Deux Joyaux Violets. Chapitre 11,1.

7 mins

Les malheurs de la magie, partie 1.

BASIL

— Tu écoutes ce que je te dis, Basil ?

 Adélaïde ne s’arrêtait jamais de parler. C’était infernal.

— Bien sûr que non, c’est tellement chiant.

 Ses yeux se révulsèrent comme si j’avais dit la plus grosse des bêtises. Adélaïde était le genre de femme à se consacrer corps et âme dans ce qu’elle faisait, et croyait. Elle était têtue comme une mule et agaçante à se la jouer miss Je-Sais-Tous. Surtout que c’était loin d’être le cas. Mais j’étais surtout un petit con prétentieux qui n’aimait pas écouter une autre personne trop longtemps.

— Le Conseil se méfie d’Enki Bailey, et c’est normal ! Il est jeune comparé aux Rohans d’Amérique du Nord. Réfléchis une seconde, me dit-elle me prenant légèrement de haut.

 Adélaïde pouvait paraître intelligente à première vue, mais elle ne faisait que recracher ce qu’elle lisait, voyait ou entendait, tel un automate. Et bien qu’au début, je m’efforçais de lui prouver par A plus B qu’elle avait tord ou qu’on lui avait menti, elle campait sur ses idées issues d’une propagande stupide. À s’en demander si Psychic était sa véritable espèce.

— Mais tu n’as pas pensé que le Conseil le déteste parce qu’Enki pratique une politique qu’ils n’adhèrent pas ? Rien que les libertés qu’il offre aux Sang-Mêlés les dérangent, ce sont des putains d’emmerdeurs, maugréais-je.

 Sa bouche s’ouvrit en grand. Et c’était reparti. Adélaïde se remit à couiner tout ce qu’on lui avait mis dans la cervelle sans s’arrêter, ni même respirer. Je ne l’écoutais même plus.

 Nous étions tous deux dans la bibliothèque d’Ecclésia. Sybille nous obligeait à travailler ensemble, étant les deux plus vieux Psychics de l’école, et ça avait le don de me casser les couilles. Je ne supportais pas Adélaïde, et son soutif sur le lustre était un petit avertissement pour qu’elle arrête de me coller aux basques. Ce qui avait fonctionné le temps des vacances d’été. Cependant, la rentrée m’avait rappelé à l’ordre et après deux mois de tranquillité, je devais aujourd’hui me coltiner une Psychic avec un haricot à la place de la cervelle.

— Non, mais tu sais quoi ? On va s’arrêter là pour aujourd’hui.

 Je pris alors mes affaires puis m’éclipsais en vitesse ne faisant pas attention à la mine choquée d’Adélaïde. C’était une bonne chose de faite.

 Je sortis de la bibliothèque, et croisais une horde d’élèves dans les couloirs. C’était le premier jour de la rentrée pour tout le monde, de quoi rendre euphorique certain, notamment la petite Demesse. C’était une vraie effrontée et je ne savais pas si ça m’agaçais ou m’amusais. Je tentais de l’éviter le plus possible, je ne voulais plus me lier d’amitié pour des gens que je quitterai dans moins d’un an. Cependant, mon petit doigt me disait que Tori allait me donner du fil à retordre si elle continuait à jouer les sangsues de cette façon. Elle était puissante, s’en rendait-elle compte ? Son énergie me faisait saliver à chaque fois qu’elle était dans les parages. C’était étrange son attitude qui mélangeait ses deux espèces : la sournoiserie des Psychics avec la hargne d’un Démon. Je me demandais bien pendant combien de temps je pourrais bien me tenir éloigné de ce petit bout de femme. J’avais envie de la tester, voir de quoi elle était capable. C’était une curiosité malsaine, mais qui avait dit que j’étais un homme sain ? J’étais un Maudit, j’allais bientôt y passer, alors pourquoi ne pas s’amuser ?

Madalena avait été catégorique avec nous, nous ne devions pas la brusquer. C’était comme tendre une bouteille d’alcool à un alcoolique repenti, je ne voulais pas faire dans la douceur, je n’étais pas gentil, et loin d’être patient. Je voulais le faire à ma façon, en fonçant dans le tas. Ça avait toujours fonctionné en vingt-et-un ans d’existence.

