Ce qu’est devenue Sue, partie 2.
TORI
Malgré l’heure tardive, les couloirs et autres salles en tout genre étaient éclairés, je n’imaginais pas la facture d’électricité. Je me rendais à l’étage dont Enki avait fait la visite, celui qui avait été interdit à moins « que vous préfériez défier la mort ». Bon, je ne voulais pas défier la mort mais j’étais certaine que des livres en papier n’allaient pas m’assassiner. C’est dans ces moments que je regrettais la présence de Basil, nous étions les rois des coups fourrés, il aurait rendu cela amusant. De plus, une paire d’yeux de génie m’aurait été utile dans cette masse d’information.
Dès mon entrée, je fus bouche bée. Je l’avais déjà visité et pourtant, ma fascination était intacte envers cette salle. Le plafond était haut, peint d’une magnifique fresque mais qui avait perdu de ses couleurs, plusieurs rangée de livres s’organisaient dans la longueur sur deux étages, il fallait monter un escalier en colimaçon pour atteindre l’étage du dessus, tandis que des longues tables remplissaient la deuxième moitié de la surface de la bibliothèque. La lumière semblait faible et fragile, comme la lueur d’une bougie. Je ne savais pas par où commencer. Certaines indications me montraient la voie, les différentes espèces étaient rangées par catégories, la dernière attisa ma curiosité.
— Dragonniers ? Murmurais-je pour moi-même.
— C’est une vieille espèce, elle a disparu.
Je hurlais presque lorsque la voix d’Enki parut comme un coup de tonnerre face au silence qui m’accompagnait depuis plusieurs minutes.
Je n’avais même pas senti sa présence. Incroyable.
— Je suis désolée, je ne devrais pas être ici, m’empressais-je de justifier.
Un léger rire résonna dans la bibliothèque, c’était le sien.
— Ça m’est égale, je voulais juste vous faire un peu peur avec cette interdiction puérile. J’ai reçu ton message devant la salle, tu es une puissante Demesse, tu sais.
— Oh, c’est gentil, répondis-je, quelque peu mal à l’aise.
— Comment t’appelle-tu ? J’ai l’impression de t’avoir déjà vu.
Enki fronçais les sourcils, en analysant mon visage.
— Tori Blake.
— C’est drôle, ma mémoire n’est pas si mauvaise généralement.
Il semblait réellement se débattre face à un trou de mémoire, c’était amusant.
— Pouvez-vous m’aider ? Je me lançais alors. Je recherche des informations sur les Démons, je n’en trouve pas à Ecclésia.
— C’est pour ça que tu es ici. J’adorais t’aider, mais cette bibliothèque est en désordre, prend ce que tu veux avant ton retour.
Enki était encore habillé sobrement. Un jean noir avec une chemise du même coloris. Il était plutôt petit, mais cela n’enlevait rien à son charme. De plus, il avait l’allure d’un homme dans la trentaine, ce qui était fascinant lorsque l’on savait qu’il avait en réalité presque un siècle. Parfois, j’y réfléchissais, moi aussi, j’allais vivre durant plusieurs siècles ? La vie des Humains était-elle trop courte ou était-ce celle des Surnaturels qui s’éternisait trop ?
Alors qu’il était sur le point de sortir, je l’interpellais.
— Vous savez ce que je suis. Et ce que sont mes parents. Je suis à leur recherche.
Je me triturais les mains, je ne connaissais pas Enki, et pourtant, j’allais lui demander des choses personnelles. Le Sorcier, Amael, m’avait bien aidé sur ce coup-là, et j’ignorais d’ailleurs d’où venaient toutes ces informations. À l’origine, je ne voulais que le questionner sur les Démons mais Amael avait suscité ma curiosité.
Qui ne tente rien n’a rien.
Il se rapprocha en contournant les tables.
— J’ai appris le sort de votre sœur, j’en suis navrée.
Le visage d’Enki était étrange, aucune émotion ne transperçait son masque parfait de gentil Rohan. Il retenait même celle que je pouvais ressentir.
Il attendit patiemment que je termine.
— Vous a-t-elle dit où se trouve Rowenam ? Avant sa mort ?
Il semblait alors déçu et une vague d’émotion me coupa le souffle tant qu’elle déferla. Comme s’il avait brisé un gigantesque barrage. Il était déçu, mais aussi en colère.
— C’est drôle, tu me rappelle les Conseillers qui m’ont questionné dès que le corps de Sue a été découvert, pas loin d’Ottawa.
Sa remarque me mit mal à l’aise, j’imaginais les membres du Conseil sauter sur l’occasion pour découvrir l’emplacement de Rowenam dès la mort de Sue, ça n’avait pas dû être facile à vivre pour Enki.
— Sue a découvert Rowenam, en effet. Elle y a aussi découvert l’amour. Ça a été son erreur, mais je ne pense pas qu’elle la regrette.
— J’aimerais y aller, répondis-je alors.
