Le baiser de la Mort

4 mins

C’était une soirée inoubliable pour ces trois couples liés par une amitié

d’enfance qui, avec le temps, avait viré vers des sentiments amoureux.

Ils se retrouvaient chaque week-end pour s’amuser dans des sorties ludiques.

Cette nuit-là, soir de Fête nationale, un grand bal était donné sur la place du

village.

Trois couples étaient réunis : Joe et Claudia, Valentin et Maud et le dernier,

Dylan et Sloana qui étaient amants depuis peu et, animés d’une passion

dévorante, dansaient étroitement enlacés sur un slow de Joe Dassin « Et si tu

n’existais pas » joué et chanté par l’un des musiciens.

Du haut de la tour du vieux château, minuit égrena ses douze coups en même

temps que la cloche de l’Église se mettait à sonner le glas, effrayant la foule.

Certains, impressionnés, quittèrent la fête malgré les excuses du maire pour

cette ignoble plaisanterie qui serait, disait-il, sévèrement punie.

Il offrit une tournée générale pour détendre l’atmosphère et la fête continua sur

une musique joyeuse et entraînante.

La soirée touchait à sa fin…

La piste de danse n’était plus occupée que par quelques couples cherchant à

conclure agréablement cette soirée.

— Chérie, murmura Dylan à l’oreille de Sloana, tu ne vas pas m’en vouloir si

je te laisse avec nos amis afin de pouvoir me reposer un peu. Je te retrouverai

demain matin.

— Alors, tu vas m’abandonner comme ça ? dit-elle en fredonnant la chanson

« Dis, quand reviendras-tu ? »

Il lui fut difficile de s’arracher à son étreinte.

Enfin libéré, Dylan rentra chez lui, ferma sa porte, fit un brin de toilette et

allait se glisser dans le lit, quand le bruit de la porte qui s’ouvre l’alerta.

Il fut debout d’un bond et sursauta en voyant Sloana qui le regardait avec un

sourire d’une tristesse déchirante.

Dylan, tout ému, la prit dans ses bras pour la consoler. Soudain, il fut surpris

et ressentit un froid pénétrant qui lui donna un frisson et l’angoissa.

— Viens te mettre dans le lit, tu es glacée. Tu n’aurais pas dû venir ! Nous nous

étions dit bonsoir, ma chérie. Demain n’est pas si loin et je ne vais pas t’oublier,

dit-il en riant.

— Hélas ! J’ai bien peur que « tu oublies tous ces jours et ces nuits qui

n’appartenaient qu’à nous » dit-elle en appuyant sur le bouton de son iPod.

La chanson terminée, elle enlaça Dylan afin de lui communiquer sa passion.

— Ma chérie, mon trésor, mon amour, dit Dylan, je n’ai pas besoin de chanson

pour te montrer combien je t’aime…

Et, pour le prouver, il lui donna un très… très long baiser d’amour, lequel, une

fois encore, le fit frissonner.

Se dégageant de son étreinte, elle dit d’une voix faible et presque inaudible.

— Adieu, mon amour ! À plus !

Sans ajouter un mot, elle sortit aussi discrètement qu’elle était entrée.

Soucieux de son attitude inhabituelle, il remit à plus tard le soin de

comprendre.

Il verrouilla la porte et remonta en pyjama pour pouvoir se mettre au lit.

Aussitôt couché, la lumière éteinte, encore sous l’emprise de cette soirée

mouvementée, il allait sombrer dans le sommeil quand on sonna à nouveau d’une

façon insistante, tambourinant de manière impérative tout en criant son nom :

— Dylan !… Dylan !… Dylan !… C’est Maud ! Réponds-moi ! Je t’en supplie !

Il faut que tu viennes vite !… Vite !… Hurlait-elle.

— J’arrive !… Mais qu’est-ce qu’il y a de si urgent ? Dit Dylan en ouvrant la

porte sur Maud toute en pleurs, le visage défiguré par les larmes.

La voix brisée par les sanglots, elle se jeta dans les bras de Dylan en lui disant :

— Juste après ton départ, nous avons eu un terrible accident. Je suis venu te

chercher, dépêche-toi, enfile un vêtement, je t’attends dans la voiture, je t’en

supplie, fais vite, dit-elle la voix cassée.

Il ne fallut que quelques secondes à Dylan pour rejoindre Maud, qui démarra

aussitôt en trombe.

— Vas-y mollo ! Tu vas nous envoyer dans le décor ! Calme-toi ! Raconte-moi

ce qui se passe. Il y a eu des blessés parmi vous ?

— Je ne peux pas te dire ! C’est trop affreux ! Tu verras par toi-même ! hurla

Maud dans un cri qui donna des frissons à Dylan.

Elle arrêta la voiture, agitée de tremblements l’empêchant de se concentrer.

— Calme-toi ! Ma chérie, je vais conduire à ta place. Mais, n’attends plus pour

me dire ce qui se passe, il faudra bien que je le sache.

— Eh bien, soit ! dit Maud, en nouant ses bras autour du cou de Dylan. Sois

fort, il y a eu un mort dans l’accident. Tu sais, elle n’a pas souffert, sa mort a été

instantanée.

— Dieu du Ciel ! s’écria Dylan, la pauvre et sublime Claudia, si gentille, si

douce, et comment a réagi notre ami Joe ?

— Mais… tu n’as rien compris, Dylan ! Ce n’est pas Claudia… C’est

Sloana… J’ai pensé que tu aimerais lui adresser un dernier adieu.

— Arrête de déconner, Maud ! Sloana n’est pas morte ! Elle a passé la soirée

chez moi ! Elle venait de me quitter, même pas trois minutes avant que tu ne

viennes me chercher !

— Je participe à ta peine, mais il ne sert à rien de refuser la vérité. Tourne à

droite, l’ambulance est garée un peu en dehors du centre. Ils attendent que tu sois

arrivé avant de l’amener à la morgue. Arrête-toi ici, sur le parking.

— Vous êtes tous de grands malades ! dit Dylan en se laissant conduire vers la

dépouille qui gisait sur la civière.

Ce fut un moment crucial lorsque le docteur découvrit le corps de Sloana.

— Non ! Non ! Non !… S’écria Dylan, c’est impossible ! Elle était bien en vie

il y a seulement quelques minutes ! Elle était venue me dire…

— Ce n’est pas fréquent, dit le médecin, mais il y a eu des cas où, dans une

mort brutale, l’esprit se détache pour un dernier adieu…

— Oui… mais elle était vivante ! Et l’on s’est embrassés !

— Mon pauvre ami… ce n’était plus elle… C’est la Mort à qui vous avez

offert votre baiser !

Épouvanté, Dylan s’enfuit en hurlant : « J’ai embrassé la Mort ! »

Il disparut et ses amis ne l’aperçurent qu’au moment des funérailles.

Depuis, ses amis le recherchent toujours, sa maison a été vendue, il est absent

à son travail, plus aucune trace ne le relie à eux.

Où était-il passé ?

Dans son baiser la Mort l’avait-elle programmé pour rejoindre Sloana, sa bien-

aimée ?

Errait-il, poursuivi par la peur de revivre le souvenir de cet épouvantable

« Baiser de la Mort » ?

Le saurait-on un jour ?

Fin

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1 Commentaire
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Line Cora
Line Cora
1 année il y a

Terrifiant mais très beau texte !

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