Deux Joyaux Violets. Chapitre 20,1.

7 mins

C’était ainsi, partie 1. 

TORI

J’aimais les surprises. C’était ce que je préférais lors de mes anniversaires. J’étais sacrément déçue lorsque l’on me demandait de choisir ce que je voulais. Bien qu’ayant une idée en tête, je me fichais pas mal de recevoir autre chose, je voulais surtout être surprise, déballer et arracher le papier cadeau, deviner rien qu’avec la forme. C’était grisant, j’adorais cela. Bien sûr, le risque des surprises était les mauvaises surprises. C’était un passage obligé vers la bonne surprise, il fallait suivre les règles du jeu.

 Cependant, certaines surprises pouvaient détruire des vies, affecter l’existence de manière indélébile, causer des dégâts irréparables. C’était le genre de surprise que l’on voulait éviter, les surprises qui devenaient des tragédies. Je voulais les éviter, au maximum, surtout si elle me concernait. Malheureusement, la vérité trouvait toujours un chemin. Il n’y avait pas d’échappatoire, et douze ans après, elle m’avait enfin attrapé, j’ai été surprise par la vérité.

 J’avais souvent affiché un masque d’éternelle amnésique. Je l’étais, bien évidemment, mais ne me donnais jamais vraiment la peine de chercher plus loin. J’avais peur de voir des choses qui me briseraient le cœur à nouveau, de vivre ces événements tragiques à nouveau. D’après Basil, il s’agissait du Psychic qui contrôlait mes souvenirs, il m’empêchait d’y penser. Néanmoins, je savais que j’y étais pour quelque chose. Mes pensées étaient aussi les miennes avant d’être celles d’un inconnu. Cette situation m’arrangeait, au final.

 Ne jamais se souvenir des moments douloureux étaient le rêve de beaucoup de monde. Et j’avais l’opportunité de choisir.

« ― Jacob Guera et Sue Bailey »

 Je pensais d’abord à Enki. Mais je me demandais aussi s’il savait. Il n’en avait pas l’air lorsque je l’avais rencontré mais j’avais de quoi douter. Après tous, les gens étaient capables des meilleures manipulations lorsque leurs convictions étaient en jeu. Il avait caché une bonne partie de l’histoire de sa sœur, et malgré le fait qu’elle soit ma mère biologique, je n’avais pas accès aux informations importantes. C’était ainsi.

 Ensuite, je pensais à mes rêves. Mes rêves si abominables. Sue Bailey était une Psychic extrêmement douée, elle aurait pu vivre plus longtemps, arranger beaucoup de chose, elle aurait été meilleure que moi. Elle a malheureusement été tuée, sous les yeux de Clarisse Guera, sa fille.

 Je savais beaucoup de choses, trop de choses. Mais Basil disait qu’il pouvait les « déterrer ». Fallait-il vraiment le faire ? Je voulais prendre mon temps, pourquoi ne pas attendre ?

― Tu n’es pas sérieux ? La voix de Clara me parut lointaine.

 Je ne suivais plus vraiment la situation.

― Malheureusement, oui. Il faut juste que je fouille ses souvenirs, ça prendra quelques heures mais c’est possible. J’ai déjà vu ma sœur faire, dit alors Basil, sûr de lui.

― C’est obligé ?

 Je ne savais pas si j’avais pensé ou parlé à voix haute. C’était étrange.

― Non, bien sûr que non, Tori, tu as le droit de prendre ton temps, m’explique alors Clara.

― Quoi ? Mais c’est idiot, autant y aller ce soir, pourquoi attendre ? S’emporta le Psychic.

― Mais tu l’as vu, Basil ? Elle est exténuée et je pense qu’elle a appris assez de choses aujourd’hui. Laisse-lui le temps de digérer tout ça.

 Basil n’était pas d’accord avec l’Elfe. Il était surtout curieux, il voulait sonder mes souvenirs.

― Comme vous voulez, abdiqua-t-il en se levant.

 C’est alors que je sentis comme un froid sur mon visage, ses mains étaient partis.

 Il prit ses affaires et nous souhaita une bonne nuit avant de sortir de la chambre de Clara. Je la regardais alors, un peu honteuse d’être lâche. Clara me sourit, l’air peinée. Sa main caressait doucement mes cheveux.

― D’après ce que j’ai compris, le contrôle du Psychic devient de plus en plus faible car cela date de plusieurs années. Ton subconscient récupère petit à petit tes souvenirs les plus vivaces durant tes rêves, tu as donc l’impression de te souvenir de tes rêves, mais c’est en réalité de véritable souvenir dont tu te souviens. Tu n’auras pas besoin de Basil, je pense que c’est une mauvaise façon de faire. Autant patienter et laisser faire tes rêves, tu es d’accord ?

