Tori, une calamité, partie 2.
TORI
Basil était une chose très agaçante et je mettais dans un coin de ma tête de ne plus l’approcher ou ne serait-ce de ne pas lui adresser la parole. Alors que je rejoignais ma chambre, je tombais sur Clara. Comme quoi, le Destin voulait que nos chemins se croisent. Elle était penchée à l’une des fenêtres du quatrième étage, regardant avec attention le parc qui menait vers la ville.
— Clara.
L’Elfe sursauta alors.
— Tori ! Tu es bien matinale, sourit-elle en plaçant sa main blanche sur son cœur.
C’est alors que je remarquais la pâleur de sa peau, même Aiden le Vampire, était plus bronzé. Elle semblait être restée enfermée à l’intérieur depuis des années.
— Tu es la deuxième personne à me dire ça, dis-je en pensant à Basil.
— Tiens donc, ce petit con a toujours eu un temps d’avance sur moi, répondit-elle sans cacher l’affection qu’elle avait pour le Psychic.
Je me frottais les mains, mal à l’aise de ne pas savoir quoi lui répondre. En ce dimanche matin, Clara semblait mélancolique, zieutant l’extérieur avec un sourire qui n’atteignait pas ses yeux.
— Tu… Ça te dirait de faire une balade dans le parc ? Avec moi ?
Je me sentais un peu gauche. Je ne la connaissais pas, après tout, mais la voir dans un tel état me donnait envie de lui faire changer les idées. Clara se tourna alors vers moi et cette aura de nostalgie s’évapora aussi tôt.
— C’est gentil de proposer ma Belle, mais j’ai du travail.
Alors qu’elle posa son pied sur les marches pour rejoindre probablement sa tour, elle se figea et me dit :
— Une prochaine fois, peut-être.
Puis elle disparut vers le cinquième étage.
J’avais toujours eu un certain talent pour discerner les gens, ils s’ouvraient facilement à moi. Comme si je possédais un don pour qu’ils se sentent à l’aise avec ma personne et pourtant, Clara donnait l’image d’un énorme livre fermé à double tour. M’empêchant de lire à travers ses pages qui me semblaient être passionnantes. C’était aussi pour cette raison que je voulais la connaître plus intimement, tout savoir d’elle. Qu’avait-il en haut de cette tour ? Pourquoi y allait-elle si souvent ? Que regardait-elle derrière cette fenêtre avec autant d’envie ? Pourquoi semblait-elle si solitaire ?
Toutes ces questions se bousculaient dans mon esprit et je me promettais d’obtenir des réponses, un jour ou l’autre. Greg, et même Basil, avait mentionné que cette soif de connaissance était propre aux Démons et je ne pouvais qu’affirmer cette théorie. Plus j’en savais et plus j’en voulais. C’était bientôt au-delà de mon contrôle.
La dernière semaine des vacances se passa doucement et je fis plus ample connaissance avec certains élèves, même si je restais plus proche de Greg, mon Majeura. Qui, d’ailleurs, n’en finissait jamais de me raconter des anecdotes sur Ecclésia et le monde Surnaturel. C’était étonnant qu’il ne m’avait jamais envoyé bouler avec le nombre de question que je pouvais lui poser chaque jours. Aiden se moquait beaucoup de ce côté de mon caractère, sans oublier de marmonner un “Démon” à chaque fois que ça le lui rappelait. Mais il lui arrivait d’être drôle et je me surprenais de rire à ces blagues de mauvais goût ou de le voir se disputer avec Basil. Celui-ci ne s’embêtait plus à me parler. Parfois, nous nous croisions lorsque je courais le matin, mais il veillait toujours à attendre que je termine avant de se lancer à son tour sans un regard pour ma personne. Je ne me plaignais pas, après tout, c’était ce que je souhaitais. Néanmoins, cette façon qu’il avait de réagir avec moi me dérangeais. Parfois, je sentais son attention vers moi, mais le fait qu’il ne disait rien sur ce qu’il pensait me frustrais pas mal.
