(je préviens : il y aura une description d’une scène un peu violente à la fin de ce chapitre mais rien de bien méchant)
Basil avait raison, partie 2.
TORI
La journée touchait à sa fin et j’avais hâte d’être à demain. Rien que pour apprendre toutes les choses dont j’ignorais l’existence et que je pensais n’être que de la fiction jusqu’ici. Ce n’était pas comme aller au lycée, je n’allais pas faire de la philosophie jusqu’au point de m’endormir ou des mathématiques pour me dérégler le cerveau. Non, j’allais découvrir le monde de la magie, du surnaturel. Quelque chose de jamais-vu, et de mystérieux. Comment Basil pouvait-il détester son monde, comment pouvait-on croire que toute cette beauté de ses espèces incroyable était malsaine ? Rien n’est tout noir ou tout blanc, mais je ne pouvais croire à tant de défaitisme de sa part. Il y avait quelque chose qui m’échappait chez cet homme, il est certain qu’il n’était pas commode et qu’il cachait probablement une part de lui qui était loin d’être bienveillante, mais il y avait autre chose. Quelque chose que je manquais, pourtant si proche.
Je rentrais dans la chambre et vis une tunique bleu nuit déposée sur mon lit, elle descendait jusqu’aux genoux, et des collants noirs opaques. Il y avait des traits noirs qui entouré les coutures de la tunique, notamment autour des manches, sur le col et sur le bout de la robe. Il devait y avoir une signification particulière, Élise en avait des rouges tandis que celle qui reposait sur le lit encore vaquant était orné de traits jaunes. Probablement significatif de l’espèce à qui la tunique appartenait.
Soudainement, la porte s’ouvrit et alors que je m’attendais à Élise, une jeune femme que je ne connaissais pas, fit son entrée. Elle avait la peau bronzée et des cheveux incroyablement frisés. Ses yeux jaunes perçant me fit comprendre qu’elle était un vampire. Lorsqu’elle me vit, plantée au milieu de la chambre, elle fronça ses sourcils.
— Qu’est-ce que tu fais dans ma chambre ? Me demanda-t-elle de but en blanc.
Je fis la moue, la politesse n’était pas une chose qu’elle connaissait.
— Bonjour, je suis Tori. Et c’est également ma chambre, avec Élise, qui ne devrait pas trop tarder à arriver.
— Oh. Salut, je suis Oswin, dit-elle avant de s’armer d’un mutisme implacable.
Je secouais la tête en pinçant les lèvres. En plus de l’impolitesse, elle semblait aimer le silence, pas que cela me déplaise, mais c’était plutôt embarrassant. Elle déballa ses affaires sans un mot. Ses gestes étaient rapides, cependant elle exceller dans l’art de la discrétion, j’avais l’impression d’être seule.
— Sinon, je viens de Chicago, et toi ?
Elle me lança un regard lourd de sens, elle ne semblait pas être encline à la discussion, bien.
— New-York.
— Je vois.
On ne pouvait pas faire plus gênant. Si Oswin avait pu construire un mur de pierre entre son côté de la chambre et le mien, elle l’aurait fait.
— C’est à toi, ça ?
Elle me tendit des enveloppes et je me précipitais dessus.
— Oui ! Ce sont des lettres, pour mes parents, précisais-je.
Elle haussa les sourcils, semi-intéressée.
— Elles étaient sur mon lit.
J’acquiesçais.
Cette conversation était stérile. Et je ne fis aucun effort pour alléger l’atmosphère, Élise sera meilleure dans ce domaine que moi.
D’ailleurs, je lui avais expliqué la veille que je n’avais aucune intention envers son cher et tendre et bien qu’elle avait peu confiance en moi au premier abord, j’avais remarqué son changement d’attitude. Si je l’avais rassuré, tant mieux. Je sais que l’on ne peut être apprécié de tout le monde, mais je n’aimais pas être pris pour ce que je ne suis pas. Légitime, j’étais bien capable de tout et n’importe quoi juste pour que la vérité éclate au grand jour.
Alors que la nuit était tombée, j’avais décidé de laisser Oswin seule pour poser deux trois questions à Clara. Elle connaissait Basil apparemment, elle pourrait sans problème, m’éclairer sur quelques points.
