Après mille deux ans passés à dormir sur une étoile, la fée majuscule s’éveilla et descendit sur la terre. Elle atterrit dans un champ de blé mûr au lieu dit de Dingier, sur les hauteurs de la petite commune de Salavre, dans le département de l’Ain. Puis, soulevant son nez vers le ciel, se trouva dépourvue devant l’immensité qui s’offrait à ses yeux et se mit à pleurer. Il n’y a rien de plus attristant qu’une fée perdue, rien de plus attendrissant et pour tout dire rien de plus joli aussi car le monde est ainsi fait qu’il mélange souvent toutes les choses entre elles.
— Où suis-je ? se lamenta-elle.
Mais personne ne lui répondit. Le jour se levait à peine, la journée promettait d’être belle. On était au cœur de l’été, un vent léger promenait doucement les herbes, des petits oiseaux chantaient.
La mère Caudicot ouvrit ses volets, l’esprit en chiffon et les cheveux défaits.
— Ben ça alors qu’est-ce que c’est donc que c’te bête-là ? Se dit-elle en apercevant la fée au beau milieu du champ où était plantée sa maison.
— Caudicot viens voir, bougre de feignant, viens voir donc !
Caudicot, le maître de l’endroit, sauta du lit à son tour, manqua se prendre les pieds dans le tapis.
— Quoi qu’y a à gueuler comme ça de bon matin la gluante ? Caudicot, Maurice de son prénom, crânait. Petit, sec, chétif pour tout dire, il avait rarement le dessus sur son épouse, large et massive, avec son cou de taureau et qui le dépassait d’une bonne tête. Il en souffrait en silence, mais à son âge en avait pris son parti. Il se pencha à son tour à la fenêtre, tout inondée du soleil naissant apparu entre les hauteurs des arbres.
— Ben vingt-diou de vingt diou, c’est quoi donc que c’te bête là ? Dit-il à son tour.
Puis il se hasarda :
— On dirait une fée.
— Une fée ? Ce que tu peux être benêt desfois Maurice…
— Et moi je te dis que c’est une fée, j’en sais ce que j’en sais.
Maurice Caliquot, fils unique, avait pris la suite de son père, mais sa constitution fragile et ses allures délicates l’auraient plutôt incitées à entreprendre une carrière à Paris. Enfant, il lui arrivait de déclamer au milieu des maïs; son père l’avait surpris un jour, l’œil en feu, la houppe dressée, donnant la réplique à un vieux chêne. Le docteur Catherine, de Coligny, au chef lieu de canton, avait dit : « tranquillisez-vous, Georges, ça lui passera ».
Mais ça ne lui était pas passé.
Longtemps Maurice rêva d’une vie d’acteur, de
peintre, d’écrivain et de toutes ces existences
d’artistes où il se serait promené, un foulard autour du cou dans de grandes avenues sous des lampadaires. Mais rien de tout cela n’était arrivé.
La fée majuscule indifférente à la dispute dont elle ne percevait, depuis le milieu du champ où elle se tenait assise sur un caillou et la tête entre ses mains, qu’un gazouillement léger, continuait à sangloter. La mère Caudicot, en femme pratique et avisée, hocha la tête, referma la fenêtre et on n’en parla plus. Elle avait la journée à commencer et ne prévoyait pas de se déranger pour une fée. Maurice, tout en tartinant son pain, surveillait de l’œil la Germaine.
— Pourvu qu’elle ne se sauve pas, pensa t-il. J’irai la voir tout à l’heure quand la grosse sera à l’étable pour la traite du matin.
La Germaine souleva son énorme fessier, ramassa quelques miettes de pain en faisant un coin avec sa main droite.
— C’est pour les petits oiseaux, dit-elle, en balançant son bras dans la cour avec toute la majesté dont elle était capable. Elle disait ça chaque jour et chaque jour elle allait ensuite en se dandinant vers l’étable où elle remuait la paille avant de flatter une à une les vingt trois vaches du cheptel. La Germaine n’était pas mauvaise femme, elle avait de la poésie, à sa manière.
Maurice attendit que sa femme eut passé la porte menant à l’étable, puis quand il fut certain qu’elle ne reviendrait plus, se dirigea vers la fenêtre. La fée était toujours là, elle s’était mise sous un pommier.
— Psst, psst ! Hé, vous là-bas ! Héla t-il. Comme il avait peur d’être entendu par la gluante, il n’avait pas crié assez fort. La fée, toujours occupée à ses sanglots, ne l’entendit pas.
— Psst, psst ! Il enjamba la fenêtre pour ne pas faire de bruit en ouvrant la porte parce qu’elle couinait, et se dirigea en direction du pommier.