 Je rentrai dans la salle Principale, c’était toujours étonnant le contraste de l’ambiance scolaire à celui des vacances. La salle était presque vide, quelques élèves étaient assis sur les chaises, souvent seuls et plongés dans leurs affaires. Une nouvelle était suspendue au-dessus d’une armoire, ses jambes hâlées se balançaient dans le vide alors qu’elle lisait un livre. Ses yeux jaunes m’apprirent qu’elle était un Vampire.

— Basil !

 Élise me fit signe alors que je m’installais à côté de la Louve. Elle écrivait un devoir d’aide à la Symbiose. Elle avait rassemblé ses cheveux blonds dans un chignon désordonné.

— Tu n’as pas vu Greg ? Me demanda-t-elle.

— Tu me parles toujours de lui quand je suis là, je ne sais vraiment pas comment le prendre, Élise.

 Elle se mit à sourire en secouant la tête.

— Excuse-moi, c’est juste… Je deviens folle depuis que je le sais Majeura et Tori est… Plutôt mignonne et proche de lui.

— Tu es jalouse ? Me moquais-je.

 Élise me donna un coup dans l’épaule qui fit vibrer mon corps. C’est qu’elle faisait mal.

— Ferme-là. Je ne le suis qu’un peu et elle a dû s’en rendre compte puisqu’elle m’en a parlé. Je m’en veux mais c’est instinctif.

 Tori et Greg. Je ricanais de l’image qui venait dans mon esprit et l’envoyais à Élise pour l’embêter.

— Arrête ça ! Sale con, elle plaqua ses deux mains sur ses tempes et j’arrêtais en éclatant de rire.

 C’était sans doute un de mes dons que j’affectionnais le plus, contrôler les esprits. Je n’étais pas un professionnel, mais je me débrouillais dans ce domaine.

— J’ai à chaque fois l’impression que ma tête fond quand tu fais ça, les Psychics sont la pire des espèces, maugréa-t-elle, grognon.

— Et vous êtes la meilleure, c’est ça ?

— Evidemment ! S’écria-t-elle en pointant son stylo vers moi. Casse-toi d’ici maintenant, abruti de Psychic, je dois réviser.

 Je souris en lui faisant un salut militaire.

— À vos ordres, madame.

 Je me rendis à mon cours d’Histoire spécialisée où Sybille commença le premier chapitre du programme : les enjeux du conflit de la Nuit Neuve depuis le XVIe siècle. Ça semblait intéressant dis ainsi, mais ça commençais à me les briser de le faire chaque année, ce massacre n’avait plus aucun secret pour moi.

En effet, La Nuit Neuve était le nom que l’on avait donné lors d’une nuit de massacre en 1590 qui opposait toutes les espèces confondues. En réalité, c’était plus complexe. Le terme “Neuf” fait référence au renouveau qu’elle a engendré au sein de la communauté surnaturel. Avant que le Conseil ne fut créé, et donc les Rohans des pays au début du XVIe siècle, le monde Surnaturel n’était pas dirigé convenablement et c’était l’anarchie pour tous et par tous. Cependant, un roi despote qui était fervent de toute forme de torture, régnait de façon arbitraire et le peuple était de plus en plus révolté. Ce roi était un Démon. Les conflits ont évolué au cours du siècle et des alliances se sont créées, des batailles ont éclatées. Ce fut le siècle au symbole de la mort et du chaos. C’est lors d’une nuit de 1590 que le pays tenta de renverser le roi, fut suivit d’une hécatombe dans toutes les espèces, mais notamment les Psychics et Démons qui se détestaient depuis la Nuit des Temps. Le Roi fut vaincu et une république bancale fut construite. Bien sûr, plusieurs tueries et abominations n’ont jamais été véritablement abolies, mais La Nuit Neuve est ce qui a conçu cette haine qu’ont les autres espèces pour les Démons. Ils se sont alors caché à Rowenam, un endroit pour les Démons, illisible sur une carte basique. Il existait encore des Surnaturels nés dans les années 1500 et je pensais notamment à Alba et Amadéon, les deux Rohans du Mexique et des États-Unis. Ils n’étaient que des enfants lors du massacre, néanmoins j’ai toujours voulu les rencontrer, pour avoir leur version des choses. J’avais déjà rencontré Enki, le Rohan du Canada et nous avions plutôt bien sympathisé, alors pourquoi ne pas continuer sur cette lancée.

