Thyzhie attendait devant la grande porte depuis un moment, avec pour seul compagnie un valet qui le scrutait curieusement. Il avait les mains moites, la poitrine serrée, c’était la première fois qu’il allait voir le gouverneur en tête à tête. Il ne savait trop à quoi s’attendre, il ne connaissait pas le gouverneur de manière intime, malgré qu’il ne cachait pas sa froideur au grand public. Tout ce qu’il espérait, c’était de la compréhension, de l’humanité. Mais c’était bien mal connaître l’empereur. On cria son nom à travers la porte, il rentra aussitôt. Il trouva une salle démesurée comme toute l’architecture de ce bâtiment, Zorastre était assis nonchalamment sur un fauteuil devant une table, toujours entouré d’hommes de mains. Thyzhie salua longuement le gouverneur avant de s’asseoir. L’autre ne fit aucun mouvement, ne bougeait pas et glaçait littéralement le sang de Thyzie de part son regard on ne peut plus menaçant. Ce fut le valet derrière lui qui dû faire un signe de la main pour permettre au capitaine de milice de commencer.
« Honorable gouverneur… J’ai mis les mains durant une mission sur un enregistrement. Il a été enregistré par un agent qui a été envoyé hier dans les montagnes. Il… Il semblerait qu’il ne vienne pas de ce monde. De ce que j’en sais… »
Il déposa la petite platine sur la table, Zorastre l’inséra dans une liseuse qu’un valet s’était empressé de chercher à la vue de la petite pièce. L’enregistrement raisonna dans sa tête, Zorastre n’avait toujours pas dit un seul mot, restait de marbre en regardant toujours Thyzhie de manière menaçante.
Il prit la pièce après avoir passé la minute d’enregistrement, et l’inséra dans sa poche.
« C’est peut-être une flotte de l’empire impérial, la preuve que l’empire tient toujours et que d’autres gouverneurs pourront nous aider. Et… Peut-être est-ce une solution à la sélection ?
La sélection n’est pas un problème. Nin même une solution. Elle a pour vocation d’éliminer les incompétents comme vous. Faites moi fusiller cet homme. »
Zorastre quitta la salle pendant qu’on se saisit de l’autre. Suivi de Canielli, il se déplaça jusqu’à sa chambre écrire une lettre sur le rebord de la fenêtre, le cœur battant. Il respira on long moment, se livra à ses émotion, et se mit à écrire de manière psychotique.
« Ma très chère Milda, ma confidente, mon amour éternel.
Ma patience amoureuse est déjà à bout, cinq jours seulement après votre départ. J’espère que Zadka est heureux, malgré l’absence de son bon père, et de sa ville natale. Je sais qu’au plus profond de mon être existe la volonté de céder ce maudit trône d’argent et nous laisser la vie pour vivre de l’amour, et élever cet enfant paisiblement. Mais les héritages sont parfois chargés de lourdes tâches. Je vous avoue que ma vie au palais m’ennuie terriblement. Chaque heure, chaque soirée, je ne pense qu’à vous, encore et encore et cela me torture l’esprit au point de plus en dormir. D’autant plus que le palais d’été est calme en ce moment. L’amant secret de mon crétin de frère est parti pour un moment, et depuis que la sécurité a été renforcée, beaucoup n’osent plus séjourner dans la cour. Plutôt que de m’adonner à des expressions amoureuses que seul un cœur aussi brisé que le mien puisse comprendre, je préfère vous livrer ma plus sincère envie de vous voir en ces lieux. Je ne peux plus respirer sans vous. J’étouffe.
Votre éternel serviteur jusqu’à la fin de l’éternité, Le gouverneur Zorastre. »
Il sortit de sa chambre, un sourire amoureux aux lèvre, après avoir laissé la lettre à Canielli. Alors qu’il s’aventurait dans les somptueux couloirs du palais, sa rêverie se coupa net en croisant le regard d’Artyavius, qui arpentait lui aussi les couloirs. Il avait l’air paniqué, et pressé étant donné qu’il fuyait le visage de Zorastre, et regardait dans un peu toutes les directions. Zorastre, perturbé par sa présence, n’avait rien, dit, s’était simplement contenté de le fixer en essayant d’avoir l’air menaçant, mais son esprit était trop ailleurs pour faire de la prévention. Il se dirigea à l’assemblée où tous les sièges l’attendait.