Quand il fut tout près, il lui toucha l’épaule – la petite ne s’était aperçue de rien, toute occupée à son immense chagrin – elle sursauta, fit trois pas en arrière, dévoilant son visage. C’était la plus jolie fée que Maurice ait jamais vu. Il ne se souvenait pas du reste en avoir croisée beaucoup, peut-être deux ou trois et seulement dans certains rêves qu’il faisait parfois l’après midi dans le milieu de l’été.
— Qui êtes-vous ? Dit-elle.
Elle avait de beaux cheveux noirs, brillants et soyeux qui lui descendaient jusque sur les hanches, une petite figure allongée, toute mince comme en ont toutes les fées, des yeux en forme d’olive, très noirs eux aussi et très brillants, de jolies lèvres bien rondes; des fossettes avaient un peu creusées ses joues lorsqu’elle avait ouvert la bouche, mais juste comme il le fallait.
— Je suis Maurice, dit Maurice qui n’était pas bavard.
— Bonjour Maurice. Dit la petite. Elle ne pleurait plus.
— Je suis la fée Majuscule ajouta t-elle. Je suis tombée de mon étoile, c’est bien triste.
Maurice, intimidé, c’était la première fois qu’il voyait une fée si l’on ne comptait pas les rêves, ne sut que répondre.
Il se tenait devant elle, tortillant sa casquette entre ses mains, regardant de droite et de gauche, et pour se donner une contenance leva les yeux au ciel :
— Ben, des étoiles, y’en a plus, faut attendre la nuit.
— Elle s’appelle Octambule, c’est par là je crois, dit-elle en balayant l’air avec ses mains.
— Et tu t’appelles comment ?
— Majuscule, je vous l’ai déjà dit. Je suis la fée
Majuscule.
— Ah oui, excuse-moi, des fées je n’en ai jamais vu finalement alors Majuscule c’est ton nom ?
— Ben oui, comment voulez-vous que je m’appelle donc ?
Maurice ne répondit rien. La petite ressemblait à une fée mais ça n’était pas non plus très sur finalement. Par exemple, elle n’avait pas d’ailes. En principe les fées ont des ailes transparentes, comme les libellules.
— Elles ont dû brûler dans la descente, lui répondit la fée qui avait le pouvoir de lire dans les pensées mais ne le savait pas vraiment. Et elle se mit à nouveau à pleurer.
— Jamais je ne pourrai rentrer chez moi. Des ailes ça ne repousse pas, je crois. Elle était inconsolable car sans doute à cette évocation avait-elle soudainement pris conscience de la situation tragique où elle se trouvait.
— Allons, allons, y faut pas pleurer comme ça. On va ben trouver une solution. Mais d’abord, faut que j’aille causer à la Germaine.
Maurice craignait la réaction de sa femme. Ils vivaient chichement tous les deux sur quatre lopins et avec vingt-trois vaches, dix-huit poules, un peu de mais par çi par là, c’était loin d’être suffisant. L’an dernier la Germaine avait dû puiser à la banque au moins deux fois sur le livret pour terminer le mois. Le livret c’était pour les vieux jours, pas pour maintenant mais bien obligé, alors tout n’allait pas comme on voulait, desfois, non pas tout. Une fée, même toute menue, c’était une bouche à nourrir et pour les bras, autant dire qu’y en avait pas, ça qu’est-ce qu’il allait répondre à ça ?
— Elle a des pouvoirs magiques, dit-il, serrant plus fort la petite par la main.
— Des pouvoirs magiques ? C’est y vrai ça ? Germaine enfouissait son œil dans l’œil de la petite qui se tenait devant elle, un peu tremblante, toute fée qu’elle était.
— Ben, je sais pas.
Les véritables fées sont incapables de mentir. Germaine avait lu ça dans « L’Almanach du Revermont », sa revue préférée. Ils faisaient souvent des articles sur les fées et toutes ces affaires mystérieuses.
— C’est une fée, dit-elle.
— D’où venez-vous ?
— D’ Octambule, c’est par là, tout en haut.
— Nous voilà bien avancé, dit la Germaine en hochant sa grosse figure. Bon, va falloir travailler… tu sais coudre au moins ?
— Coudre ? Non, je ne sais rien faire.
— Alors tu vas apprendre, chez nous on n’aime pas les feignants.
Et c’est ainsi que la fée Majuscule prit racine chez les Caudicot.
Comme elle l’avait prédit, ses ailes n’avaient pas repoussé. Au début Maurice et la Germaine avaient bien tenté quelques questions, mais ils s’étaient vite rangés à la raison : la petite répondait à tort et à travers. Elle disait que les fées n’ont pas d’adresse précise, pas de parents non plus et que le véritable lieu de leur naissance est un mystère, y compris pour elles mêmes. Elle connaissait seulement le nom de son étoile où elle avait dormi mille ans et deux autres années encore et puis en s’éveillant un vent violent l’avait emporté sur la terre. Il en va ainsi pour toutes les fées, condamnées à vivre loin de chez elles. Elles en éprouvent du chagrin, au début, mais pas trop longtemps non plus. Maurice et la Germaine, qui n’avaient pas d’enfants, l’adorait. En somme elle était bien tombée.
