Chapitre 9 – Amour

9 mins

Nous étions à la fin novembre, le 30 novembre plus précisément. Nous étions samedi et j’étais assise à côté de la cheminée à faire mes devoirs tandis que mon père était occupé à remplir des fiches dont j’ignorais le contenu. Enfin, jusqu’à ce qu’il se mette à m’en parler :

– Ta mère a demandé le divorce.

C’était prévisible. Alors je me suis contentée de hocher docilement la tête, avec le sentiment d’avoir reçu un couteau dans le dos. Oui, entre être conscient de quelque chose et en avoir la confirmation, il y a un monde.

– Après un an ?

– Elle va se marier.

– T’as pas à lui faire ce plaisir. C’est elle qui s’est barrée avec ce connard. Alors donne lui du fil le maximum de fil à retordre.

– Elle a insisté pour que tu vienne avec elle. Et ce sont nos affaires, Elza, pas les tiennes…

– Je ne parle pas aux menteurs et de toute façon, je détestais ce type, un gros con arrogant. En plus, t’es mon père, j’allais pas te laisser tomber… ce que je ne comprends pas c’est… elle t’a trompé pendant 2 ans, on est dans un tout petit village et t’as rien vu jusqu’à ce qu’elle parte. Comment tu as fait ?

– Parfois, il y a des choses qu’on voit, qu’on comprend, mais on se ment à soi-meme et on refuse de voir la vérité en face. Je savais ce que faisais ta mère. Mais je voulais juste pas l’admettre. Et puis, toutes les deux, vous étiez si proches que j’ai eu du mal à croire qu’elle briserait une famille. Et surtout, je l’aimais.

Je ne réponds rien. Oui, papa avait raison sur toute la ligne.

– Tu vas accepter ?

– Il faut que je passe à autre chose. Même si la loi dit l’inverse, ça fait longtemps qu’elle n’est plus ma femme. Puis, on a passé l’âge des enfantillages, il ajoute en souriant.

Je soupire, en me disant que je vais sûrement être obligée de revoir ma mère, ce que je n’en avais absolument pas envie. Mais le plus dur, je pense que c’est pour mon père. Quand elle est partie, en août dernier, elle a commencé à m’envoyer des lettres, des fleurs, de l’argent et pleins de cadeaux avec pour seul but : que j’aille vivre chez elle et le gigolo pour qui elle a quitté mon père.

Comme mère, je dois bien avouer qu’elle n’a jamais failli à son rôle. Elle était toujours là pour moi quand j’en avais besoin, a toujours été ponctuelle, à l’écoute et à la page, quant à mon travail, mes relations et mes activités quotidiennes. Quand j’étais petite, elle n’a jamais vraiment été “maman”, pour moi, elle était Rafaella. Je l’ai appelé par son prénom jusqu’à mes 10 ans, parce que beaucoup de mes camarades m’ont signalé que c’était une bêtise. Pourtant, ça n’a jamais gêné Rafaella mais je me suis mise à utiliser maman. Jusqu’à mes 12 ans, où elle est revenue Rafaella. Puis, quand elle a avoué à mon père et moi, que depuis 2 ans, elle le trompait avec un ancien élève, de la fac ou elle enseignait, elle n’a été plus rien du tout. Elle avait déjà tout préparé et allait sauter sur le train qui arriver dans une heure pour rejoindre son amant. Bien sur, elle a demandé à ce que je vienne vivre avec elle. J’ai refusé et je ne l’ai plus jamais vu. Je me suis débarrassée de tout ce qu’elle m’a envoyé. Seuls les conseils avisés qu’elle m’a donné tout au long de sa vie sont restés encrés en moi. En y réfléchissant, je n’ai aucun doute sur l’affection qu’elle me portait. Mais il était évident qu’elle n’aimait pas mon père. Rafaella avait simplement de la reconnaissance pour lui, pour l’avoir sortie du quartier pauvre, défavorisé et dangereux dans laquel elle est née et avait vécu. Parfois, je me dit qu’elle a trouvé le véritable homme de sa vie et s’est simplement mise avec lui. Mais je ne parvenais pas à admettre qu’elle allait complètement refaire sa vie avec ce type. Peut être qu’ils allaient s’installer dans une grande maison, avoir de nouveaux enfants, vivre heureux et épanouis. Pourtant, elle a insisté pour que je rejoigne sa nouvelle vie. Mais elle n’a pas pensé à mon père. Et je ne parvenais pas à l’accepter et le lui pardonner.