En dessous du grand dôme qui dominait le bâtiment, se tenait le grand fauteuil où siégeait Zorastre. Et, devant lui se tenait le chef de l’assemblée, et les députés qui attendaient sagement le gouverneur. On y discutait ici les lois, les directives, les projets. En fait, pour être tout à fait honnête, on demandait surtout l’approbation du gouverneur, pour que chaque sénateur détienne le droit d’agir pour tel ou tel question en fonction de quelle province ils étaient à la tête. C’est pour cela que Zorastre trouvait cela extrêmement ennuyeux, et était comme toujours affalé sur son fauteuil, se moquant complètement de ce que l’on discutait. À cela s’ajoutait une rage amoureuse qu’il gardait au fond du cœur dont il essayait de lutter. Le président de l’assemblée prit la parole pour introduire les grands sujets qui devaient être mis sur la table, et chaque député commença à énoncer chaque problème à régler, tandis que Zorastre approuvait ou désapprouvait. Mais cette fois-ci la mélancolie l’emporta, dès que ses yeux devinrent humides, il se précipita hors de la salle, ne voulant pas divulguer ses émotions en public. Personne n’en vit rien mais l’assemblée s’en trouva bien agaçée. Mais alors que on essayait malgré tout de continuer la séance, une boule de feu s’échappa à la place du gouverneur, et toute l’assemblée explosa de toute part, et cette intense explosion éveilla toute la ville de si bon matin. Il est nécessaire pour comprendre cette explosion qui resta longtemps dans l’histoire de Nostrkhod, de revenir seulement quelques heures en arrière.
Sur la table, Armand avait exposé tout ce dont il avait besoin pour cette matinée fatale. Un thermos de café, son arme de service, un plan, des papiers d’identité, et ses fameux cristaux, qui avait manqué de le tuer une semaine avant. Il était d’ailleurs presque encore en état de choc. Il se demandait si il devait les prendre sur place, cela l’aiderait à garder son calme et se concentrer si tout se passe mal. Au final, il en dissimula une dose sur lui, et en prit une sur le champ. Il passa quelques temps à scruter l’appartement, à se demander comment cet homme vivait avant qu’il ne soit renvoyé par sa faute pour miner de la glace dans le nord. D’après ce qu’il savait, il avait prit l’identité d’un milicien plutôt discret, et penchant pour la boisson. « Hernell Drezhnevolk » s’appelait-il.
Armand consulta sa montre, il était temps de partir. Nous passerons notre description du long moment où Armand partit vers la caserne, sentant l’emprise des cristaux le prendre, son stress s’effacer, et l’adrénaline montante. Mais l’opération n’avait en réalité absolument rien d’excitant, on sentait que beaucoup étaient ennuyés d’être ici, même pour les supérieurs. D’autant plus que leur travail consistait uniquement à faire des rondes dans les couloirs du palais d’été, sans but, toujours alerte. La plus grande peur d’Armand était que quelqu’un veuille se servir dans son thermos ou bien qu’il subisse une fouille arrivé au palais. Mais tout ceci était seulement de son imagination, il était rentré dans les palais sans aucune vérification, cela fit redescendre la tension. C’est alors qu’il croisa lors de sa ronde le visage d’Artyavius qui arpentait les dalles du bâtiments avec un rage prononcée sur son visage. Il passa devant lui en le scrutant, mais fut rattrapé par l’épaule par derrière. Il s’adressa à Armand avec une respiration haletante, le tenant par le bras comme un enfant, perspective largement accentuée par le fait que Armand était bien plus petit que lui.
« C’est vous l’imposteur ? Demanda rageusement Artyavius. Ça se voit dans votre visage.
Je… J’ai pris légalement la place d’un soldat parti au bagne.
Vous ne m’apprenez rien. Je sais ce que vous faites ici, vous n’avez pas autre chose à faire de vos journées que de mettre à sac au moins vingt ans de travail ? Écoutez, si vous voulez mettre un terme à cette tyrannie qui dure depuis bien trop longtemps votre tâche est noble, mais faites le dans un devoir citoyen et rejoignez l’organisation si c’est la résistance que vous voulez. Vous avez été engagé dans la milice pour une durée indéterminée, dans le palais du gouverneur, vous pensez pouvoir vous échapper ensuite ? Il vous ont dans le viseur maintenant. Vous serez perdus à jamais.
Armand dégagea son bras, cherchant les mots pour contre-attaquer, éprouvant un dégoût pour la condescendance que prenait son interlocuteur.
Ma vie a trop peu d’importance pour calculer les conséquences de sa disparition. Votre organisation n’a aucun objectif clair, le peuple aurait dû se soulever depuis des siècles, voilà qu’on piétine encore… Je propose une action brutale et définitive qui fera peut-être prendre conscience des choses à certains. Dommage que je ne serais plus là pour en goûter les bénéfices.