Le seul à être gentil avec moi était Gabriel, le Loup qui courait après sa chaussure ensorcelée. C’était un jeune homme de vingt-et-un ans qui venait de l’Illinois, non loin de Chicago. Il m’avait parlé de sa meute et de son père qui était un Dominant de celle-ci, un Gamma plus précisément : ceux qui éduquent et disciplinent les membres du clan. Gabriel avait alors pu m’expliquer la hiérarchie des meutes de Loups qui semblait stricte et indispensable pour la bonne cohésion du groupe. En premier lieu, il y avait les Loups soumis, qui étaient ceux qui devaient être protégés envers et contre tous par les Dominants. Le chef était l’Alpha : celui qui prenait les décisions pour le bien de sa meute ; venait ensuite l’Oméga : qui obéissait à l’Alpha et disposait de la discipline pour faire régner l’ordre et seconder l’Alpha ; puis la troisième position était celui du Gamma : celui qui veille sur les Loups soumis, ayant un certain flaire pour remarquer ce qui n’allait pas dans le groupe et capable de défendre le territoire. Gabriel m’avait rappelé que c’était les grandes lignes et ça n’avait que déclenché une volonté en moi d’en savoir plus. Lui demandant même de me faire visiter sa meute un jour, il avait rit en acceptant.
Je m’intégrais doucement mais sûrement, m’entendant avec un peu près tout le monde. Or, il subsistait une certaine méfiance d’Élise envers moi. Ne comprenant pas, j’avais demandé conseil à Greg et celui-ci m’avait affirmé qu’elle gardait une certaine jalousie à mon égard. J’en étais tellement honteuse que je n’avais plus approché Greg pendant une journée. Et je me motivais à avoir une discussion avec elle, pour lui certifier que je n’avais aucune intention envers son petit-ami.
C’était alors que nous nous retrouvions tous les six dans la Salle Principal, la veille de la rentrée, autour d’un verre. Les derniers premières année arriveraient demain matin pour suivre une journée d’initiation, où j’étais conviée.
— Comment vous faites pour trouver l’alcool ? Demandais-je.
La salle était un peu plus festive que d’habitude, les lumières étaient éteintes pour laisser place à un éclairage plus tamisée. Un groupe jouait des reprises de chansons vogues qui plaisaient à une majorité. C’était comme si les élèves profitaient de leur dernier jour de vacances avec empressement. C’était plutôt amusant.
— Il n’y a pas de majorité dans le monde Surnaturel, c’est la loi du plus fort, grogna Aiden en avalant un shot d’alcool qui m’était inconnu.
Il toussa et Basil ricana en lui tapant le dos. Gabriel leva les yeux au ciel.
— C’est vrai il n’y a pas de majorité, mais c’est aussi parce que le Conseil aurait trop de travail pour s’occuper de tous les enfants sans parents. Ils préfèrent les laisser se débrouiller. En tout cas, Madalena a interdit à tous les premières année de consommer des cigarettes, alcool, drogue et j’en passe, dans l’enceinte du lycée. Mais bon, c’est juste pour le geste, la sécurité de l’école est chaotique.
Le Loup haussa les épaules avant d’apporter son verre à ses lèvres.
— Ce sont souvent les Sorciers qui en font apparaître. Une élève plutôt douée, a créée une formule pour transformer l’eau en plusieurs alcools mais ça n’a pas le même goût. Ou sinon, ce sont les dernières années qui les achètent à l’extérieur, ajouta Greg alors qu’Élise était sur ses genoux.
— Quelle entraide ! M’exclamais-je en buvant à mon tour.
— Alors ? Pas trop stressée pour la rentrée l’Humaine ? Railla Aiden et j’avais tellement pris l’habitude qu’il m’appelle ainsi que je ne m’en rendis même pas compte.
Je lui souriais, l’alcool me rendait d’humeur joyeuse.
— Non, je me rassure en me disant qu’il y aura forcément des gens comme moi : totalement paumés.
Aiden se mit à rire, non par pas méchanceté, mais bien parce qu’il me trouvait drôle et alors, je compris que je commençais à lui plaire, et à ne pas juste être le Démon qu’il détestait.
— Il n’y a pas plus paumé que toi, Tori.
Je levais mon verre vers lui et répliquais :
— Je suis unique, il est vrai.
Le Vampire leva son verre à son tour en riant.
— À Tori, une calamité.
Alors que nous cognions nos verres, je ris à mon tour. L’auto dérision m’avait toujours fais rire, ne voulant rien prendre au sérieux, j’avais développé un sentiment parfois d’insouciance.
Nous terminions la soirée sur une note joyeuse et j’étais un peu pompette, comme quoi l’alcool chez les Surnaturels était beaucoup plus fort que chez les Humains. Basil m’avait totalement ignoré et ça avait eu le don de m’agacer, tellement que j’avais fait exprès de renverser mon verre sur son jean en espérant une réaction, mais rien. Il n’avait pas sourcillé, ne s’était même pas énervé.
Je m’endormais les idées embrumées par l’alcool, me rappelant que je devais envoyer de mes nouvelles à mes parents, mais me fichant du lendemain.
Ne pensant qu’à ce Psychic qui était un idiot complet.
Super!
Un idiot intéressant…