Les couloirs étaient calmes à cette heure-ci, je me rendis au dernier étage et toquai timidement sur la porte en bois qui se différenciait des autres, qui étaient plus modernes et épaisses. Aucune réponse, j’ouvrais doucement et l’escalier en colimaçon se dressa face à moi. Tandis que je grimpais doucement, chaque marche grinçait sous la force de mon poids et je ne crus jamais atteindre le haut.
— Tu en as mis du temps.
Clara était contre la porte, un petit sourire aux lèvres.
— Tu viens ?
Je rentrais alors sans un mot. La chambre de Clara était très personnalisée, tout avait une apparence très simple, a contrario du château entier. L’Elfe possédait un coin qui semblait être une petite cuisine, avec un lavabo où s’empilait des casseroles et des petites fioles vides. Des plantes de toutes les couleurs étaient suspendues un peu n’importe où et Clara les effleura du bout des doigts en passant. Une étrange odeur de fleurs et de thé fleuri embaumait l’espace.
— Assis-toi.
Ne voyant qu’un lit à une place, je m’installais dessus. Silencieuse. Elle me refila une tasse chaude entre les mains, je humais la douce odeur de fruits rouges qui en émanait.
— C’est du thé.
J’en bu une gorgée sans me brûler et fut étonnée par le si bon goût fruité.
— Tu n’es pas là pour rien, non ?
Je clignais des yeux, me rappelant de la raison de ma venue.
— Oui, je me posais certaines questions.
— Tu t’en poses beaucoup, même, ajouta-t-elle en souriant.
Elle s’était assisse sur une chaise en bois, soufflant au-dessus de sa tasse.
— C’est vrai, riais-je. Tu connais Basil, non ?
Clara fronça ses sourcils bleus. Elle avait détaché ses cheveux et ils tombaient au creux de son dos. C’était étrange, mais il avait cette couleur terne, comme s’ils se laissaient mourir.
— En effet.
— J’ai comme l’impression qu’il cache quelque chose, et puis il a cette façon de m’éviter comme la peste. Je pense que c’est de ma faute s’il agit ainsi, mais mon instinct me pousse à creuser un peu plus.
L’Elfe se mit alors à sourire.
— Basil est un solitaire, et il n’a pas un passé facile à porter. Je suis sûr qu’il te laissera l’approcher un jour ou l’autre, arme toi de patience.
Alors que Clara sourirait toujours, je me mis à rire. Elle pensait que j’étais intéressée par le Psychic.
— Mais je ne suis pas intéressée par Basil ! Enfin, si, mais pas de cette façon, je veux dire, c’est juste il est mystérieux, donc… Enfin, bref. J’arrête là parce que je m’enfonce, dis-je enfin en rendant les armes.
Clara éclata de rire et je me surpris à la voir réellement rire pour la première fois.
— Ce ne sont pas mes oignons ! Tu fais ce que tu veux ma Belle, aucun jugement dans cette pièce.
Elle leva haut les bras, et son chemisier aux manches bouffis retomba sur ses épaules, je ne vis que quelques secondes de nombreuses cicatrices qui barraient ses bras.
— Pourquoi ? Tu es la psychlogue de l’école ? Me moquais-je.
Elle se mit à ricaner.
— Je peux l’être, il faut bien que je me rende utile.
— En quelle année es-tu, Clara ?
Elle posa sa tasse et me regarda gravement. J’avais dit une bêtise ?
— Voyons, Tori ! Une jeune femme intelligente comme toi, je sais que tu es une Demesse et pour en avoir rencontré un, je sais que tu as plus d’un tour dans ton sac.
— Tu me mets au défi ?
— Exactement.
Un sourire fier apparut sur son visage pâle. Je n’avais apparemment pas le choix. Je me pris alors au jeu.
— Déjà, ça fait longtemps que tu n’es pas sortie. Et tu te le refuses, soit par obligation ou peut être par peur… Mais tu en as envie, je me trompe ?
— Continue.
— Tu ne parles pas a beaucoup de monde, à moins d’être complètement associable, tu dois être différente. De plus, tu vis ici, pas dans une chambre comme les élèves. Alors…
Elle rapprocha sa chaise, intéressée. J’aimais pas mal avoir son attention, alors je continuais.
— Alors, quoi ?
— Tu n’es pas élève, et ni professeure. Je ne t’ai pas vu ce matin.
— Bien joué, Tori. Je suis quoi alors ?
Je plissais les yeux en penchant la tête. Ces détails avait été facile à deviner, mais je n’avais aucun foutu idée de ce qu’elle était.