Mais c’est précisément le meilleur moment pour agir ! Jamais le gouvernement n’est tombé dans une telle décadence, la stabilité se perd, nous mettrons le coup de grâce bientôt, et votre soit-disant action va tout faire foirer. Mon épée de Damoclès me tombera dessus, je serais immédiatement fusillé d’autant plus que je me suis déplacé ici juste pour vous prévenir.
Hé bien mourrez, au moins nous n’aurons plus cet imbécile pour seul gouverneur. »
Armand tourna les talons tandis que Artyavius était toujours en train de le dissuader en lui tirant la manche, mais voyant que le jeune homme marchait d’un pied ferme et était peu décidé à changer d’avis, il abandonna. Pris d’une certaine panique, il se dit qu’il irait se coucher dans la chambre d’Alfridius écouter l’explosion de loin pour éviter tout soupçon. Mais ce fut à ce moment qu’il croisa le regard inquisiteur de Zorastre. À présent il n’avait plus de porte de sortie. Il allait devoir s’expliquer, fuir, ne rien dire, à vrai dire il n’avait aucun plan.
Quand à Armand il s’isola dans la pièce de la chaudière durant a ronde afin de regarder une dernière fois son plan. Il prit ensuite un grand escalier qui menait tout en bas vers une porte menant encore à un autre escalier bien moins grandiose que le précédent. Tout ceci menait à des tunnels de bois où il y avait tout un circuit électrique, il se trouvait en réalité en dessous des planches de l’assemblée. Il devait tout poser au centre. Ainsi, il introduisit deux fils électriques dans son thermos, qu’il brancha à un minuteur relié à une pile. D’après ses recherches, le tétrarium provoquait une explosion qui non seulement était très puissante, mais en plus brûlait tout ce qui se trouvait autour. Pour l’heure, il n’avait aucune vraie idée de quelle puissance était capable sa bombe artisanale. Dans dix minutes, le gouverneur viendra, et la bombe sera prête à exploser. Il déposa près de la bombe sa carte d’identité. Il sortit dans le sous sol, explosa une vitre qui donnait sur un balcon, et se laissa glisser en bas sur une rampe de béton qui menait à la rue. Tout lui avait paru si facile, et pourtant dans quelques minutes il serait l’homme le plus recherché de ce monde. Assis sur un banc, il était le seul à fixer le palais tandis que tous les autres passants continuaient leur route. Puis sur l’aile gauche du bâtiment, une lueur rouge attira tous les regards et une détonation se fit entendre dans toute la ville suivie des sirènes des pompiers qui allaient être l’élément sonore de la journée en cette ville. Dans la poche de sa veste il trouva une petite médaille en acier, gravée spécialement pour Henrell. Armand la serra dans son poing bien fort, peut-être espérait-il la briser, bien heureusement les médailles que procuraient la milice était bien solides.
La vie à Mniy était n’était, même en ce moment, en rien agréable à vivre. Accrochée à une petite péninsule sur laquelle même en été toutes les terres étaient gelées, si bien qu’il était impossible de rester plus d’une demi-heure dehors par moments. Peu de gens connaissaient son existence, car ceux qui y partaient ne revenaient jamais à l’exception des gardiens, et encore, ce n’était pas tout le temps vrai. La plupart des infrastructures étaient souterraines, et peu d’endroits en plein air y était aménagés. Pour ce qui était de la vie en elle même, l’alimentation était rationnée, et il y avait très peu de place au loisir. Hernell était là depuis quelques jours seulement, mais sentait dans son corps des années de travail ici, et en présentait encore une quarantaine si le travail ne l’achèverait pas avant. Il travaillait à l’usine dans e complexe industriel de cet immense centre de détention, et n’avait que pour seul ami cette machine, sur laquelle il devait positionner un fusil, la presse s’abattait dessus et manquait chaque instant de broyer les main à son utilisateur. Presque quinze heures par jours de cette activité ennuyeuse. Parfois il regardait les autres détenus, lançant un regard humain, mais personne ne se parlait, la vie était faite à ce que personne ne puisse se croiser, ou avoir le temps de parler. Non. Tout ce que connaissait Hernell était les mains noires, la fatigue insurmontable, la faim, la solitude. Il s’était arrêté de penser à pourquoi il était là, tout se résumait dans son travail machinal, c’était exactement ce que le système de cette prison voulait. C’était ainsi la vie de cette infrastructure aux murs froids, et aux lumières blafardes qui transperçaient la nuit polaire en dessous des étoiles et des aurores auxquelles s’ajoutaient aux splendeurs visuelles de Salamanda. Pourtant Hernell le savait, son père lui avait répété que, c’est lorsque les hommes n’ont plus d’horizon ou échappatoire qu’il devient torturé et que la survie à ce stade là n’est plus, la liberté n’a plus de prix et doit être récupérer peu importe ce que cela engendrerait.