– T’as raison, papa.

Il continue à remplir ses papiers et je poursuis mes devoirs. La maison était silencieuse et et nous étions bercé par les bruits du crépitement du feu. L’après-midi se déroule sans casse.

Plus tard, eut lieu le premier événement qui bouscula le cours des choses. Il était 18 heures quand le téléphone sonna. Je suis allée répondre et j’étais étonnée que ce soit Vincent. Il appelait rarement et en général, c’était pour dire une chose importante. Nous nous saluons cordialement comme d’habitude et très vite, il me demanda si j’étais disponible pour la soirée, histoire de dîner chez lui. Comme je ne m’entendais pas avec sa mère, je lui demande si il en est bien sûr.

– Écoute, faut que tu me sauves la vie. C’est urgent. Déjà, je t’appelle d’une cabine téléphonique. J’ai réussit à m’enfuir de chez moi.

– Attends, laisse moi deviner. La tribu est là !

– Dans le mile.

– Oh merde, je suis désolée pour toi !

– Au lieu de te foutre de moi, ca te dit de venir ? Je suis sûre qu’ils seront content de te voir et en plus, tu me rendrais un gros service.

– Bah…, commencé-je, avant de couvrir le haut parleur avec ma main.

J’appelle mon père et lui demande si je peux sortir une petite heure pour sauver un pote. Il me regarde un moment sans rien dire.

– Comment ça le sauver ?

– Diner de famille lourd.

– Et tu reste chez eux ?

– Juste une heure. Y a beaucoup de gosses et je pense qu’ils vont finir par tous emmerder les grands.

– C’est Vincent ?

– En effet.

– Tu lui as dit quoi ?

– J’ai pas donné de réponse.

– Allez, tu peux y aller. Mais ne tarde pas.

– Merci, pa’, t’es le meilleur.

Il se met à rire et retourne à ses occupations alors je reprends ma conversation :

– Oui, Vincent. C’est bon, j’arrive.

– Merci ! Tu me sauves vraiment la mise. Tu veux que j’aille te chercher ?

– C’est gentil mais je vais directement aller chez toi.

– On s’y rejoint.

– Salut.

– Salut.

Je raccroche et me dépêche de me préparer avant de sortir de chez moi, après avoir salué mon père.

Il commençait à faire froid et malgré les gants que je portais, mes doigts étaient déjà gelés. Décidement, faut pas passer les hivers à la campagne… par miracle, j’arrive chez Vincent qui grelotait autant que moi, devant chez lui, sans m’être transformée en bloc de glace.

– Il fait froid, aujourd’hui ! dit-il.

– Ça, tu l’as dit.

On se dépêche de rentrer à l’intérieur. Enfin au chaud, on retire nos manteaux et nos chaussures. Il jette un œil à ma tenue. Je portais un large jean assez clair et un pull épais noir et vert.

– Je suis désolée, je ne me suis pas soignée, pour le coup.

– Oh t’en fais pas. Et c’est pas eux qui vont te juger.

– Merci.

– Et, ajouta-t-il, en souriant, je te préfère comme ça.

