Chapitre 11 – Cauchemar

13 mins
Carmen

Les bras de Kalel reposent tranquillement sur mon bassin. Il semble dormir profondément, ce qui n’est pas mon cas… j’ai beau essayer de compter les moutons je n’y arrive pas. Pourtant je les vois parfaitement sauter au-dessus des barrières dans leur prairie ensoleillée. Je ferme une nouvelle fois les yeux mais je les réouvre immédiatement. A peine suis-je plongée dans l’obscurité que déjà son regard furibond croise le mien. Danny…
Je soupire, lève le regard vers le visage de Kalel et pose ma main sur sa joue. Je caresse les poils naissant de sa barbe et mes lèvres s’étirent en un doux sourire. Le visage calme et serein de Kalel semble m’apaiser à mon tour mais je n’ose pas refermer les yeux. Une fois endormi, Kalel parait plus jeune, plus calme et surtout moins soucieux. Ses épais sourcils ne forment plus le V habituel, synonyme de colère ou de soucis, et sa mâchoire carrée est desserrée. Il est incroyablement beau et séduisant. Ma main descend lentement vers son torse et vient se poser sur son tee-shirt bleu marine. De mon index, je trace les contours de son torse incroyablement dessinés malgré la présence de son tee-shirt. J’aimerais pouvoir le lui retirer et observer librement son torse nu, mais je me ravisse et pose sagement ma main bien à plat sur son torse en reposant ma tête sur son épaule.
La tête ainsi posée, j’observe son ventre se gonfler et se dégonfler au même rythme que ses respirations, lentes et régulières. Je ferme les yeux, un court instant, et me concentre sur le léger bruit des battements de son cœur. Il est aussi calme que sa respiration. C’est agréable et très apaisant. Je m’autorise un sourire tandis que je réouvre les yeux, ne laissant pas le temps au regard de Danny pour me hanter.
Une très discrète vibration me sort de mes pensées et je détourne le visage. Attirée par la faible lumière bleutée de la dalle digitale encastrée dans le mur de la chambre de Kalel, j’observe le faible vacillement de la lumière. Si Kalel ne m’avait pas fait part de l’existence de sa chambre forte, je n’aurais très certainement pas remarqué la faible vibration, et je n’aurais encore moins remarqué la lumière bleutée se détacher du mur immaculé de blanc. Les images de ma première simulation me reviennent en mémoire. Je revois les flammes plus que réalistes danser devant moi, je sens la chaleur me bruler la peau. Et je me revois complètement écroulée au sol, la tête entre les mains, complètement paniquée et terrifiée par la simulation. Mon cœur cogne déjà plus vite et plus fort dans ma poitrine, un peu trop vite et trop fort à mon gout. Je fronce les sourcils, inspire profondément. Je dois laisser cet échec derrière moi et aller de l’avant. Je repousse les couvertures avant de me lever et de poser les pieds au sol. Je frissonne en sentant mes pieds nus entrer en contact avec la surface lisse du parquet glacé. Je jette un dernier coup d’œil attendri à Kalel et me dirige d’un pas décidé vers la porte camouflée de la salle d’entrainement.
Au contact de ma main, la lumière bleue devient plus vive et inonde le mur d’une douce lueur bleutée. Je place ma main bien à plat au centre de la dalle qui dessine rapidement les contours de ma main, laissant apparaitre l’empreinte de ma paume et de mes doigts. L’empreinte s’efface aussitôt qu’elle est apparue, et une fissure argentée s’illumine dans le mur. Une partie du mur semble se détacher et se met à coulisser, laissant apercevoir l’obscurité de la chambre forte.
– Bonjour Carmen, je vous souhaite la bienvenue, que désirez-vous faire aujourd’hui ?
La voix de Nox, une sorte de majordome robotisée, raisonne dans la pièce. Je sursaute. Je devrais pourtant être habituée à la présence de cette intelligence artificielle mais je suis toujours aussi surprise d’entendre la voix robotique, bien que très chaleureuse, de Nox. Je secoue la tête et souris. J’entre dans la pièce qui s’illumine d’une vive lumière blanche. Je cligne plusieurs fois des paupières, éblouie par l’éclat de lumière et réponds à la machine en ôtant la veste de survêtement empruntée à Kalel.
– J’aimerais que tu lances la simulation, celle de l’incendie.
– Très bien.