Au village les choses en allèrent tout autrement. Majuscule suscitait bien des interrogations. Il était de source publique que les Caudicot n’avaient jamais pu avoir d’enfant, alors de voir, comme ça du jour au lendemain, une fille si jolie, avec des cheveux brillants, de grands yeux noirs et des mains si fines, accompagner partout le vieux Maurice ou à califourchon sur le dos de la Germaine quand elle menait les vaches au pré, ça alimentait forcément toutes sortes de ragots, comme il est d’usage.
— C’est une fille adoptée, disait-on parfois
— Non, les adoptions c’est interdit pour les vieux, ma sœur travaille à la D.A.S.S, elle en sait quelque chose.
— Alors c’est une émigrée.
— Mélissa est en classe avec elle, elle dit que c’est pas une émigrée mais une fée.
— Bah, tout ça c’est ben du pareil au même …
L’instituteur se refusa à accroire à la rumeur publique. Il accueillit Majuscule avec bienveillance. Ses convictions politiques et son instruction lui conféraient un devoir supérieur d’éducation des masses superstitieuses.
— J’entends des choses qui ne sont pas acceptables, avait-il dit le premier jour de classe. Je vous présente à tous Majuscule, et je vous prie de lui réserver le meilleur accueil. Majuscule, présente-toi, s’il te plaît.
— Bonjour, je m’appelle Majuscule. Je viens d’ Octambule. Octambule est une étoile par là et si vous ne me croyez pas, je m’en fiche. Les fées ne mentent jamais.
Jamais Majuscule ne consentit à dire autre chose, au grand désespoir de monsieur Jacquemard, l’instituteur et de tout le système éducatif. Les parents furent convoqués, on les accusa de pratiques superstitieuses, ce qui au sein de l’école laïque et obligatoire n’était pas, on s’en doute, du meilleur effet. On les somma de consulter un spécialiste; ils acquiescèrent, bien obligés. Majuscule fut envoyé en consultation à la ville voisine, une fois par semaine. Elle ne dévia pas d’un pouce. Devant tant d’obstination et d’obscurantisme, l’école finit par se désintéresser de son cas et l’on n’en parla plus. Il n’y eut hélas bientôt plus personne pour la défendre non plus.
Car elle était l’objet de quolibets quotidiens de la part de ses camarades. Les parents s’en plaignaient mais n’étaient plus écoutés.
— On ne peut rien pour ces gens-là, avait décrété une fois pour toutes l’inspecteur d’Académie qui les avait classé dans la catégorie des intégristes.
La grande Bérangère, unanimement désignée comme la plus jolie fille du village et dont on ne disait plus rien depuis l’arrivée de Majuscule, s’en donna à cœur joie et la harcelait sans crainte d’être punie.
Majuscule, en bonne fée obéissante (elles le sont presque toutes) ne répondait pas. Elle aurait pu, si elle l’avait voulu, transformer cette garce de Bérangère en serpent à sonnettes, en carafe d’eau ou en n’importe quoi d’autre, mais cela lui avait été formellement défendu par Maurice, surtout et par Germaine, un peu .
Elle passait toutes ses récréations seule, assise dans un coin à compter, le nez au ciel, des étoiles imaginaires. Du moins au début, du temps où elle regrettait encore son pays natal. Ce furent, malgré l’amour de ses parents, des années difficiles. Les gens de la terre sont méchants, disait-elle.
— Il ne faut pas généraliser, lui répondait Maurice.
— Il y en a des bons aussi, renchérissait Germaine, même si elle n’y croyait pas vraiment. Mais la petite n’avait pas besoin de ça. Savoir que tous les gens sont de vrais pourritures la plupart du temps, ça n’avance pas à grand chose, hein, Maurice ? Lui disait-elle le soir dans le lit conjugal.
— Bon ça passera tout ça. Une si gentille petite, si c’est pas malheureux ! Répondait Maurice avant d’éteindre la lampe de chevet.
A la maison, Majuscule apprenait vite. Elle sut en un clin d’œil coudre, repriser, faire la lessive, mener les vaches aux champs. Elle était au fil des années devenue une charmante jeune fille, n’avait toujours pas d’amis, sauf un dont nous reparlerons, mais cela lui suffisait pour être heureuse. Les fées, les véritables fées sont joyeuses et aptes au bonheur presque tout le temps. C’est encore un de leurs avantages.
Les filles, surtout, ne l’aimaient pas car elle était réellement très jolie.
De ce côté-là, elle avait un réel atout (chacun sait bien qu’il est plus facile aux fées d’être jolies). Maurice, qui s’y connaissait pour n’en avoir jamais vu une comme ça dans tous ses rêves, disait qu’elle était en plus de tout la plus jolie des fées.