Apres avoir retiré mes baskets blanches, je traverse le long couloir avec lui et on entre dans le salon, qui avait une porte double en verre, tout droit, à droite de l’entrée. C’était une pièce très chaleureuse ou mur marron clair et à la moquette de la même couleur. À droite, 3 canapés étaient disposé autour d’une table basse où jouaient 4 enfants au monopoly. Je les reconnu immédiatement. Lilith, Arthur, Jean-Claude et François, des neveux de Vincent. J’ai oublié de précisé qu’il en a 8. Oui, rien que ça. C’étaient les plus grands, Lilith avait 12, son petit frère François en avait 10 alors qu’Arthur était le grand frère du nouveau-né d’Adrien, le grand frangin de mon meilleur ami. Jean-Claude était l’aînée de Maria, la plus grande de la fratrie de Vincent, elle même composée de 5 enfants. Maria, une compta de 32 ans, Meredith, une mère au foyer qui en a 30, Jessica, éternelle étudiante de 27 ans, Adrien, jeune père de famille de 25 ans enfin, venait Vincent, un lycéen pas doué de 18 ans. Sacré famille. Et ce n’était pas finie. Il y avait les triplés de Meredith, 3 petites filles coquines de 6 ans. La famille, ça n’a pas son pareil chez les Rodriguez… toujours est-il que la tribu entière s’était donnée rendez-vous et Vincent m’informa que le reste était à l’étagère. Ni une, ni deux, je pris la main de mon ami et lui intime :

– Enfuyons-nous avant que les 4 petits monstres ne nous prennent en otage.

Il ne se fit pas prier et dans la plus grande des discrétion, nous nous étions rhabillés et précipités dehors, malgré le froid de canard.

– Je comprends pourquoi t’as absolument voulu t’échapper.

– Tu veux qu’on aille quelque part ?

– Ca ne te dérange pas ? Tu risque pas de te faire chauffer les oreilles ?

– Oh tu sais, au point où j’en suis…

Il éclata de rire avant de quitter le jardin devant la maison pour quitter le quartier. On décide de s’arrêter dans un café car nous étions à deux doigts de devenir un morceau de la banquise. Mais surtout pour donner l’impression au passant que nous avions des vies chargés et que nous n’avons pas le temps. Pathétique.

– C’est remplie, remarque-t-il.

– Là, y a de la place, lui dis-je, en indiquant une table près du comptoir.

On s’y precipite avant que quelqu’un ne nous la prenne et on s’asseoit. Apres nous être bien installés, même si je n’avais absolument pas faim, et lui non plus visiblement, on commande un thé et nous pouvions enfin nous retrouver entre pote.

– C’est chouette de se retrouver tout les deux, objecté-je. J’ai l’impression que ça fait des années qu’on s’est pas réellement vus.

– C’est vrai, je suis content de te voir, aussi.

– Vas-y, raconte donc tout les détails de ta vie. Je veux rien louper.

Et nous avons longtemps discuté ainsi. Nous avons finis nos thés depuis un moment et nous nous racontons des anecdotes sur le lycée, les cours et surtout nos familles, diamétralement opposées. Nous parlions aussi de bouquins, de mangas de films et de musique qu’on avait lu, vu et écouté. Bref, une discussion entre potes, comme il en existe partout. Et à 20 heures tapante, un des serveurs nous informa que le café fermait et nous mit donc gentiment à la porte.

– C’est fou, j’ai pas vu l’heure, dit-il, alors que nous sortons.

– Moi non plus.

La nuit s’était tombée depuis un moment. En hiver, je ne voyais vraiment plus le temps passer.

– Il se fait tard. Mon père va s’inquiéter et toi aussi tu vas devoir rentrer je pense.

– T’as raison.

– J’aurai bien aimé rester avec toi mais on fera ça, une autre fois, n’est ce pas ?

– Non, c’est tout à fait normal. Merci beaucoup d’être venue. Même deux heures, ça a été vraiment chouette. Et j’ai été content de t’avoir revu.

Je lui souris et éprouve une certaine satisfaction pour avoir aider mon ami.

– Tout le plaisir était pour moi.

– Alors… bonne soirée ?

– Tu veux pas me raccompagner chez moi ? Histoire de traîner autant que possible ? plansanté-je.

– Volontiers.

– Eh ! Je rigolais, mon pote.

– Oh mais moi je suis sérieux.

– Si ça te gêne pas…

Nous reprenons la route et alors que nous marchions, j’eus du mal à penser que le mec qui m’a avoué ses sentiments il y a quelques mois était celui avec qui j’avais passé la soirée, qui était mon meilleur ami, à qui j’avais juré d’être sa pote même quand on sera 2 vieillards. Je dois avouer qu’il avait parfaitement su dissimuler ses sentiments pour ne pas me blesser et je ne pouvais que le remercier infiniment. Il fallait que je le fasse.