L’ordinateur centrale se met alors à briller. Je m’avance vers lui et un tiroir s’ouvre. J’y insère ma main bien à plat et un rayon lumineux rouge parcours le dessous de ma main, de haut en bas. Je sens une douce chaleur se répandre sous ma main tandis que mon empreinte s’affiche sur l’écran de l’ordinateur. L’écran indique également des informations écrites dans une langue qui m’est totalement inconnue. D’habitude c’est Kalel qui paramètre la machine et programme la simulation, mais là, il n’est pas là et est profondément endormi. Je n’ai pourtant pas besoin de faire le moindre réglage. Nox s’en charge pour moi.
Les lumières s’éteignent rapidement et je me retrouve seule. Nox s’est éteint en même temps que les lumières et seul le martellement de mon cœur affolé raisonne à mes oreilles. Je ferme les yeux et inspire profondément, tachant de ralentir le plus possible mes respirations, les rallongeant encore, et encore. « Ce n’est qu’une simulation Carmen, rien de tout cela ne sera réel », je me répète cette phrase en boucle dans mon esprit en essayant de me convaincre, mais déjà une petite voix ronchonne me souffle à l’oreille que tout ceci s’est malheureusement déjà passé. Certes, mais il est hors de question que je laisse cet évènement recommencer, que ce soit dans la vraie vie ou en simulation, ça n’arrivera plus ! J’ai l’impression d’attendre une éternité, mes muscles sont tendus, mon souffle est court et mon cœur martèle de plus en plus fort et vite dans ma poitrine.
Alors, la simulation se lance. A travers mes paupières closes, je parviens à distinguer la faible lueur rougeâtre des flammes. Au début, il ne doit s’agir que d’une toute petite flammèche, comme celle d’une bougie, mais rapidement, la lumière devient plus forte. J’ouvre les yeux et je vois les flammes jaillir devant moi, plus grandes que jamais. J’ouvre grand les yeux et, sous la surprise, amorce un pas en arrière, mais je me ressaisis aussitôt. Je me force à faire un pas en avant, je me jette littéralement dans la gueule du loup car je sais que tout ceci n’est pas réel. Même si la chaleur et la morsure des flammes ont l’air extrêmement réelles, je sais qu’elle ne le sont pas.
Alors, je les entends de nouveaux, d’abord de faibles murmures, des râles, quelques plaintes à peines audibles, puis rapidement des cris et des hurlements terrifiants. Je les entends m’appeler à l’aide, m’interdire de les laisser tomber encore une fois. Je n’ai plus le droit à l’erreur. Mes poings se crispent douloureusement. Je sens mes ongles se planter dans les paumes de mes mains, et je fais un pas en avant. « Rien n’est réel, Carmen, tu peux y aller ». J’avance, d’un pas déterminé, vers les flammes qui me regardent de haut. Je redresse fièrement la tête. Les flammes me plongent dessus, me prenant au piège dans leur enfer de feu. J’aurais du bruler vive, m’étouffer, même m’écrouler. Mais au lieu de ça, je souris. La magie gronde dans mes veines, se pressant aux portes, prête à jaillir vers cet incendie qui fait rage devant moi. Une fenêtre explose, les cris s’intensifient, mon regard se durcit. Je reste parfaitement concentrée mais je ne libère pas encore ma magie. Je l’entends râler, frustrée, mais je la garde encore enfermée. Alors je tends le bras et pointe les flammes du doigts. Je referme les yeux et inspire calmement, ralentissant mon rythme cardiaque. Ma magie se tait, elle ne gronde plus et se calme. J’ai le plein pouvoir, je maitrise ma magie.
