Chapitre 6 – L’appel d’urgence
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Il était impensable de rentrer au couvent dans la honte. Si vraiment tout ça n’était qu’une manœuvre des religieuses, appeler Eleanor Sorensen était une preuve de faiblesse. Le problème était trop petit, trop domestique. «Ce Falsetti a des airs louches, mais… c’est un ami de longue date de ma Mère… et personne ne peut mentir à cette femme. Elle n’aurait jamais risqué un plan capable de me faire prendre dix ans. Tout cela est trop tordu… »
Stewart s’approcha. Comme un enfant qui s’amuse à marcher suspendu à ses bras, il agrippait le sommet des barreaux un à un, les bras tendus bien hauts. Ses aisselles puaient à faire désirer les effluves d’un égout. Le souteneur murmura sa tirade. « Je t’achèterai des fringues… » Ces propos firent rebondir un détail dans l’esprit de la jeune femme. Ce deuxième rôdeur : des filles de son équipe d’athlétisme s’étaient vantées qu’il était plutôt craquant et qu’il leur avait offert un job d’escorte de luxe. Elle comprit que deux clans la recherchaient et que Stewart faisait partie de l’un d’eux. Dans cette hypothèse, Falsetti n’avait rien à voir dans l’affaire. Elle secoua la tête et joua son va-tout. « Commissaire ! Retenez mon vol ! Faites appeler mademoiselle Eleanor Sorensen. La famille Sorensen ! …de Manhattan. La nièce du Gouverneur de l’État… Bon sang… C’est un appel d’urgence ! » La jeune femme ne termina pas sa phrase. Le bras passé à travers les barreaux, Jessy Stewart venait de l’empoigner par la gorge. Les femmes hurlèrent. Des officiers se précipitèrent. Cafouillage, pas de clés. Gerflynt n’eut aucun doute que Stewart s’apprêtait à lui trancher la gorge. Sa main chercha la doublure au-dessus de la poche arrière du souteneur. La lame de rasoir était à sa place, comme dans le bon vieux temps lorsque ce client avait refusé de payer. Elle n’oublia pas de l’agripper fermement avant de le darder.