Chapitre 23 – L’examen de l’antiquaire – troisième partie
Novembre 1951
Village de l’Estaque
624 mots
L’Italien la trouva hors d’elle-même. « Alors… À quelle heure est-ce qu’on balance mon cadavre dans le caniveau ?
— Calmez-vous… Nous n’avons plus le choix, il faut aller de l’avant, murmura Falsetti.
— Formidable ! Et en prime, je perds le respect de celles qui m’ont portée secours ! Sachez que la perspective de trahir ma Révérende Mère me tue en dedans.
— Et que vaut la vie de votre mère naturelle ? Flynt, j’ignore comment vous avez échoué dans le sud de Manhattan, mais l’existence de votre bourse d’étude au collège de Wellington prouve que des tractations ont eu lieu. Cette femme vous connaît. Elle a rançonné les Sorensen. Nous remonterons le fil de votre histoire plus tard, mais maintenant que le clan vous tient, cette emmerdeuse n’a plus aucun pouvoir sur eux. »
Gerflynt essaya de respirer sans soulever une côte. Elle murmura : « Alors mon véritable job, c’est de rembourser les sommes qu’elle leur a soutirées ?
— Plutôt payer la rançon, celle qu’ils exigeront pour la garder en vie…
— Il y a urgence. Et moi qui comptais sur cette famille pour me dire qui elle est. »
Gerflynt dut prendre appui sur l’Italien. « Monsieur Falsetti, si je choisis de me compromettre devant la loi… Je vous implore de ne jamais en parler à ma Mère. »
Enzo saisit la gamine par les bras. « Courage petite ! J’ai promis à Amy de vous ramener…
— Mais il ne s’agit pas de cela. »
La môme se dégagea. « Je vous le redemande : En parlerez-vous à ma Révérende Mère ? Oui ou non ? »
Enzo vérifia du coin de l’œil et chuchota. « Flynt, je ne peux pas trahir une amitié de si longue date. Dans les circonstances, Amy comprendra. Je plaiderai votre cause. Vous n’aurez rien à faire, je m’occupe de tout.
— Non ! Non ! Monsieur Falsetti ! Plonger dans cette affaire en couventine égarée ne mènera nulle part. À moins de travailler ensemble, nous mourrons tous les deux !
— Cessez de broyer du noir…
— Très bien ! Alors dites à ma Mère, que je vous libère de votre obligation.
— Vous n’avez pas ce pouvoir, c’est entre Amy et moi.
— Être la snitche de la Supérieure d’un couvent ne vous ressemble pas. »
Cette fois, la môme sentit la force des bras de Falsetti alors qu’il se saisissait d’elle par la taille. Elle posa sa main sur sa poitrine afin de le retenir. L’homme respirait son parfum, ses narines se dilataient, ce n’était pas bon signe. La jeune femme retint un rictus de douleur. Un coup d’œil de côté, elle approcha ses lèvres de son oreille et susurra à la limite de l’audible : « Écoutez-moi ! Je vous en conjure ! Ces emmerdes sont liées à mon origine. Je ne peux m’y soustraire. Ce sont mes affaires, alors mes conditions sont finales. »
Elle resta ainsi, le regard levé, sa main en sismographe captant les secousses telluriques dans la poitrine de l’homme. Il fallait en finir rapidement. « Promettez ou libérez-moi ! Je partirai. » Falsetti déglutit et l’enserra plus avant. Son front se couvra de sueur. « D’accord ! Ça restera entre nous. » La môme continua de chuchoter. « Alors la première chose à faire est de nous rendre chez mon supposé demi-frère. Il faut y aller dès demain.
— Il nous faudra de la protection.
— Mais par la suite, je demande à être libre de mes mouvements. Je ne veux pas dépendre de vous à tout moment.
— Ce sera difficile. »
Gerflynt sentit l’étreinte augmenter. Ses ondulations pour se dégager sans bruit firent qu’elle se retrouva plaquée contre le mur. « Monsieur Falsetti… Non, dit-elle le regard implorant, les lèvres entrouvertes.
On entendit la voix d’Amanda. « Télégramme pour Miss Gerflynt ! » La gitane entra et se figea comme un colonel aux commandes d’un peloton d’exécution.