— Je ne sais pas, soufflais-je.
— Fais un effort. Tu es moitié Psychic, et ils sont capables de lire les pensées. Tu t’en souviens ?
Je hochais la tête, particulièrement attentive.
— Je te laisse piocher dans mon esprit. Attention, tu es la seule à avoir ce privilège, sourit-elle.
J’ouvris grand les yeux. Je n’avais jamais lu dans les pensées des gens. Je ne savais pas comment m’y prendre. Être Demesse ne voulait pas dire que j’avais toutes les caractéristiques des Psychics. Si ?
— Je… Ne sais pas comment faire, Clara. Je ne l’ai jamais fait, dis-je, un peu honteuse.
— Il y a une première fois à tous.
Clara semblait camper sur ses idées et je capitulais. Pourquoi ne pas essayer après tous.
Je posai ma tasse à mon tour. Je tentai alors de me concentrer en fermant les yeux, m’imaginant Clara, et son image, mais rien ne vint, même après cinq grosses minutes. Je commençais à taper du pied, jusqu’à ce que je sente une main sur mon genou pour me stopper. Je gardais les yeux fermés alors que sa douce voix s’éleva :
— Inspire un bon coup. Imagine-toi une toile. Nous sommes tous reliés, Tori, sache-le, et certain le sont plus que d’autre. Par des liens différents, que ça soit d’amitié, familiaux ou même d’amour. Mais il subsiste tout de même, un lien. Comme des neurones qui se connectent les unes entre elles et communiquent, l’univers est fait de matière qui ne forme qu’une seule et même cohésion, sinon tout s’écroule, tu comprends ? Alors, imagine-toi l’immense toile. Chaque chose communique entre elle, ne l’oublie jamais. Et même si infime est-il, il y a un lien entre toi et moi. Ne le vois-tu pas ? Ce minuscule fil ?
Elle me prit mes deux mains, et les installèrent sur ses deux tempes. Sous mes paupières clauses, je vis alors un fil noir qui brillait et vibrait doucement sous le son de la voix de l’Elfe, comme une corde de guitare. Je me mis à le suivre et la voix de Clara semblait être un chuchotis et lointaine dorénavant, comme si je m’éloignais :
— Suis ce fil. Je suis une Elfe punit.
J’ouvris les yeux.
« Punis pour avoir tué des innocents. Punis pour avoir agi à la place de Mère Nature. »
Les yeux grands ouverts, je vis alors qu’elle n’avait pas utilisé sa bouche pour parler. C’étaient ses pensées. Ces véritables pensées que j’entendais. Elles étaient bien réelles et s’élevaient dans ma tête. Ma respiration s’accéléra alors que des images se manifestèrent d’elles même dans mon esprit indépendamment de mon contrôle. C’était rapide, fugace, pourtant, je percevais chaque détail. Je tombais dans un trou pour finalement atterrir sur un sol doux mais humide, c’était de l’herbe.
Je vis alors une clairière, et une petite fille aux longs cheveux bleu qui était habillée d’une robe qui semblait dater d’ancien siècle. Elle était assisse en tailleur sur l’herbe fraîche, elle suspendait sa main au-dessus des brins tandis que des petites fleurs aux pétales blanches poussaient en un clin d’œil sous la magnifique magie de l’enfant. Je sentis alors le vent sur ma nuque, un long frisson naquit sur mes bras. C’était comme si j’y étais. Une voix plus adulte s’éleva, et des cris résonnèrent dans la clairière, autrefois paisible. Une cloche retenti. Un homme, planté en haut d’un clocher hurla soudainement :
— Fuyez ! Ils sont là !
Je me retournais, alors que la petite fille se mit debout, ne comprenant pas la situation.
Un petit village plus loin était en train de brûler. La fumée dense s’élevait dans les airs, cachant le ciel bleu. Les cris ne se tarirent pas et s’intensifièrent. Je me reculais, la peur me paralysant, je voulus retenir la fillette qui se précipita vers les maisons sous les flammes, mais elle me traversa comme l’on traverse un fantôme.
J’étais dans un souvenir. Un souvenir de Clara.