Après trois heures d’Histoire, la journée touchait à sa fin, il ne me restait qu’un cours d’une heure d’apprentissage spécialisé sur la télékinésie, mais je décidai de ne pas y aller. Je me rendis chez Clara à la place. Enfin, dans la chambre de Clara. Je savais qu’elle faisait copine-copine avec la petite Demesse.

— Je ne pensais pas que tu viendrais à cette heure-ci. Tu n’es pas censé avoir cours ? S’étonna-t-elle à moitié en me voyant escalader l’escalier en colimaçon.

— Je me prends une petite pause.

— Le premier jour de la rentrée ? La jeunesse de nos jours est fainéante.

 Elle rentra et je levai les yeux au ciel en la suivant. Je m’affalais dans son lit tandis qu’elle sortit une tasse de son placard qui manquait de s’écrouler. Clara aimait bien faire ses petites expériences dans son placard à balais, il fallait dire qu’elle s’ennuyait pas mal enfermée ainsi, vivant complètement en autarcie avec ce qu’elle pouvait faire avec ses pouvoirs, car oui, elle en avait perdue beaucoup en se coupant de Mère Nature. Il ne restait que quelques plantes qu’elle faisait pousser dans la pièce et qui l’aidaient à ne pas devenir folle.

— Clara, tu comptes sortir de ta tour aujourd’hui ?

— Non, pas aujourd’hui, Basil.

 C’était une sorte de jeu, à chaque fois que je venais la voir, je lui demandais si elle allait sortir, évidemment, l’Elfe me répondait toujours par la négation.

— Dommage, il fait beau. Alors tu as sympathisé avec l’ennemi ?

 Clara se mit à rire.

— Si tu parles de Tori, tu es un idiot.

— Pourquoi tous le monde me dit ça aujourd’hui. Clara, ça me fend le cœur !

 Je fis mine d’être triste et elle me tapa le front en se marrant.

— Tori est très gentille. Et je crois, c’est une des seules personne qui me supporte vraiment dans cette école, me dit-elle en versant l’eau bouillante dans une tasse.

— Et moi ?

— Ce n’est pas pareil, toi.

 Elle me tendit une tasse de thé qui était toujours aussi délicieux. Elle m’avait révélé un jour qu’il s’agissait d’une recette de son arrière-arrière-grand-mère qui était décédée il y a peu alors qu’elle avoisinait les mille ans. Ça m’avait parut incroyable.

— Elle a dormi ici cette nuit, d’ailleurs, dit l’Elfe tout d’un coup en baissant la tête.

 Je sentis le sentiment de honte qui l’enivrais comme si c’était la mienne. Je le voyais tellement, il était fort, comme une aura foncé, vibrant autour de Clara. Je fronçais les sourcils en posant ma tasse. Elle se triturait ses doigts, mal à l’aise.

— Pourquoi ?

— J’ai peut-être fait une bêtise. Je lui ai ouvert mon esprit pour qu’elle s’entraîne à lire dans les pensées.

— Alors que tu ne veux pas que j’y aille moi ! M’exclamais-je, un peu jaloux.

— C’est qu’il y a une raison, Basil, se mit-elle à me gronder comme un enfant. Il y a des choses que tu ne dois pas voir. Et je ne pensais pas qu’elle en était capable si rapidement, mais elle a vu ces choses. Mais c’est différent de toi, je n’arrivais pas à la faire revenir, c’est comme si elle les vivait et je n’arrivais pas à arrêter ça. Je me sens très mal.

 Ça se voyait. Je ne savais pas quoi dire, ne sachant pas ce qu’elle avait pu voir, mais c’était assez traumatisant pour que Clara perde son sang-froid.

— Elle a réussi à dormir parce que je lui ai fait une infusion à la Mélisse et Valériane.

— Elle est partie en cours ce matin ?

 Clara hocha la tête.

— J’irai lui parler.

— Merci, et ne l’embête pas trop.

 Je ricanais et bu le délicieux thé de Clara.

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2 Commentaires
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bbbbbbb ccccccccccccc
bbbbbbb ccccccccccccc
2 années il y a

J’ai pensé au massacre de la Saint-Barthélemy!

Galindo Gaëlle
2 années il y a

La suuiiiiite !

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