Je regarde Sétus malgré tout avec tendresse.
Comment lui en vouloir, lui qui m’a soutenue enfant face à l’enfer, lui qui m’a pris dans ses bras lorsque je m’écroulais à cause des épreuves que m’imposait la vie pour grandir, pour comprendre ce qu’est la douleur, l’humiliation, le goût des larmes. Tout cela pour pouvoir aider dans l’ombre ceux qui croisaient mon chemin, pour aussi se soutenir mutuellement.
Il est mon ange gardien, celui qui me permit de ne jamais sombrer dans la folie. Je m’approche de lui et caresse ses naseaux avec une infinie douceur.
“Oui, je me suis enfin levée. Blue sait y faire !” Dis-je avec un petit sourire coquin. Pourtant ma voix se casse et de grosses larmes coulent sur mes joues.
Sétus souffle. Je sens son exaspération. Mes sanglots sont plus violents encore.
“Petite sorcière, tu as attendu trop longtemps pour revenir ! Ils te détruisent ! Tu absorbes leurs haines, leurs fiels, leurs nauséabondes certitudes et tu t’éteins !”
Je ne peux plus arrêter mes larmes. Je suis épuisée moralement, plus que physiquement. Je n’ai plus envie de retourner là-bas. J’ai juste envie… de rester ici, près de mes amis. La bulle emprisonnant Blue éclate. La fée se blottit contre ma joue, l’air penaud. Mes jambes ne me portent plus et je me laisse glisser sur le sol.
“Il était plus que temps que tu reviennes. Tes petits sont ici auprès de l’ancienne du village des Bonsitrolls. Ton Autre souffle aussi auprès du clan d’Alphéor.” M’explique Sétus avec un regard compatissant et tendre.
“Je ne veux pas y retourner… s’il te plait… je ne veux pas y retourner.” Ma voix est celle de cette petite fille que j’étais lorsque je l’ai vu la première fois, éreintée, désespérée.”Je n’aime pas la haine, la violence et ils ne sont plus que cela.”
Blue caresse ma joue et Sétus pose sa tête sur la mienne.
“Nous allons ramener en toi l’arc-en-ciel des rêves et la douceur de l’espoir.” Murmure à mon oreille la fée.
Je ferme les yeux sans dire un mot… Il est temps que je me reprenne en main et redécouvre mes mondes. Il est temps que j’efface de mon cœur et mon âme, la noirceur qu’ils m’ont insufflée.