Je sens les flammes se rapprocher. Leur douce chaleur vient lécher le bout de mon doigt mais je ne ressens rien. Aucune douleur, pas même un léger picotement, rien. Alors je pousse un peu plus ma main vers la flamme. Ma main entre complètement en contact avec elle et je libère ma magie. Celle-ci se précipite vers la flamme qui s’évanouit immédiatement. Le reste de l’incendie semble s’énerver autour de moi, les flammes prennent plus de hauteur et s’imposent à moi. Je me sens d’un coup très petite. Je tourne sur moi-même et observe chacune d’entre elles. Je les voix danser gracieusement dans les airs et tournoyer autour de moi mais elle ne me font pas peur, elles ne me font plus peur. Je libère une dernière fois ma magie, mais d’une toute autre manière, je la libère calmement et inspire profondément, emplissant mes poumons du peu d’oxygène présent dans la pièce. J’inspire encore, ma magie fait entrer l’air présent dans la pièce dans mes poumons et je vide peu à peu l’espace de son oxygène. Déjà, le feu perd de sa grandeur, il commence à faiblir mais tiens bon. Sauf que je n’ai pas dit mon dernier mot. Alors que je prive peu à peu le feu de son air, je décide d’expulser d’un coup l’air contenu dans mes poumons. Plaçant les bras devant mon visage, je les écarte rapidement, expulsant au même moment l’air contenu dans mes poumons, ainsi que toute la colère et la frustration qui auraient pu loger dans mon corps. Une rafale de vent jaillit littéralement de ma bouche, s’abattant sans pitié sur l’incendie qui s’essouffle d’un seul coup, comme si je venais de souffler sur la flammèche d’une bougie.
La pénombre prend alors place dans l’espace qui n’a même pas eu le temps de brûler, les voix se taisent et des sourires apparaissent dans mon esprit. Le calme s’installe tranquillement, et je me retrouve seule au milieu d’un nuage de fumée. Puis la scène s’estompe, le décor s’efface lentement de mon champ de vision, les lumières se rallument, m’aveuglant au passage. La simulation est terminée.
J’ai réussi.
***
Il fait chaud ! Beaucoup trop chaud ! Je sors à toute vitesse de la chambre forte, sans même daigner poser un regard sur Kalel qui doit toujours dormir paisiblement, et me dirige en toute vitesse vers la salle de bain. En entrant dans la pièce, la lumière s’allume et la fraicheur du lieu me saute à la figure me faisant un bien fou. Mais ça n’est pas suffisant. J’ai le souffle court et les joues en feu. Alors je fais couler l’eau dans le lavabo et m’y penche au-dessus, calant directement mon visage sous le jet d’eau glacée. Je soupire de soulagement et reste ainsi quelques instants, sentant peu à peu mon corps retrouver sa température habituelle. Je finis par sortir ma tête de sous le jet et, attrapant une serviette sur le présentoir, m’éponge rapidement le visage. Je passe une dernière fois les mains sous le jet d’eau et profite silencieusement de la douceur et de la fraicheur qu’il me procure. J’en profite également pour mouiller mes bras et finis par couper le jet. Même si l’eau tombe du ciel, je ne vais pas non plus en abuser.
Prenant appuis sur le rebord du lavabo, je lève la tête vers le miroir et jette un coup d’œil à mon reflet. Je sursaute et fais un bond en arrière. Une jeune femme m’observe silencieusement à travers le miroir. Je l’a contemple sans détourner le regard. Ses pupilles noisette écarquillées brillent d’une certaine fierté et d’une grande insolence. Son sourire en coin illumine son visage et dégage là aussi une fierté à couper le souffle. Je cligne des paupières deux fois. Je la vois m’imiter et son sourire s’agrandit. Le mien en fait tout autant.
Je secoue la tête en constatant l’état de mes cheveux en bataille. Je tente de dompter ma crinière blanche emmêlée à l’aide de mes doigts, mais elle n’a pas l’air de vouloir coopérer. Mais ça n’est pas si mal que ça en fin de compte. Je me surprends moi-même à me trouver jolie. Non pas jolie en fait, je me trouve resplendissante ! Mes joues sont encore légèrement rosées, et mes lèvres brillantes s’étirent en un immense sourire.
– Non !
Un gémissement retentit dans la chambre et me tire de ma contemplation. Je sursaute et me fige aussitôt, m’agrippant au rebord du lavabo. Un nouveau gémissement se fait entendre et je comprends que je n’ai pas rêvé, que ce gémissement n’était pas le fruit de mon imagination. Les gémissements se muent en cris d’effroi. Je sors alors de ma torpeur et me précipite dans la chambre où je vois Kalel s’agiter, complètement paniqué, sous les couvertures. Il gesticule dans tous les sens, repoussant les couvertures et gémissant de plus belle. Sourcils froncés, mâchoire serrée, il agite ses bras et ses jambes et se met à marmonner des phrases que je peine à comprendre.