Majuscule possédait des pouvoirs. Elle savait par exemple déplacer la ferme Caudicot dans les airs et toute cette magie s’accompagnait d’une fumée bleue, de pétarades formidables, de tout un artifice fabuleux, comme en use généralement les fées. Au cours de ces voyages, la Germaine et son époux se tenaient à la fenêtre du salon et Majuscule, assise sur le bord du toit, sa baguette à la main, les prévenait des péripéties du voyage : « attention ça descend, attention ça monte ! » ; la maison voguait ainsi de haut en bas et de bas en haut selon la logique des fées, laquelle n’a rien à voir avec la nôtre. Et les parents criaient, s’émerveillaient; on survolait l’Egypte, le Kazakstan, la Suède, l’océan du Pacifique sud, les terres gelées du Groenland, la Papouasie orientale, tous ces mondes inconnus depuis les champs de Dingier.
Elle savait encore, nous l’avons dit, lire dans les pensées. Maurice avait pourtant prévenu, en père attentionné :
— Si tu peux t’en empêcher, c’est mieux.
Sur Octambule, où il n’y a que des bonnes pensées, ce pouvoir ne porte pas vraiment à conséquence, mais sur la terre, le conseil du vieux Maurice prenait toute sa vérité. Majuscule en fut assez vite dégoûtée de toutes les façons et comprit bientôt tout l’intérêt pour elle d’avoir à y renoncer. Elle fit de nombreux efforts pour y parvenir car se défaire de l’un de ses pouvoirs n’est pas chose aisée pour une fée. Cet épisode douloureux lui fit néanmoins comprendre à quel point elle était aimée au sein de la famille Caudicot et combien sa seule vraie ressource en ce monde se tenait à l’intérieur de sa maison. Pas une seule fois elle n’avait surpris chez eux la moindre mauvaise pensée à son endroit.
Mais venons-en maintenant à l’essentiel de ce récit ; tout est lié, vous verrez.
Il y eut une année une grande sécheresse sur tout le pays de l’Ain et jusqu’en Suisse voisine. Les récoltes brûlaient sur place, les champs, dévorés de soleil, se desséchaient. Deux mois entiers que cela durait. Tout juin, tout juillet et avec août on n’espérait rien de bon. Maurice, Germaine avaient donc ce matin-là, la tête des mauvais jours.
Le vieux Maurice, la Germaine, tout le village commençait à se faire un sang d’encre parce que, sans eau, forcément, plus rien ne poussait. Bientôt les vaches n’auraient plus à manger, ni à boire. On allait à la ruine à ce train-là.
On fit des processions, plus personne n’y croyait vraiment même le curé avait dit un jour : « tout ça ce sont des fariboles de l’ancien temps ». Mais ça c’était du temps où il pleuvait, alors maintenant qu’il ne pleuvait plus, on aurait bien aimé y croire un peu.
Mais Dieu et tous les saints sollicités ne répondirent pas aux multiples appels de fidèles qu’on ne voyait d’ailleurs plus jamais aux offices; ils firent même pire : la chaleur redoubla, le début d’Août fut terrible, on n’avait jamais vu ça. Des chaleurs de quarante degrés pendant trois jours de suite et pas un orage. Les nerfs étaient à vifs.
A la nuit venue, au bar du « Montfleury », chacun y allait de sa litanie. Tout y passait : le gouvernement, les dérangements du temps à cause des déchets industriels, L’Amérique, les satellites, on repassa les proverbes selon des habitudes ; le grand Félix, l’index mauvais fit remarquer qu’il l’avait dit : « pluie de mars grandit l’herbette et annonce disette », ce à quoi il lui fut rétorqué qu’on n’avait jamais vu un mois de mars sans pluie et que ça ne changeait rien. Tourneboule de Dingier le haut y était allé, lui aussi, arguant que, dans la famille on avait toujours su prédire le temps et que « juillet sans orage, c’est famine au village ». Le gros Moissonnier avait dit d’un ton péremptoire : – tout ça c’est des conneries. Chacun dut en convenir. C’était comme pour le Bon Dieu, plus personne ne croyait à tout ça.
Le vieux Caudicot lui il aurait bien pensé à quelque chose mais sa fierté l’en empêchait. Quand on a une fée à la maison, on est un peu à son avantage, pensa t-il. Des jours déjà qu’il y songeait, sans être sûr de rien. Par un de ces effets pleins de mystère de la transmission des pensées intimes dont l’usage semble parfois distillé à petites gouttes aux simples mortels, ce qu’il avait en son âme lui vint depuis le fond du comptoir ; dissimulé dans l’ombre de la pièce que le soleil terrible venait de quitter, le petit Joubart, pharmacien de son état, lâcha :
— Mais dites-moi, Maurice…vous n’avez pas une sorte de fée à la maison ?
Comme il était justement en train d’y penser tout seul le nez dans son pastis, Maurice, trop surpris pour répondre, fit mine de n’avoir pas entendu.
