à s’enlacer ? Faute de jambes, des siècles entiers probablement. D’abord il avait fallu s’arracher à l’étreinte de la roche, puis ensuite ramper résolument vers le fruit convoité du désir.

Le souffle de vie surpasse la barrière de la mort. Pas même le tombeau ne saurait réduire au silence son appel. Laissez-moi embrasser une dernière fois. Laissez-moi goûter, encore, le temps d’un ultime battement de cœur. Laissez-moi à nouveau sentir le sang chaud irradier mes veines gelées. Laissez-moi jouir !

Autant de prières contenues dans ces râles où plaisir et peine se confondaient au même titre que les sexes. La pierre et les éléments avaient si bien agi que la nature des êtres de jadis avait été entièrement effacée, instaurant une nouvelle race, étrangère à toutes les espèces ; une race dépourvue de nom, comme le lieu qu’elle hantait.

« Jilam ! »

Un flot de murmures grinçants, bourgeons de désir et de désespoir, l’appelait. Les voix répétaient son nom en boucle, comme si ce nom leur appartenait. Jilam avait la sensation qu’on lui arrachait son identité, qu’on écorchait son âme.

Plusieurs mains s’étaient tendues vers lui. Du sang frais, un cœur vaillant, un corps bouillant de vitalité, voilà de quoi pimenter les ébats.

« Jilam. Viens avec nous. — Rejoins-nous. — Nous avons si froids. Et toi aussi. Tu es si froid. Nous irons nous réchauffer. Tous ensemble. — Nous ne ferons qu’un. — Laisse-moi te faire jouir. Je veux te donner du plaisir. Veux-tu m’en donner ? — Je te veux, Jilam. Approche. N’aie pas peur. — Qu’attends-tu ? Ne fais pas ton timide. Tu es si prude que ç’en est attendrissant. — Tu me fais fondre. Regarde, je bouillonne, je suis en fusion. Viens donc m’étreindre avant que je me consume.

— ASSEZ ! »

Jilam se couvrit les oreilles. Il pouvait entendre son sang bouillir dans ses veines et battre au rythme du tambour furieux logé dans sa poitrine. Et tandis qu’il suffoquait, le vacarme de murmures l’enveloppait, son nom susurré à l’unisson par une foule de désirs, de voix grinçantes… de plus en plus attrayantes.

Les yeux clos, Jilam avança son pied.

Il se réveilla, étendu dans le giron d’une berge rocheuse. Le chant de l’eau s’était évanoui. Le sol tiède remuait sous son corps qu’il essaya de mouvoir. Vain effort. Il était paralysé.

Une pluie de doigts s’abattit sur lui. Les mains curieuses flattaient chaque parcelle de son corps, de la pointe de ses cheveux à la plante de ses pieds.

Des lèvres noires surgirent de la nuit pour l’embrasser. La langue invasive avait la texture d’une perle ; la saveur était celle du sel.

Il sentit les larmes dégouliner. L’oppressant baiser étouffait ses sanglots. Lorsqu’enfin la bouche le libéra, il entreprit de geindre tel un nourrisson. Les lèvres d’obsidienne effleurèrent son cou, l’enveloppant de profonds frissons, puis couvrirent son avant-bras blessé d’une pluie de larmes sucrées.

Il hurla ; non de douleur car il ne sentait rien. Il vociférait néanmoins ; car c’était là tout ce dont il était capable.

Les baisers harassants migrèrent de nouveau vers sa bouche. Il goûtait son propre sang tandis que l’autre langue se substituait à la sienne.

Et durant tout ce temps, long et oppressant, les mains indiscrètes s’évertuaient à explorer son corps soumis. Des doigts sinueux s’étaient glissés sous les pans de son manteau et se faufilaient maintenant au travers des mailles de son pull et des boutons de sa chemise. Il était allongé, le nombril à l’air et les pieds nus. Non loin, les autres statues vivantes s’enivraient de cette vision reflétée sur leurs yeux verts brillant d’envie.

Une lame d’épouvante piqua Jilam. Son corps, mu par un sursaut, commença à se débattre. Sa lutte, aussi acharnée fut-elle, n’en était pas moins vaine, et n’eut pour seul effet que d’accentuer l’emprise des mains de pierre. Il grimaça sous le feu de ses os qui se fendillent et libéra une longue plainte.

« Chuuut, susurrèrent à son oreille les lèvres noires. Tu es en sécurité avec nous. Personne ne te fera du mal. Au contraire. » Le rire sensuel s’immisça en lui tandis qu’on lui mordillait le lobe. « Nous sommes là pour nous faire du bien. Veux-tu que je te fasse du bien ? »

Les lèvres glissèrent. Jilam ferma les yeux, refusant de voir où elles allaient. Il chercha désespérément l’interrupteur pour éteindre ses sens mais ne le trouva pas.

Il avait beau jouer les aveugles, il pouvait toujours sentir les mains froides descendre, plus bas, toujours plus bas et profondément, jusqu’au cœur de son intimité mise à nu. Il pouvait encore entendre les rires pervers et les soupirs d’extase. Il pouvait toujours respirer, les vapeurs de soufre et les nuées de poussière soulevées. Il frissonnait sous ces doigts qui le déshabillaient comme s’ils l’écorchaient.

Ses bourreaux jouissaient de lui comme d’une poupée, ahanant sans cesse à ses oreilles leur désir fou, leur ivresse sans limite qu’ils souhaitaient partager. Son supplice était pour eux un délice.

Dans un ultime souffle de liberté, il voulut hurler, mais sa voix refusa de lui répondre. Il hurlait cependant au fond de lui, vociférait dans le vide, et personne pour l’entendre, lui répondre. Il n’y avait que la pierre, la pierre qui parle, la pierre qui caresse, et la roche froide, inamovible.

Alors il s’abandonna, oublia tous ses instincts. Sa conscience se dilua dans l’horreur et l’extase.

Lorsque son cri de terreur émergea enfin, c’était un râle de plaisir.

No account yet? Register

0 Commentaires
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Lire

Plonge dans un océan de mots, explore des mondes imaginaires et découvre des histoires captivantes qui éveilleront ton esprit. Laisse la magie des pages t’emporter vers des horizons infinis de connaissances et d’émotions.

Écrire

Libère ta créativité, exprime tes pensées les plus profondes et donne vie à tes idées. Avec WikiPen, ta plume devient une baguette magique, te permettant de créer des univers uniques et de partager ta voix avec le monde.

Intéragir

Connecte-toi avec une communauté de passionnés, échange des idées, reçois des commentaires constructifs et partage tes impressions.

0
Exprimez-vous dans les commentairesx