Je me mis à courir après elle, me rapprochant dangereusement du massacre. Les gens hurlaient et couraient dans tous les sens, le feu mangeait la plupart des bâtisses, et un filet de sang coulait le long des trottoirs pour se diriger vers les égouts. Mon cœur battait la chamade, l’adrénaline s’écoula dans mon corps et je vis un adolescent qui tentait de descendre par la fenêtre de sa maison en feu. Je perdis Clara des yeux alors que je me précipitais vers lui, mais une monstrueuse créature aux ailes énormes apparut des airs et sauta sur le jeune homme pour lui arracher les jambes jusqu’au bassin, faisant tomber ses organes au sol alors que son cri se transforma en gargouillis horrible se mêlant à ceux des autres. Il tomba sur les pavés, inerte et la créature se jeta sur ce qu’il restait du jeune homme pour le dévorer. J’eus la nausée et tombais sous l’effet du choc, certaines personnes n’hésitèrent pas à me marcher dessus sans hésitation, sous la panique.
Je me relevais difficilement, tournais sur moi même et vis Clara sous la masse de monde qui courait comme des rats piégés dans l’étau qui se resserrait, appâtant la soif des créatures. Elle appela sa mère, mais son cri se perdit dans le bruit monstrueux du massacre. Une odeur de sang et de fumée m’obstruait les poumons et mes yeux pleuraient, je les plissais en recouvrant ma bouche et mon nez de mon tee-shirt. Chaque respiration me brûlait la poitrine et j’avais un haut-le-cœur en voyant les cadavres d’hommes, de femmes, d’enfants en plusieurs morceaux qui jonchaient les rues. J’étais réellement là, je ressentais tous les sens, mais je ne pouvais rien faire. C’est alors qu’une créature atterrie face à moi, elle était gigantesque, ses ailes étaient immenses tandis que ses griffes étaient remplies de sang des villageois et d’organes humain déchirés en petit morceau. La créature ouvrit sa gueule puis hurla un son perçant, montrant ainsi ses crocs acérés où un liquide visqueux rouge, gouttait sur les pavés. Ses écailles noires comme les ténèbres, brillaient sous les flammes.
Elle sauta sur moi et je hurlais en plaçant mes deux bras sur mon visage par réflexe, mais comme Clara, la créature me passa dessus et se jeta sur un vieillard derrière moi. C’est alors qu’elle le mit à terre, et lui arracha les boyaux avec ses dents. Le sang gicla sur mon visage et je me figeais, malgré le tremblement de tout mon corps. Je n’arrivais plus à respirer, l’oxygène se faisait rare et je toussais. Je sentis quelqu’un me tirer ce fut l’explosion, je criais en me débattant de toute mes forces.
Je voulais partir d’ici.
Je voulais mourir, ou aider tous ces gens qui mourraient dans d’atroces souffrances.
Je ne voulais plus voir ces horreurs, sentir cette odeur de mort, ces créatures monstrueuses.
Je voulais m’enfuir.
C’était contradictoire, mais mon cerveau tournait à cent à l’heure. Et on me tirait, me kidnappait ?
— LÂCHEZ MOI ! hurlais-je à m’en casser la voix, de vrais larmes roulant sur mes joues.
— Tori ! Reviens !
J’entrais dans une maison encore intact et le décor changea brusquement. Le calme était revenu, mais ma respiration était toujours autant sifflante, j’avais l’impression d’encore sentir le sang sur mon visage, je toussais et tremblais comme une feuille. Je rendis ce que j’avais dans l’estomac sur le parquet, il se tordait dans tous les sens, comme mon cœur dans ma cage thoracique qui battait à m’en faire mal.
Il y avait les escaliers en colimaçon, l’école, Ecclésia. J’étais revenue. En sécurité.
— Tori, je suis désolée !
Clara m’entoura de ses bras et je sursautais. C’était elle qui m’avait ramené, elle m’avait sauvé.
— Je suis désolée. Pardonne-moi, tu n’aurais jamais dû voir ça.
Je ne répondis rien. C’était au-delà de tout ce que j’avais pu vivre de toute ma vie.
C’était le monde surnaturel comme l’avais décris Basil.
Je vais faire des cauchemars, voilà alien ou Van Helsing!
Bravo pour ce chapitre encore très dense et bien écrit.
ah j’ai prévenu ! merci beaucoup ! 🙂
J’ai beaucoup aimé. Même la scène pas si violente finalement. Je voyais le dragon de games of trônes…
merci beaucoup ! oui je trouve aussi mais on m’a fait la remarque un jour alors je préfère prévenir :))
Eh ben moi je suis traumatisé, demain je vais voir mon psy, ou ma mère.