— Ah ben tiens, mais ça c’est vrai ça ! , renchérit Traquenol qui possédait cent trente bêtes, sans compter le reste. – Maurice, notre sauveur ! Et il leva son verre en signe de victoire.
Tous les visages se tournaient maintenant vers Maurice. Il y avait là Fernand, dit « le boiteux », Marcel, un colosse de plus de cent-vingt kilos, propriétaire de quinze hectares à la ferme Mazoyer, Arthur, dit le « roi » à cause de son nom et de son air prétentieux, Philistin, petit homme fluet qui ne parlait jamais, Hector qu’on appelait, sans doute à cause d’une erreur de syntaxe « Pollux », le petit Quinquin, comme il en existe bien un dans chaque village. Lui c’était une vraie saloperie, tout par en dessous, l’œil mauvais, il se baladait sur son vélo à l’affût de la moindre embrouille en lissant sa moustache. Une vraie crevure. Il était employé de la SNCF mais on ne l’avait jamais vu vraiment travailler.
— Alors Maurice ? Dirent-ils tous en chœur.
— Alors allez vous faire foutre !, répondit-il en crachant par terre. Sur ce, il prit la porte du « Montfleury » et s’engouffrant au dehors du bistrot, la claqua avec violence.
Des jours suivants, on n’avait pas revu Caudicot au bar du « Montfleury ». Un jour qu’il était en train de récurer des éprouvettes, le petit Joubart fut dérangé par Quinquin, l’employé des trains.
— Il s’en passe des drôles chez les Caudicot, dit-il, la moustache fébrile
.— Et quoi donc ? Répondit le pharmacien qui n’aimait pas être embêté dans ses calculs et se méfiait de ce petit bonhomme, toujours prompt à chiffoinner ici ou ailleurs
.— Il pleut.
— Comment ça il pleut ?
— Comme je vous le dis. J’étais sur mon vélo à suer à grosses gouttes, pensez-donc avec ce temps ! J’en étais en haut de la côte de Vergongeat, celle qui mène à la ferme Caudicot et voilà déjà que je sens dans l’air comme une sorte de vent marin. Du vent marin mais sans le sel qui va avec, si vous voulez…
— L’odeur de la pluie quoi..
.— Oui, si on veut. Arrivé là-haut, à peine que j’avais basculé et j’étais tout trempé, trempé de la tête aux pieds, trois mois que ça m’étais pas…
— C’est la fée.
— L’émigrée ?
— Non, la fée.
— Je pensais… avec votre science…bref, je dois dire que je m’attendais à autre chose…
— La science ne peut pas tout, mon petit Quinquin. Les fées ont des pouvoirs, tout ça est parfaitement connu et la science n’est pas contre.
— Il faut voir là-bas ! Les blés sont déjà tout droits, le maïs itou et les herbes folles ont envahi les bas-côtés…
— Le vieux, il nous en veut…on n’en tirera rien. Il va tous nous laisser crever. Je le connais le Maurice, c’est du coriace !
— Alors tant pis ! Lâcha l’autre… si la même la science est impuissante.
Et il remonta sur son vélo.
A la ferme Caudicot, l’ambiance était effectivement à la fête. Majuscule, sollicitée par son père, avait essayé une formule. C’était une jeune fille un peu ingénue, si humble, si gentille et si bien élevée dans la discrétion qu’elle en oubliait la plupart du temps son statut de fée.
— On verra bien si ça marche, dit-elle.
Elle s’était placée sur le bord du champ, celui de la maison, avait lancé ses doigts en l’air, mais d’une certaine façon et elle faisait ça d’instinct sans savoir vraiment. Aussitôt le ciel tout bleu s’était noirci et de l’eau en trombe s’était abattue sur toute la propriété des Caudicot.
De joie, les Caudicot, père, mère et fille s’étaient mis à danser sous la pluie, sous l’œil méchant de Quinquin, caché dans un fourré.
Maurice en était si content qu’il avait filé dans la grange, en était ressorti avec son chevalet et avait immortalisé la scène. Mais je m’aperçois que j’ai omis de vous dire que le vieux Maurice, s’il avait à peu près renoncé à ses rêves de gloire et de se promener sous des lampadaires, n’en avait pas moins conservé le goût de la chose artistique ; l’arrivée de Majuscule avait réveillé en lui des désirs de peinture et la petite se prêtait au jeu avec bonheur : il émanait d’elle une telle grâce et de telles ondes positives qu’aucun peintre au monde n’aurait pu faire d’elle un mauvais portrait. Et puis Maurice était doué, même si parfois, s’essayant à l’art moderne, il lui faisait un nez en forme de chien ou des yeux avec des lampes à huile à l’intérieur, ce qui ne plaisait pas du tout à Majuscule.