Alors en plein chemin, près du pont, je m’arrête et demande à Vincent de m’écouter 2 minutes. La rue était vide, on entendait les mouches voler et c’est de ça que j’avais besoin.

– En juin, quand tu m’as dit que tu m’aimais, j’ai vraiment pensé que plus rien ne serait pareil entre nous. Et quand je vois les efforts que tu fais pour qu’on reste amis malgré, tout, je me dis que je te dois une fière chandelle.

– Tu sais que ça ne change rien au fait que je continue de t’aimer ?

– Je sais… répondis-je rapidement. Et je m’en excuse. Mais… ce n’est pas juste que l’un souffre plus que l’autre ?

– Où veux-tu en venir, Elza ?

– Ce que je veux dire c’est… merci pour tout.

Il ne me dit absolument rien mais se contente de littéralement me dévorer des yeux. C’en était vraiment gênant mais je ne dis rien. Je me contente de détourner le regard, terriblement embrassée.

– T’as aucune idée de ce que ça peut me coûter.

– Si, j’en ai une. Y a eut Alyssa.

– Et Alyssa s’est barrée. Tu n’as plus eut à ressentir la même douleur chaque jour.

– Elle veut encore être en contact avec moi. Elle a même appelé Hermine.

– T’es pas sérieuse.

– Si, je t’assure.

Comme il savait très bien que je mentirai pas sur ça, il ne me remet plus en doute et s’approche encore dangereusement de moi. Merde… à ce moment là, je n’ai aucune idée de comment je suis supposée réagir. Est ce que je dois rester immobile et le laisser faire ce qu’il veut ? Me reculer et donc le décevoir ? Me sauver ? Je n’en avais aucune idée et mon esprit continuait de tourner en boucle jusqu’à ce qu’il pose son mains glacés sur mes joues. Même je ne m’y attendais absolument pas, j’étais sûre d’une chose. Je n’avais rien sentie. Je n’ai pas ressenti ce même frémissement de plaisir que quand Ibrahim m’a touché quand on a failli s’embrasser.

Ibrahim…

Au final, la douleur était toujours aussi présente et vive. Qu’est ce qu’il fait ? Ou il est lui, d’ailleurs, avec qui il est ? Si seulement il pouvait être à la place de Vincent a ce moment là… ou si seulement j’étais a la place de sa femme. Il était probablement chez lui, au chaud, avec sa femme et son adorable enfant en train de jouer tous ensemble en famille.

Et si ce jour là, nous nous étions embrassé ? Et si j’avais décidé de l’écouter jusqu’à la fin, sans broncher ? Ça aurait changé les choses ? En serions nous là ? A ne plus se voir pendant 2 mois.

Mais maintenant, je ne pouvais plus me poser ces questions. Tout a été décidé ce jour, près du jardin des enfants mais aussi et surtout parce que Vincent a choisi de poser ses lèvres sur les miennes.

***

Je suis rentrée chez moi sur les nerfs. La maison était silencieuse et papa n’était pas venu me voir. Je commence a légèrement paniquer. Et si il avait décidé de sortir voir ce que j’étais en train de faire ? J’avais tardé après tout… je pose les clés sur le meuble devant la porte et me debarrasse de mes affaires. Heureusement, dans les couloirs, je vis en dessous de la porte la lumière de la salle de bain. Papa devait prendre sa douche et je n’allais certainement pas le déranger. Le téléphone sonne et je me précipite pour aller répondre.

– Oui, allo ? Qui est a l’appareil ?

– Oui, allo ? Elizabeth ? Oui, Elizabeth c’est bien toi ? C’est tellement bon de t’entendre ! Tu m’as manquée ! J’ai tout fait pour renouer contact avec toi mais rien à faire et là, tu me réponds enfin.

Je reconnais cette voix chantante et enfantine. C’était Alyssa. Ce fut le second évènement qui bascula tout. Plus rien ne serait pareil.

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