– Pas ça… arrête… je n’ai rien fait, ce n’est pas ma faute…
Je m’approche rapidement du lit et constate avec effroi que Kalel est couvert de sueur et qu’il tremble comme une feuille. Il semble terrifié. Je me précipite vers lui et, m’asseyant à ses côtés, l’attrape fermement dans mes bras en le serrant contre ma poitrine pour le bercer. Me balançant tranquillement d’avant en arrière, je tente de calmer Kalel qui ne cesse de trembler et de gémir. Je glisse une main dans ses cheveux et lui murmure des paroles rassurantes.
– Tout va bien… je suis là…
Au son de ma voix, Kalel ouvre les yeux dans un sursaut, s’extirpe de mes bras et s’éloigne de moi, comme si je venais de le brûler. Les yeux écarquillés, il bouge la tête de gauche à droite, semblant chercher quelque chose ou quelqu’un. Me hissant sur les genoux, j’avance délicatement vers lui et tends la main vers sa joue. Son regard se plante dans le mien et il commence à s’apaiser, comprenant qu’il est en sécurité. Il me laisse alors l’approcher, et me laisse lui caresser tendrement la joue. Il m’a l’air tellement vulnérable et terrifié que ça me crève le cœur. J’aimerais pouvoir le rassurer et le réconforter mais je ne sais pas quoi lui dire. Je ne peux que l’attirer dans mes bras et lui caresser les cheveux. Alors que je le sers contre moi. Je le sens s’agripper à moi et plaquer sa tête contre ma poitrine. Je pose mon menton contre le sommet de sa tête et enroule mes bras autour de ses épaules, le serrant un peu plus contre moi. M’installant confortablement dans lit, je me mets à me balancer d’avant en arrière pour bercer Kalel et lui caresse doucement le dos. Je ne dis rien, ne pose aucune question. Je le sens s’apaiser dans mes bras. Il cesse de trembler, sa respiration devient plus profonde et il finit par s’endormir dans mes bras. Reposant la tête contre la sienne, je finis par fermer les yeux et m’endormir à mon tour, avec un millier de questions en tête.
***
Mon thé est froid. Je grimace et éloigne la tasse de mes lèvres, mais je la garde dans mes mains, reposant les coudes sur le comptoir. Kalel m’observe silencieusement, il hausse un sourcil mais rapidement, reporte son attention sur son assiette pleine de pancakes. Le miel n’a même pas le temps de couler qu’il en enfourne un entier dans sa bouche. Je grimace et l’observe, sans dire un mot, les yeux écarquillés. Aucun de nous deux ne parle, pourtant j’aurais bien mille questions à lui poser. Le nez plongé dans ses pancakes, Kalel ne me jette même pas un coup d’œil. Je tape frénétiquement mon pied sur le rebord de mon tabouret et continue de l’observer silencieusement, prenant mon mal en patience. J’attends… j’attends… Puis je soupire longuement et pose brusquement ma tasse sur le comptoir, renversant la moitié de mon thé sur la surface lisse et immaculée du comptoir. Kalel lève les yeux vers moi, surpris, et hausse les sourcils. Je le fusille du regard et attends une explication. Mais elle ne vient pas. Je sais pourtant qu’il lit dans mes pensées, il sait parfaitement ce que j’attends mais il fait semblant de ne pas comprendre. Mon pieds cogne plus fort contre ma chaise faisant grogner Kalel. « Allez, vas-y, énerve-toi, je n’attends que ça » … Je finis par perdre patience.
– Tu comptes me dire ce qu’il s’est passé hier soir ou je dois le deviner ?
Je croise les bras contre ma poitrine et plonge mon regard dans le sien, je ne lâcherai pas le morceau. Je penche la tête sur le côté et attends sa réponse. Il lève les yeux au ciel et se lève de son tabouret, son assiette vide dans les mains. L’air de rien, il dépose l’assiette dans l’évier et fait couler l’eau chaude. Il attrape une éponge, le liquide vaisselle et se met à laver son assiette. Je soupire bruyamment et fais claquer mes mains sur mes hanches. Il évite la conversation, je le vois bien. Je m’approche lentement de lui. Je le revois encore une fois, paniqué et tremblant de peur dans mes bras. Mon estomac se serre et je baisse les yeux. Je m’approche encore un peu, de sorte à coller ma poitrine contre son dos. J’enroule mes bras autour de son ventre mais il se fige. Il lâche l’assiette et agrippe fermement mes poignets. J’ai un hoquet de surprise mais je ne bouge pas. Ses mains se desserrent légèrement mais il ne relâche pas pour autant mes poignets. Il tourne la tête dans ma direction. Je vois ses mâchoires se serrer, ses yeux sont presque noirs. Il finit par libérer mes poignets et je laisse mes bras tomber mollement le long de mon corps. Il s’écarte d’un pas et contourne le comptoir, s’éloignant un peu plus de moi. Je baisse les yeux et pince les lèvres.