Ce soir-là, devant le tableau à peine achevé, les Caudicot, regardèrent tomber la pluie. Il régnait à l’intérieur de la maison une atmosphère indéfinissable où l’amour se mélangeait à la joie, un de ces moments d’intense communion, pourtant habituel chez les Caudicot, mais que la vision d’un ciel embrumé et chargé d’humidité portait à des hauteurs extatiques et c’est à peine si la gluante se fâcha un peu parce que son mari l’avait peinte sous les traits d’une autruche à poils long avec un long cou surmonté d’une tête de jument.
Le lendemain, en ouvrant les volets, Maurice et Germaine purent constater, non sans joie, qu’il pleuvait toujours.
— Et ça va s’arrêter quand ? Demanda la Germaine avec son esprit pratique.
— Ben je n’en sais rien, lui répondit Majuscule. Les fées font les choses, elles sont loin de tout calculer, la plupart du temps elles s’en remettent au destin.
En menant les bêtes aux champs, Majuscule se sentit un peu triste. Il pleuvait toujours sur les terres Caudicot et l’on voyait dans le lointain briller d’ardeur terrible un soleil énorme. Là-bas vivait aussi Benjamin. Il était le seul ami de Majuscule. En revenant du champ, Majuscule, après avoir retiré ses bottes toutes crottées d’une bonne terre bien humide, s’en alla se confier à son père.
— Papa, tu sais, il faudrait aller voir Benjamin. C’est un gentil garçon.
La mère Calicot faisait sa vaisselle. Elle tendit l’oreille.
— Il ne pleut pas chez lui, ça me chiffonne. Il n’a pas besoin de ça.
Benjamin était un brave garçon de Dingier ; il avait perdu ses parents un soir que la foudre, du temps où il pleuvait, leur était tombée dessus. Il n’avait pas dix-sept ans. Aidé par une vieille tante durant deux ou trois années, elle était décédée à son tour, il y avait un an à peine, des suites d’une mauvaise bronchite. Depuis il était seul. Maurice l’aimait bien. Il lui donnait un coup de main de temps en temps. C’est comme ça que Majuscule l’avait connu. La Germaine trouvait que tout ça c’était bien mais qu’il fallait quand même voir à voir. Ces mystérieuses paroles étaient restées en l’air un soir d’hiver comme Majuscule s’était proposée de raccompagner le garçon chez lui.
— Tu as raison, j’allais t’en parler. Allons faire pleuvoir là-bas, répondit Maurice avec humilité.
Ils partirent tout aussitôt et au bout de dix minutes de marche, ils avaient atteint les limites de la propriété. Éblouis par la lumière, écrasés de chaleur, ils progressèrent ensuite sous le soleil de plomb dans le chemin qui menait chez Benjamin. L’herbe était jaune, les maïs semblaient se tordre de douleur, la terre, craquelée, paraissait un désert africain. Trois vaches faméliques beuglaient à la mort, l’auge était vide, des corneilles tournaient dans le ciel, on était dans les temps de l’apocalypse.
Benjamin, assis sur l’escalier de sa maison, se tenait la tête à deux mains. Il les vit arriver de loin, se leva, les accueillit, la mine triste et défaite.
— Majuscule, Maurice, je suis bien heureux de vous voir ! Qu’est-ce qu’on va faire, qu’est-ce qu’on va faire mon Dieu ?
— Pleuvoir ! Répondit Majuscule. Enfin j’espère…
Benjamin manifestement n’était pas au courant du miracle de la ferme des Caudicot.
La fée Majuscule se mit en place. Elle choisi un champ à côté de la ferme, lança ses doigts en l’air mais d’une certaine façon et elle faisait ça sans trop savoir mais avec beaucoup d’amour. Car, bien sûr, dans le fond de son cœur de fée, elle aimait en secret Benjamin.
Il ne s’était pas écoulé une minute que d’immenses nuages noirs vinrent couvrir la propriété, laissant se déverser des trombes et des trombes d’eau. On dansa comme l’autre jour, les vaches aussi. Le père Caudicot avait oublié ses pinceaux et parfois on dira que ça n’est pas plus mal.
La propriété des Caudicot, située à Vergongeat, sur les hauteurs de Dingier, à l’aplomb du village, verdissait de jour en jour. Cela faisait quinze jours maintenant qu’une petite pluie fine s’y déversait sans discontinuer. Il en était de même au « déversoir », chez Benjamin, sur la colline d’en face. On avait donc la vision, depuis le village, de deux tâches vertes perdues dans un océan désertique et cela mettait les habitants hors d’eux.
On n’avait pas vu Maurice depuis la scène du café.
Au « Montfleury », Traquenol s’emporta :
— Bon Dieu de merde, alors on fait rien c’est ça ! Avait-il lâché sans préambule. On laisse l’émigrée nous piquer notre eau, hein, c’est ça que vous voulez, allez, tiens ! Et il cracha par terre
— Calme-toi Emile, lui répondit un grand sec, qu’est-ce tu veux qu’on y fasse ?
