[soundtrack FR
From Hell They Came / The Mifits]
Comme certains le savent peut-être, une brève histoire d’amour me fit vivre quelque temps dans le sud-ouest de la France. Je déconseille cette région à tous, hormis si vous éprouvez une passion démesurée pour la nourriture trop riche, et l’achat de peintures ou poteries de merde.
Je ne faisais qu’écrire dans cette petite ferme, la jeune femme maitresse des lieux passait la journée dehors à s’occuper de bestiaux, des chevaux principalement, pour revenir la nuit tombée, pratiquement recouverte de terre des bottes à la tête. Elle avait des cheveux bruns et longs, son corps était musclé, le soir à son retour elle me préparait un dîner, en général une soupe épaisse et sombre où flottait divers légumes et morceaux de viande – une véritable foutue tambouille que je mangeais pendant que très près, elle m’observait, en silence – je l’ai longtemps cru muette, elle n’avait pas dit un mot depuis notre rencontre (arrivé dans une gare de province au hasard je l’avais remarqué dès ma descente du train assise contre le capot d’une petite voiture rouge toute rouillée, elle était magnifique dans sa robe paysanne j’en ris, je le lui dit, elle me sourit, se jeta sur moi pour m’embrasser et cette inconnue m’embarqua vers sa ferme dans sa petite voiture rouge toute rouillée, je ne sus jamais son prénom ) elle ne communiquait que par grognements jusqu’au dernier jour, où elle se mit à me parler en grec ancien – elle m’observait donc en silence alors que je mangeais sa tambouille, ses yeux brillants, brillants d’une lueur sauvage et étrange, le reflet de la folie et des flammes qui crépitaient dans la cheminée, jusqu’au moment où, à la dernière cuillère de soupe avalée, elle se jetait sur moi, me flanquait un coup entre la claque et le coup de poing, m’ouvrant un peu la joue ou la lèvre de ses ongles, attendant que je lui réponde plus violemment d’une baffe dont la violence la précipitait au sol en me cassant à moitié la main. Je la relevais ensuite par les cheveux, la plaquait sur la massive table en bois surement vieille de deux siècles, la soupière et les bols s’envolaient, j’arrachais ses vêtements pour la prendre violemment, cette histoire dura un mois très exactement. Jusqu’à ce que je la surprenne un après-midi dans la grange occupée à un sombre rite, ses avant-bras plongés dans le ventre d’un mouton, avec ses mains, elle lui arrachait les organes. Lorsqu’elle se retourna vers moi à ce moment-là, quand elle me parla en grec ancien, ses yeux se composaient que de deux iris noires, brillantes … Saisi d’une terreur encore jamais connue j’avais fui en courant jusqu’à la gare, supplié pour que le guichetier me laisse passer un coup de fil – j’avais appelé mon agent Mathilde en pleurant et morvant tout mon saoul, elle n’arrivait pas à comprendre le nom de l’endroit où je me trouvais – mon agent m’en voulait, car toutes mes connaissances, elle comprit, me pensaient mort au fond d’un quelconque ravin puisque j’avais disparu un mois sans donner de nouvelles. Mon agent Mathilde me paya le train retour et elle m’en voulut mais c’est oublié depuis, je me suis sincèrement excusé de cette attitude …, bref, une sale histoire…
Mais j’en reviens à mon histoire justement, celle de Papy Connasse.
Il y avait un ancien, qui vivait dans une vieille maison à potager, à une centaine de mètres de notre ferme, Monsieur Calasse, ou Calas, je ne sais pas exactement.
Un jour qu’il se réapprovisionnait au village tout proche, un type sur lequel je n’ai aucune information eut la brillante idée de l’appeler « Mr Connasse », puis dans la foulée « Père Connasse » et enfin, « Papy Connasse ».
Ce surnom déclencha une hystérie de grande ampleur chez les habitants de toute la région.
Trois fois par semaine, lorsque le vieux allait au visage, les enfants l’entouraient dans de sauvages rondes à s’exciter mutuellement, hurlant des comptines sur « Papy Connasses », lui donnant des coups de branches ou lui jetant des cailloux. Les automobilistes s’arrêtaient brutalement, sortaient de leurs véhicules et hurlaient « Papy Connaaaaaaasse ! ». Les passants lui crachaient dessus, le transformant à chaque traversée en un tas de glaire vivant… Les vieux boulistes faisaient exprès de rater leurs tires, vous comprenez, ce genre de choses.
Le pire se produisait le soir, particulièrement aux moindres pleines lunes, veilles de weekends ou fêtes de villages.
Des jeunes et moins jeunes venant de tous le département, parfois en familles, se réunissaient à côté de la ferme devant son portail, hurlaient, criaient, jetaient des bouteilles contre la maison, voire parfois tiraient au fusil en direction de la façade.
Un bruyant tintamarre qui m’empêchait de dormir.
Un soir, Papy Connasse eut l’impulsion – et je ne sais ce qui lui passa par la tête, c’est bien là toute la bêtise des personnes âgées, quand l’âge avançant celles-ci n’ont plus conscience de rien – de lâcher son chien – un bâtard malinois âgé de trois ans – contre la foule, qui s’empressa de bloquer l’animal et de lui crever les yeux à l’aide d’un épais fil de fer.
Le rendez-vous nocturne devant la maison de Papy Connasse devint alors quotidien.
Bien qu’étranger à la région, et respectueux de la souveraineté des autochtones sur leurs propres territoires, je prenais dès le lendemain rendez-vous auprès du maire et du capitaine de gendarmerie pour mettre un terme à cette affaire. A ces français de souche sympathiques bien qu’avinés et consanguins, je faisais valoir mon droit à la tranquillité. N’était-il pas possible d’emprisonner Papy Connasse, pour trouble à l’ordre public ? Ou de prétexter le quelconque passage d’une autoroute afin de l’exproprier moyennant une poignée de ferraille ? Je ne pouvais continuer à vivre ainsi, cette situation énervait les chevaux de mon amoureuse, et un accident de la route dont les dommages ne furent heureusement que matériels fut à déplorer un soir, dans le croisement sauvage de véhicules non-homologués.
« Je ne suis plus un si jeune écrivain, et tout ce bruit nocturne risque d’entacher grandement ma prose, j’imagine que personne ici ne souhaite ça ? »
Le maire et le gendarme m’écoutèrent poliment, « bien sûr personne ne souhaitait ça » me répondirent-ils, et ils promirent de trouver une solution mais me demandèrent de leur laisser un peu de temps. Les options d’emprisonnement ou d’expropriation n’étaient pas juridiquement viables, et on ne pouvait faire entendre raison aux villageois – dans les campagnes, les rancunes sont tenaces et les raisons des litiges remontent parfois à loin. Peut-être Papy Connasse avait-il fait empiéter sa clôture de quelques centimètres sur un champ ou un chemin communal, à moins qu’il n’ait caché quelques juifs durant l’occupation – quoi qu’il en soit, le cas s’avérait complexe, le maire et le gendarme devraient trouver une solution avec le préfet, ce qui demanderait un certain temps.
Heureusement pour ma tranquillité et la qualité de ma littérature, la solution arriva soudainement.
Un soir, calmement, Papy Connasse pendit son chien aveugle à l’une des poutres du salon avant de se réserver la deuxième corde.
La morale de cette histoire est d’une simplicité éclatante.
Mais laissez-moi tout de même la verbaliser à l’intention de certains lecteurs un peu lents :
Lorsqu’un problème exceptionnel fait son apparition, bien souvent celui-ci se règle seul, et de façon exceptionnelle.
On dirait n importe quoi mais tellement pas! Canon.