5 mins
J’avais pris rendez-vous quelques jours au préalable avec Olivia. Par messagerie interposée. Tout avait été soigneusement prémédité.
Le deux-pièces est au cinquième étage d’un immeuble cossu de la capitale, coincé au milieu de tant d’autres, qui font la fierté d’un beau quartier. Pas le genre d’endroit fréquenté par les beaufs ou les sans-le-sou des banlieues. Trop cher ou trop chic. Trop de caméras de surveillance aussi. On y monte par ce genre d’ascenseur à cage d’oiseaux, imitation art-déco, savamment intégré dans la colonne d’escalier. Me voici oiseau de nuit, prisonnier, le temps d’une ascension d’une minute trente-cinq.
Pas le temps d’actionner la sonnette, que déjà la porte s’entrouvre puis se referme avec la même discrétion derrière moi. Le petit hall d’entrée donne directement sur une cuisinette, planquée derrière un meuble-bar vintage, ouverte sur séjour. Les murs sont d’un blanc immaculé, agrémentés de photos noir-et-blanc du New York des années vingt.
Elle est lascivement assise, dévêtue, quasiment nue, au milieu du divan vert. Un « truc en plume » porté avec une simplicité sophistiquée, recouvre avec charme ses épaules et le haut de sa poitrine. Ses jambes soigneusement croisées, sont habillées de bas de satin noir et de porte-jarretelles, avec à leurs bouts, des pieds portant des sandales à talons aiguilles noirs ornés de cristaux. Ses cheveux châtains sont tirés et relevés en chignon ne manquant pas de mettre en valeur le haut de son front. Sur le haut du crâne, brille un énorme diadème en toc, floqué du mot « queen ». La reine attend son roi, synopsis parfait pour une soirée entre adultes consentants.
Nous avons le temps de prendre un verre de gin tonic, bien glacé, comme j’aime, croisant nos regards malicieux. La reine des lieux est une mitraillette à parole. Elle débite à une vitesse folle de nombreuses vérités (ou contre-vérités) sur son histoire personnelle, me posant de temps en temps quelques questions. Entre deux salves, nous nous dévisageons. Elle m’évalue pendant que je la mange des yeux. Elle boursicote, possède quelques biens immobiliers, dont les rentes rapportent plus que l’Avenue de la Paix au Monopoly. Elle profite d’un luxueux appartement, qu’elle n’habite que lorsque son « sugar-daddy » de quarante ans son ainés et banquier de profession vient lui rendre visite. Elle me raconte comment elle tient à lui (ou lui à elle ?) et comment Il lui a offert, paraît-il, sa première éjaculation féminine. Le reste du temps, elle voyage, tapinant de temps en temps pour son propre plaisir. Hédoniste, elle tient à profiter de sa vie, de son corps et de ce que celui-ci peut offrir de meilleur. Je ne retiens pas grand-chose à ce qu’elle me raconte. De toute façon, elle doit raconter la même chose à tous ses visiteurs. Je préfère regarder comment ses lèvres serrent la paille et sucent le liquide légèrement amer aux parfums si typiques…
D’un regard, elle me fait comprendre qu’il est temps de passer à autre chose. En se levant, elle me fait signe de l’accompagner.
– Je vais faire de toi moi prince d’un soir.
Je me dirige vers la chambre, dont la partie qui donne sur la salle de bain avait été aménagée en dressing traversant, jouissant sagement de la vue de ses hanches métronomes roulant de droite à gauche au rythme de ses pas.
Je me désape comme un maçon, entassant mes affaires sur un tabouret et non pas comme un chippendale, mais la dame n’a pas l’air de s’en soucier.
– Tu ne ressembles pas à ces quadras et quinquas prétentieux qui attendent en file de me rencontrer…
Elle lâche un « Que j’aime ton corps. ». J’enroule le drap de bain qu’elle me tend autours de la taille et me dirige vers la douche. Lorsque je réapparais quelques minutes plus tard, une musique relaxante et une lumière feutrée vert pâle inondent la chambre d’une ambiance zen.
– Je te sens nerveux ? Viens assied-toi à côté de moi, ferme les yeux. On va commencer par faire baisser l’excitation et le pouls. Tous les deux, nous allons accorder notre respiration, sans précipitation.