— On va signaler le fait aux autorités. Traquenol a raison, y’ a sûrement une justice, l’eau c’est l’eau, elle est à tout le monde !, monta d’un ton Auguste Malenbrun, le maire, sans doute aussi inquiet de voir que Traquenol, son principal rival aux élections, cherchait par des manœuvres dilatoires à profiter de la situation.
— J’irai voir le préfet aujourd’hui même, c’est un ami personnel, ajouta t-il, plaçant à son tour son petit effet.
Le préfet avait justement ce jour-là sur son bureau la une du « progrès libéré » : « Dingier, la fée qui fait pleuvoir ».
— Alors Emile, c’est quoi ?
— C’est la fée qui fait pleuvoir comme c’est marqué là. Je sais Georges, tu ne vas pas me croire mais personne n’y comprend rien !
— L’eau du ciel n’appartient pas au ciel, dit le préfet, elle appartient à la république ! Il va falloir rétablir l’ordre républicain à Dingier, Malenbrun ! Cette situation ubuesque n’a que trop durée !
De retour à Dingier, Emile s’appropria la formule et dit d’un ton grave :
— L’eau du ciel n’appartient pas au ciel mais à la république ! Monsieur le Préfet arrive mercredi et l’ordre sera rétabli !
— Il était temps, murmura Traquenol entre ses dents, mais tout de même je demande à voir. Et il cracha par terre.
Le mercredi, par une chaleur de quarante-cinq degré, le préfet débarqua à Dingier. Il était accompagné d’une escorte de vingt-trois adjoints administratifs. On avait mis les gros moyens. Il se fit montrer le chemin de la ferme Caudicot par Malenbrun.
Une brise agréable les accueillit tout en haut, au lieu-dit de « Vergongeat ». Il pleuvait un peu et la température était de vingt degrés.
— Monsieur Caudicot ?
— C’est moi, dit Maurice en ouvrant la porte.
— Georges Lemaître, chevalier de la légion d’honneur, préfet du département de l’Ain ; j’aurais à m’entretenir avec vous et avec… hum… hum… la… la… fée… de toute urgence, permettez-moi d’entrer !
— Mais, monsieur le préfet, s’il vous plaît, entrez-donc, entrez-donc ! Ne restez pas à la pluie, entrez-donc, mais déchaussez-vous s’il vous plaît, vous allez salir partout sinon et la Germaine va encore gueuler.
Le préfet exposa avec gravité les choses. Maurice risquait au minimum dix ans de prison pour détournement lié à l’utilisation frauduleuse de l’environnement.
— Vous savez comment sont aujourd’hui toutes ces associations de défense de l’environnement, cher ami. Non, croyez-moi, vous avez tout intérêt à obtempérer.
— Obtempérer ? Ma foi, moi je ne dis pas non. Mais les autres-là, y sont jamais rien venu me demander non plus. Et puis d’ailleurs, ça fait bien longtemps qu’on est mis de côté par toute cette vermine, alors s’il faut obtempérer je vais obtempérer mais c’est tout ! Lâcha Maurice, sur de son fait tandis que Majuscule passait sa petite mine inquiète de derrière le rideau.
— C’est que moi, je suis sûr de rien, dit-elle en baissant les yeux.
— Ah, voilà donc la… la… fée ? Dit le préfet, ma foi une bien charmante personne…
— Oui, les fées sont très jolies, renchérit Maurice et j’en sais quelque chose.
—Alors mademoiselle, qu’entendez-vous par ces paroles ?
— Que je ne sais pas vraiment faire pleuvoir.
— Allons, allons, vous avez bien des formules, des trucs comme ça ? On a le don ou on ne l’a pas non ?
— Ça n’est pas si simple, mais je veux bien essayer. Je n’aimerais pas que mon père aille en prison.
— Et bien c’est parfait ! Commençons donc tout de suite, s’il vous plaît.
— Il faut que j’aille dans un champ…
— Et bien allons dans un champ, ça ne doit pas être trop difficile à trouver ici, dit le préfet, en se pinçant le nez.
On descendit au village. En tête le préfet et les vingt-trois adjoints administratifs, tous l’air grave et la mine sévère, pénétrés de la haute importance de leur mission. Maurice et la petite suivaient. La Germaine était restée à étendre du linge, profitant d’une accalmie. Elle avait refusé de collaborer, arguant du fait que : « la république, j’en ai rien à foutre ». Le préfet n’avait pas osé lui répondre. Il n’avait pas eu son café.
Malenbrun, entouré de tout le conseil municipal et de la population, avait mis l’écharpe tricolore. On attendait Majuscule. Il allait bien falloir maintenant qu’elle fit pleuvoir de la pluie républicaine et démocratique.