 J’inspirais à bon coup avant de hocher la tête. Oui, j’étais lâche, il est vrai, mais c’était ainsi.

 La neige tombait doucement dans le jardin des Elfes. J’étais triste de voir des magnifiques fleurs se faire recouvrir de ce manteau blanc. L’hiver s’installait et c’étaient bientôt les vacances de Noël à Ecclésia. Il s’était passé deux mois depuis la découverte de Basil. Nous n’avions plus jamais remis le sujet sur la table, c’était un tabou vivace dans mon esprit, et je le sentais aussi chez Basil. Il respectait pourtant mon choix, avec beaucoup de mal, certes, mais il y arrivait.

 Quant à Gabriel, c’était une tout autre affaire. Il était revenu, plusieurs fois, je ne comprenais pas l’engouement qu’il avait à flirter de cette manière. Je n’arrivais pas à saisir, mais j’avais peur de tomber dans le panneau. Il ne nous aidait pas. Je voulais une véritable relation, pas d’amourette discrète, je n’avais plus quinze ans.

 C’était compliqué de lui résister, il était fort.

« ― Je sais à quoi tu penses ? Me minauda-t-il.

 Nous étions dans sa chambre. Il m’avait proposé de réviser avec Greg et Basil. Bien sûr, il n’y avait que lui dans cette chambre à l’heure où nous parlions.

― C’est moi qui lis dans les pensées ici, riais-je.

 Je me mis en tailleur sur le sol, au bout de son lit. Gabriel était beau, il s’était assis sur sa chaise de bureau qu’il avait placé à l’envers de sorte à ce que ses jambes encadrent le dossier. Son menton y était posé. Il replaça ses lunettes et affirma :

― Tu ne le fais pourtant jamais, quelque chose t’y empêches ?

― J’estime que c’est malhonnête de te soutirer tes pensées sans ton consentement. Et puis, tu es une personne qui m’importe, ce n’est pas comme si tu étais un inconnu.

― Je t’importe ?

 Il me taquinait ? Je ne savais pas vraiment, mais je souriais bêtement en secouant la tête. Évidemment qu’il m’importait. Au vu de mon expression, il pouffa.

― Je t’autorise, à y aller.

 Je fronçais alors les sourcils.

― Je ne veux pas, si tu veux me les faire partager tu n’as qu’à les exprimer. »

 Je savais qu’il ne parlait jamais de lui, surtout de ses sentiments. Mais j’étais fatiguée de les chercher par moi-même. Gabriel était ainsi, un éternel indécis qui n’arrivait pas à s’exprimer. C’était quelque chose d’extrêmement toxique au sein d’un couple, et malgré l’affection que je pourrais lui apporter, cette mauvaise facette de lui me rappelait à l’ordre. C’était une perte de temps. S’ajoute à cela la pression de sa meute et ce qu’ils attendaient de lui. Je pouvais comprendre son trouble, Gabriel avait des responsabilités qui n’étaient pas issues de ses choix, et ce n’était pas un gage de prospérité. C’était ainsi.

 Il y avait eu des baisers, des caresses et des paroles bancales, mais rien n’était véritables, tous dans la précipitation, comme s’il allait me toucher pour la dernière fois. Cela ne m’allait pas, il fallait que j’y mette fin.

 Je m’emmitouflais dans mon écharpe, j’étais bien la seule aliénée à rester sur un banc à moitié gelé en plein hiver, mais malgré le froid, j’aimais cette atmosphère. Je m’amusais à créer des figures de glace dans la neige, les flocons m’aidaient à me concentrer, mes créations étaient de plus en plus précises, je m’améliorais. Cela faisait plusieurs semaines que j’avais réussi à faire léviter le stylo de Basil, j’étais même plutôt douée. Ce n’était pas mon domaine de prédilection néanmoins, j’excellais dans le Démonisme, et dans la télépathie. Basil m’aidait beaucoup à vrai dire, nous discutions pour la plupart du temps par la pensée, c’était devenu un réflexe. Il fallait avouer que nos esprits étaient compatibles à ce genre d’activité, je pouvais faire autant de choses aisément qu’avec Basil. Sibylle abordait en ce moment le contrôle de l’émotion maîtresse, c’était quelque chose de plus subtile, et il fallait tout d’abord trouver la nôtre. Les émotions maîtresses étaient une notion qui était assez mal documenté. Chacun en avait une, mais il était préférable de ne pas la dévoiler. Elle pouvait être liée à de nombreux vecteurs, et changer au fil du temps. Je ne connaissais pas encore la mienne et je m’en passais bien pour le moment. Sibylle nous avait bien sûr expliqué qu’il n’était pas important de ne pas la connaître, du moment où nous n’avions pas besoin de nous défendre contre une mort imminente, car c’est seulement dans ces cas là, où elle sera indispensable.

