Une des scènes de film qui m’a particulièrement marquée, c’est celle où Philippe Noiret, dans « Alexandre le Bienheureux » passe ses journées au lit, avec, accessible sans se lever, tout un bric-à-brac, dont ses saucissons, son vin et sa trompette. Car il n’a plus à subir une épouse qui le harcelait pour qu’il travaille bien plus que ce qu’il ne le voulait.
Eh bien, quand je serai à la retraite et avant que mes enfants devenus grands ne me demandent de garder leur marmaille, je ferai comme lui. J’aurai tout ce qu’il faut à portée de main depuis mon lit : mes livres, trois ou quatre en général, stylo pour les mots croisés, crayon et bloc note pour pouvoir écrire toute idée qui me viendrait et que je ne voudrais pas oublier, boîte de mouchoirs, de quoi essuyer les lunettes, sou- tasse pour poser la tasse à café, chargeur de téléphone… Pas de réveille-matin, évidemment. Quand mon cerveau me murmurera des idées, je ne bougerai pas. Je prendrai conscience le plus lentement possible de ma position dans le lit, je me demanderai si elle est tout à fait confortable. Si besoin je la corrigerai légèrement, puis je m’octroierai quelques respirations amples et j’attendrai de voir si je suis vraiment réveillée. Si ce n’est pas le cas, peu importe que le jour se lève, moi, été comme hiver, et je me rendormirai.
Si je ne ressens plus aucunement le besoin de dormir, alors me viendra l’envie de déjeuner, Donc, je me lèverai et je déjeunerai. En alternant, chaque matin, biscuits, biscottes et pain grillé. Idem pour jus de pomme, d’orange et multifruit. Sur le balcon avec les hirondelles à la belle saison. Et ensuite, luxe suprême que tous envieront, je me recoucherai. Voilà un plaisir d’aristocrate, d’esthète, impensable dans l’ochlocratie régnante actuelle. Quel dommage !
Quand je serai recouchée, je commencerai par trois minutes de lecture d’un recueil de maximes de sagesse. Puis un bimensuel de mots fléchés qui m’occupera bien trente minutes, avant de commencer la lecture du roman en cours. Alors là, il n’ y a pas de durée prévue. Un chapitre ou deux ou plus s’il y a des chapitres, sinon jusqu’à ce qu’il y ait une tournant dans la rédaction. Avant de poursuivre les lectures, un temps d’exploration du téléphone : météo, bien sûr, mails, SMS, WhatsApp, Messenger et autres Facebook. Là non plus, on ne peut pas savoir le temps requis par cette opération, cela dépend des messages. Mais de toute façon, une fois le jour levé, et moi encore au lit, quelle inimportance aura le temps ! Peut-être même que je m’octroierai une nouvelle séance de somnolence, cet état mental que j’affectionne particulièrement, probablement parce que c’est une état complexe, à la fois conscience et inconscience, pensée et rêve, ici-maintenant et ailleurs-une autre fois.
De toute façon, après, ce sera le moment d’aller chercher un café à boire au lit car cela complétera l’apothéose de ce début de journée : la lecture de l’essai en cours. Il parlera de philo, ou d’Histoire, ou de sciences… Mais comme après lui il n’ y aura plus d’activité au lit, il pourra s’étaler aussi longtemps qu’il le voudra. Et je présage, au vu du besoin que je ressens actuellement de ce genre de lecture, qu’il m’occupera une bonne partie de la matinée. J’ai bien conscience du syncrétisme de toutes ces activités, mais comme Alexandre dans le film, et nous tous dans la vie, on a besoin de bien des éléments disparates. Et moi c’est le confort et le plaisir de mon corps, les jeux d’esprit, les nourritures de mon imaginaire et de mes connaissances, mes liens aux amis et à la vie.
Oh, il est 7heures, j’ai somnolé et rêvassé trop longtemps, je suis en retard. Je dois me lever vite vite. Cela fait déjà un bon moment que le jour est levé…
Bonjour Chantal,
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