Majuscule se mit dans un champ, juste en face de la mairie. Elle lança ses doigts en l’air, un peu comme ça, sans vraiment savoir. Il faisait une chaleur écrasante. Tout le monde suait à grosses gouttes. Le préfet, les vingt-trois adjoints administratifs dénouèrent un peu leur cravate.
— Oh, là-bas, un nuage ! Cria le Préfet.
— Sauvé, nous sommes sauvés, exulta la foule.
Le nuage s’approcha, fit une ombre sur les têtes renversées en direction du ciel et chacun s’attendait à recevoir une goutte dans l’œil. Il s’arrêta, semblant hésiter, puis un énorme vent se leva et l’emporta d’un coup, d’un seul, là-haut, chez Caudicot.
— Ça n’a pas marché, dit la fée.
— Mademoiselle, essayez encore. Cette situation est grotesque, enfin tout de même.
— Je vais essayer un autre endroit, dit Majuscule.
Tous la suivirent dans un champ, un peu plus loin. Un champ tout bosselé, dur comme du fer. Majuscule se mit en position, lança ses doigts en l’air, tira la langue, fit ceci et cela, n’importe quoi, tout ce qu’elle pouvait mais le fluide – elle le sentait bien – n’y était pas.
— Je… je ne sais pas… je suis désolée… ça ne marche toujours pas.
Elle eut beau essayer dans le champ près de l’école, celui de la maison du maire, un peu partout, rien n’y faisait. Le ciel était toujours aussi bleu. Il faisait plus de quarante-huit degrés. On n’avait jamais vu ça.
Elle essaya vers l’église, sans succès.
— Il lui faut de l’amour, dit une voix.
— Oui, c’est ça, reprit Majuscule, je savais bien qu’il manquait quelque chose. Je n’y arriverai pas sans amour.
C’était Benjamin. Il avait compris depuis longtemps d’où venait le pouvoir des fées. Il avait compris d’où venait le pouvoir de la plus belle fée du monde, la femme qu’il aimait.
— Sans amour, elle ne peut rien et vous ne saurez l’obliger à rien.
L’amour ! Personne n’avait pensé à ça. On n’y pense jamais pour régler les ennuis des gens et c’est bien désolant.
Ce soir là, tout le monde rentra chez lui, la tête basse et avec une boule dans la région du cœur. Le préfet en montant dans sa voiture murmura à Malenbrun : « la république est vaincue ».
Le lendemain, dans l’église pleine à ras bords, le curé prononça la plus belle homélie jamais entendue dans tout le département et même dans ceux des environs. Il fit pleurer Emile et Traquenol, qui tombèrent dans les bras l’un de l’autre et il se mit en colère aussi. Le pouvoir des fées, disait-il, obéit à des règles divines et si les hommes, de tous temps, avaient un peu mieux écouté les anges et toutes les fées qui peuplent les bois et les forêts, on n’en serait pas là. Il dit des choses très belles et tout le monde baissa la tête. La grande Bérangère tournait ses yeux mouillés de larmes vers Majuscule en lui faisant des petits signes ; c’était magnifique.
En sortant de l’église, la fée Majuscule prit sa place. Elle lança ses doigts, compta trois fois, fit ce qu’elle savait faire, inventa, dit une chose, une autre et termina par « rataplaplapla » parce que ça l’amusait et qu’elle était heureuse. Les fées sont rarement malheureuses mais ce jour-là, avec tout le monde qui l’aimait autour d’elle, elle dépassait, et de très loin, son bonheur ordinaire.
Une pluie bienfaisante s’abattit sur le village ; elle était sur les toits, elle bondissait sur les herbes sèches et sur les voitures, on aurait dit qu’elle chantait. Tout le monde se mit à danser sous le nuage noir, dans la pluie et l’on tapait du pied dans les flaques ; chacun, et c’est important, fit, un à un, des excuses sincères à Majuscule et Benjamin, qui n’avait pas d’excuses à lui faire, la prit par la main et l’emmena à l’abri dans la grange du père Traquenol, sous l’œil inquiet de Germaine.
— Laisse, laisse donc, lui dit Maurice en tenant le bras de la gluante. Ça ne te rappelle donc rien ? Tiens je vais aller chercher mon chevalet, ça fera un joli tableau tout ça.
L’année d’après, la fée Majuscule mit au monde un beau petit garçon. Elle ne savait pas quel nom lui donner alors elle laissa faire Benjamin. Les fées toutes seules ne savent rien faire, c’est bien connu.
Il s’appela Jérémie. Jérémie comme la pluie disait Benjamin. Il était un peu comme la fée Majuscule, parfois il disait un peu n’importe quoi.
Maurice en fit un tableau de ce petit ange. Assez ressemblant du reste, sauf qu’il avait placé dans le reflet de chaque œil, en tout petit, l’image d’un type portant un foulard déambulant sous un lampadaire.
— Bah ! L’est pas trop mal celui-là, avait dit la Germaine.