 Après avoir connu les noms de mes parents, j’avais arrêté de poser des questions sur les Démons. Je m’étais quelque peu refermée sur moi-même, mais je me rassurais en me disant que c’était pour mieux revenir, j’avais besoin d’une pause. Les vacances d’hiver tombaient à pic. Je n’allais pas rentrer pour Noël, mes parents étaient parti en France pour la semaine. Ce que je comprenais, ma mère voulait voir sa famille et m’y emmener aurai demander trop d’organisation. J’avais refusé, malgré leur invitation. Puis je n’allais pas être seule, Basil, Aiden et Oswin restaient également. Je savais que la Vampire n’avait pas les moyens de faire un aller-retour vers New York, quant aux garçons, Ecclésia était leur seule maison.

 Le bruit de pas sur la neige me sortit de ma rêverie. Je reconnus l’énergie d’un certain Psychic.

― Tu t’améliores à ce que je vois.

 Il s’installa près de moi, en veillant à bien fermer sa veste qui ne paraissait pas bien chaude. Je haussais les épaules.

― On peut dire ça.

 Je levai ma main pour créer une tour de glace, j’allais au plus haut dont je pouvais mais n’arrivais pas à aller à plus de dix mètres de haut. Elle était très droite et lisse, finissant par un pic, j’aimais les faire si précises.

― Je ne peux pas faire mieux.

 Basil se mit à rire alors et je fus surprise de le voir étonné.

― C’est assez impressionnant ! Je veux dire, tu as commencé à apprendre il y a à peine quatre mois. Je connais des Démons qui n’arrivaient pas être si précis alors qu’ils étaient âgé d’une vingtaine d’année.

― Tu as connu des Démons ?

 Il tourna son visage vers moi. Son nez avait rougi à cause du froid, il semblait avoir perdu des couleurs ces derniers temps, rendant ses grains de beauté si nombreux, plus voyant. J’osais parfois m’aventurer dans sa tête, et ce que je ressentais me mettais mal à l’aise. J’avais l’impression qu’il n’était pas tout seul.

― Oui. La plupart étaient très jeunes. Je me souviens à l’époque, il se cachait de Rowenam mais aussi du Conseil. Ils avaient fui, rêvant de liberté qu’on leur avait privée, mais ils ont bien été déçus lorsqu’ils ont découvert l’extérieur et que la haine était réelle.

― Où sont-ils désormais ?

 Il renifla, sa respiration fit une légère condensation qui s’élevait aussi haut que ma tour de glace.

― J’en ai buté un, il était la cible d’un de mes contrats. Je m’étais infiltré dans leur groupe pour tuer leur chef, j’ai laissé les autres survivre. Aujourd’hui, ils sont en cavale ou mort.

 Je baissais les yeux sur mes pieds. Ma tour de glace se mit à ze craqueler, jusqu’à se briser en mille morceaux, l’impact sur le sol résonna à travers le calme du jardin.

― Pourquoi faisais-tu ça ?

 Il réfléchit un instant, puis dit :

― Parce que j’étais le meilleur. Avant Ecclésia, j’étais dans le Centre, une école à Chicago pour former les Assassins. A seize piges, j’étais capable de chose dont les plus vieux n’avaient même pas idée, ricana-t-il, plongé dans ses souvenirs.

― Mais tu as décidé de partir, remarquais-je.

― Oui. Je me suis rendu compte que ces actes n’allaient pas faire revenir ma sœur. Et qu’aucun de ces connards n’était capable de me tuer. Je perdais mon temps.

 Je restais silencieuse alors, je savais que Basil me cachait beaucoup de choses, mais il me laissait des miettes. Je ne savais pas si c’était pour me contenter ou seulement aller à son rythme. Avait-il fait pareil avec Aiden et Greg ?

― Comment s’appelait-elle ?

― Esméralda.

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9 Commentaires
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bbbbbbb ccccccccccccc
bbbbbbb ccccccccccccc
2 années il y a

Une trêve hivernale? Pas vraiment semble-t’il.
Il y a des vérités qu’on préfère ne pas savoir.
Tori n’est pas prête d’atteindre la sérénité.
Un triangle infernal, Gab, Basil et ses vrais parents.

Galindo Gaëlle
2 années il y a

Noël. Basil.

bbbbbbb ccccccccccccc
bbbbbbb ccccccccccccc
2 années il y a

J’a raté un truc?

Galindo Gaëlle
2 années il y a

‘oh merde mdr ! Vraiment =D ? J’étais pas sur mdr.

bbbbbbb ccccccccccccc
bbbbbbb ccccccccccccc
2 années il y a

Ben c’est KIKI Noël, des secrets de filles?

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