– Hier encore tu me demandais de te faire confiance… Comment veux-tu que j’y arrive si tu refuses de me parler… j’ai l’impression que toi-même tu ne me fais pas confiance.
Je relève le visage et l’observe un instant. Son regard reflète à la fois de la colère et une profonde peine.
Son assiette traine encore dans l’évier. J’attrape ma tasse à moitié remplie de mon thé froid et la pose dans l’évier. Je m’apprête à faire la vaisselle quand j’entends Kalel s’approcher de moi. A son tour, il vient plaquer son torse contre mon dos. Son menton vient se caler sur mon épaule gauche et ses lèvres déposent un doux et long baiser sur ma nuque. Il enroule alors ses bras autour de ma taille et me sers contre lui. Son souffle chaud me chatouille l’oreille gauche et je frissonne tandis qu’il me murmure.
– J’ai confiance en toi…
Il dépose un second baiser contre ma nuque et je souris. Je n’aurais peut-être pas de réponse aujourd’hui, mais elle finira bien par arriver. Tôt ou tard, il m’expliquera tout. Mais rapidement, mon sourire se fige. Je lâche ma tasse dans l’eau, nous éclaboussant au passage. Mon cœur s’accélère, ma respiration aussi et je me sens trembler. Kalel me tient plus fermement contre lui tandis que de nouvelles images défilent dans mon esprit.
Kalel me montre un jeune garçon, beaucoup trop jeune, pas plus de dix ans, se faire frapper par un homme vêtu de noir. Au vue de la ressemblance entre l’enfant et l’homme en noir, je dirais qu’il s’agit malheureusement d’un père et de son fils. L’homme lui assène une nouvelle gifle, plus violente que les précédentes. L’enfant tombe au sol, en criant de douleur. Son nez et sa lèvre inférieure se mettent à saigner, et il pose sa main tremblante sur sa joue. L’homme avance d’un pas, l’enfant tremble mais ne bouge pas. Son regard est baissé et perdu dans le vide. Le visage de son père est défiguré par la colère. Il semble complètement fou. Il s’approche lentement de l’enfant, l’observant de toute sa hauteur, puis l’attrape par le col. L’enfant se met à renifler, puis un sanglot jaillit de sa bouche, suivit d’une larme qui roule lentement le long de sa joue. Je reste là, immobile dans les bras de Kalel qui me sers toujours dans ses bras. Je ne dis rien, pas un son ne s’échappe de ma bouche et mon corps tremble de plus en plus violemment. L’homme grogne, l’enfant tremble. Il rugit d’une voix caverneuse :
– Je t’ai déjà dis de ne pas pleurer. S’il ne veut pas passer pour un faible, un prince ne doit ni pleurer, ni montrer quand il souffre.
Honteux, l’enfant retient ses larmes et baisse la tête. L’homme l’oblige à relever la tête. Son regard se durcit mais l’enfant ne tremble plus.
– L’amour de ta mère t’a rendu faible, tu fais peine à voir. Je te l’ai déjà dit, l’amour est une faiblesse, tâche de ne plus l’oublier.
L’enfant hoche la tête et la relève lentement, affrontant son père du regard.
– Oui père, je ne l’oublierai plus.
Les images s’effacent peu à peu. Je cligne rapidement des paupières, observant la vaisselle trainant dans l’évier. Kalel se détache lentement de moi, dénouant ses bras de mes hanches. D’une voix grave il me murmure.
– Tu sais à peu près tout maintenant. Peu de temps après la mort de ma mère, mon père à perdu toute joie de vivre, pour lui, l’amour n’était qu’une perte de temps et nous rendait faible. Il a tenté de me formater, de modifier ma perception des choses. Il me battait. A partir du moment où j’ai commencé à faire semblant, il ma formé pour devenir soldat. A ses yeux, je n’étais plus son fils. Je n’étais qu’un vulgaire pion pour lui.

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