Et c’était vrai. Mes yeux violets me protégeraient, je voulais seulement y jeter un coup d’œil et questionner la population. Pas seulement sur mes parents mais sur la vie des habitants, ainsi que leur vision propre du conflit. Je semblais naïve, mais c’était une idée qui mettait du temps à mettre en œuvre et la première chose à faire était de me rendre sur place. J’avais également besoin de complice.
Le visage d’Enki se ferma. J’avais dit quelque chose qui ne fallait pas.
— Moi aussi, mais ce n’est pas si facile. Tu n’es pas de taille.
— Je sais qu’ils laissent seulement entrer les Démons, mais j’ai les yeux violets, je pourrais m’infiltrer. Et je pourrais trouver des réponses ! Ce n’est pas ce que vous voulez ?
— Tu ne sais pas ce que je veux. Mais envoyer une fillette à l’abattoir n’est pas dans mes objectifs de vie, en effet.
Une tension négative flottait entre nous. Nos conditions de Psychic n’aidaient pas à la maîtrise des émotions, sa colère se reflétait et je me sentais en colère à mon tour, le jeu pouvait difficilement se calmer.
— Je sais que vous voulez amener la paix dans ce monde, évitez à nouveau tous les drames qui se sont produits pendant des millénaires, Sue a fait partie de ces drames. Ma génération et la vôtre sont celles qui se doivent de changer les choses.
Enki fronçait les sourcils en levant les yeux vers le lustre, une fine pellicule de glace avait fait éteindre les bougies, j’en étais pour quelque chose.
— Écoutes, le conflit entre les Démons et le reste du monde est vieux et il s’enracine dans un passé complexe, mais que personne ne peut balayer du revers de la main. Tu es optimiste et c’est beau, mais les changements prennent du temps. On ne vit pas des centaines d’années pour aucune raison, Tori.
Il tentait de me calmer, mais j’étais réellement en colère. J’avais eu foi en lui, ne voulait-il pas ramener la paix ? N’étions-nous pas complices ?
— Si, nous pouvons l’être Tori, me répondit-il en lisant dans mes pensées, mais je préfère que tu finisses tes études et que tu acquiers de l’expérience, je ne veux pas que tu termines comme Sue. L’avenir de ce monde ne devrait pas être ta responsabilité.
J’eus un mouvement de recul.
— J’ai déjà vu ce regard chez ma sœur, elle était altruiste et magnifique dans tout ce qu’elle entreprenait, elle fantasmait sur un monde meilleur, elle pensait pouvoir changer les choses par la simple force de sa conviction. Mais cela s’est terminé cruellement car ce monde ne fait pas cadeau, et je préfère que tu vives longtemps avant de mourir bêtement à ton tour.
Sue était proche du but, j’en étais certaine, mais avait-elle reçu l’aide de son frère ? Probablement pas, car elle était morte seule.
— Je veux juste apprendre la vérité.
— Nous la connaissons jamais vraiment. Il y a des indices et des rumeurs, mais jamais rien de véridique. C’est ainsi que va la vie.
— Mes parents sont morts c’est ça ? Ne pus-je m’empêcher d’ajouter.
Cela coulait de sens, comment un tel couple aurait pu survivre face au reste du monde qui les méprisait. Si Sue en avait payé les frais, qu’en était-il pour mes parents ?
— Il y a des chances, Rowenam et le Conseil en ont peur, ils ont toujours été traqués dans le but d’être éliminés. Les couples entre différentes espèces ne sont pas fait pour durer. Mais nous changerons ça, dans plusieurs centaines d’années, je te le promets. Un jour, ta famille sera accepté. Mais agir de façon irréfléchi comme tu veux le faire n’est pas la bonne solution.
— Vous êtes un politicien, un beau-parleur, ricanais-je devant sa fausse bonne volonté.
Enki haussa les épaules.
— Certes, mais tu n’as pas d’autre choix que d’y croire.
— Vous avez dit la même chose à Sue ?
Cette phrase eu le don de hérisser le poil d’Enki. Il s’éloigna de moi, j’avais atteint ces limites.
— Vous avez raison, je suis peut-être jeune et ignorante, mais j’espérais votre aide, ce que Sue n’a sûrement pas profité si vous lui avez servi le même discours démoralisateur. Je comprend mieux pourquoi le Conseil vous garde sous le coude.
Il se leva, se contenant du mieux possible. Je me fichais bien de le froisser, je m’attendais à ce qu’il me met en garde, mais pas à ce qu’il me berce avec des belles paroles.
— Je pense t’avoir tout dit, je ne peux rien pour toi. Si tu veux y aller, c’est ton choix, mais je t’aurais prévenu. Dit-toi qu’ils se sont caché, c’est bien pour une raison.
Enki Bailey quitta la bibliothèque sans un regard en arrière.
Enki me fait penser à Magnus dans shadow Hunter. Je sais pas pourquoi je l’imagine comme ça..
Jeunesse et imprudence.
Enki est de bon conseil (passe ton bac d’abord hihi!).
ouah j’ai lu le tome 1 il y a des années, tu m’as fait remonté un vieux souvenir Gaëlle 🙂 et oui Enki est assez sage mais la parlotte c’est beau, nous on veut des actes maintenant ! :’)