Nous sommes côte à côte, en position de lotus sur le futon, pour ma part les paumes des main posées sur les genoux. Lentement, mes narines inspirent son odeur vanillée ; j’en remplis profondément mes poumons avant de l’expirer, avec la même vitesse, soufflant l’air entre mes lèvres. Nous répétons ce cycle sept fois. À mesure que nous ralentissons, synchrones, nos respirations, je me sens envahi par une vague de relaxation.
Olivia se lève, je m’aplatis de plein ventre sur le futon, les bras en croix. Elle me tend un petit appui-tête qui me soulage les cervicales. Après avoir retiré le drap de bain de mes hanches pour le plier et recouvrir délicatement ma croupe, elle fait couler un liquide huileux et tiède partant du creux des reins vers mon cou. L’onguent dégage des arômes de cacao amer lorsqu’elle l’étale en massant doucement ma peau. Cou, épaules, épine dorsale… ses gestes sont lents, ses doigts dessinent d’innombrables formes géométriques. Tantôt, elle pétrit fermement un muscle, tantôt, elle frictionne énergiquement la peau. Rien ne lui échappe. De temps en temps, ses mains caressent mes hanches et la base du cou. Chair de poule et réconfort.
Olivia laisse couler son lubrifiant cacaoté du haut de mes cuisses vers les talons, en prenant soin de bien en imbiber ma peau. Ses pouces s’attardent sur mes voûtes plantaires. Ses doigts tirent un à un chacun de mes orteils avant de glisser entre les espaces interdigitaux. Ses deux mains remontent à pression constante du talon d’Achille jusqu’en haut de la cuisse ; elles remontent le long du mollet puis à l’intérieur de la cuisse, en mouvement lents circulaires. Une jambe après l’autre, renouvelant plusieurs fois ses mouvements de bas en haut, remontant à chaque fois plus haut vers mon entre-jambe, qu’elle effleure, sans le solliciter directement. Pourtant il commence à se raidir.
Une nouvelle giclée d’huile se répand sur mon dos, puis le drap glisse et tombe aussi soudainement que ma masseuse s’allonge sur moi. Je sens ses seins fermes glisser sur mes omoplates et son pubis frotter mes reins. A chaque glissade, ses lèvres humides embrassent avec pudeur les lobes de mes oreilles, alors que ses doigts s’entremêlent aux miens. Pas un centimètre carré de ma peau n’est délaissé.
Le sexe peut devenir une expérience cosmique, on l’appelle alors tantra. Sous mon ventre, mon sexe est dur et étouffe. C’est le moment que choisit Olivia pour me demander de me retourner et de s’exclamer avec des yeux brillants :
– Il est temps de s’occuper de ta queue.
Ses mains huilées me caressent les genoux, les cuisses pendant qu’elle suce mes tétons. Je sens ses petites mains qui montent, qui remontent toujours plus vers l’aine. La vibration de ma peau s’amplifie au fur et à mesure que ses doigts se dirigent vers ma cartouchière.
Alors qu’elle masse mes couilles dans la paume de sa main, comme on joue avec des boules de Baoding, elle suce goulûment l’objet de tous ses désirs, le faisant disparaitre profondément dans sa gorge une première fois. Reprenant son souffle avant d’allumer la mèche, elle me susurre :
– Oh ! Que j’aime ta bite.
J’inspire profondément et expire lentement en fermant les yeux. Je tâche d’oublier les mouvements de va-et-vient de la tête et de sa langue sur mon gland. Faire durer l’instant et le plaisir, lâcher prise. Inspirer, expirer. Je repense aux premiers instants de notre entrevue et à sa façon de sucer la paille et d’avaler son gin, lorsque je fais couler mon lait au fond de sa gorge.
J’exulte. Tous mes muscles se bandent et se crampent, je me retrouve figé, tel un vieil arbre raide et sec. Oubliés les muscles relâchés et souples. Je repars avec des courbatures et l’esprit libre.
Les bourses sont vides. C’est peu de le dire. Entretenir une reine, quand elle est belle de la nuit coûte cher.