Chapitre 2

14 mins

                                                           Nathan

 
Élo ferma la porte de la chambre de bain doucement derrière elle et alla constater les dégâts. Son œil avait déjà commencé à cerner. Une raideur dans le cou était aussi bien présente. Les douleurs étaient donc réelles.
-Mais qu’est-ce qu’il essaie de me dire celui-là! se dit-elle, en mettant une compresse d’eau froide sur son œil blessé. Elle n’en était pas à son premier voyage avec Monsieur Henri mais jamais aucun ne se terminait ainsi.
Elle vit une ombre passée derrière elle.
Misère ! soupira-t-elle en fermant les yeux. J’aimerais tellement être quelqu’un d’autre!
Elle rouvrit les yeux et une larme coula sur sa joue …
Elle se traina jusqu’à l’école. D’une démarche lente et pesante, elle finit par arriver au coin du stationnement de la polyvalente. L’année scolaire se terminait bientôt et sa vie d’étudiante au secondaire aussi. Grande étape qui devait la mener au Cégep. Élo y était bien inscrite mais ne savait pas quoi faire de son avenir. Le néant l’attendait en septembre disait-elle en blaguant à ses cousins Tristan et Chloé lorsqu’ ils se réunissaient dans son grenier pour parler de tout et de rien.
Ils étaient jumeaux. Cousins et jumeaux d’Élo mais surtout ses meilleurs amis. Ils avaient été quasiment plus souvent ensemble durant leurs enfances qu’Élo et sa propre sœur Emma. Sa grande et unique sœur âgée de trois ans de plus qu’elle. Bien qu’elles vécussent sous le même toit, Emma n’était pas souvent à la maison. Elle était du genre à avoir besoin de plus de 24 heures dans une journée pour pouvoir tout faire. Comme si elle était poussée par une urgence de vivre, elle avait décidé que passer du temps à la maison était passé de mode. Elle avait obtenu son permis de conduire aussitôt qu’elle eut ses 16 ans et Élo, qui ne la voyait déjà pas beaucoup, ne la voyait que rarement désormais. Elle entretenait donc une timide relation avec sa « grande sœur ».
Plus jeunes, elles avaient partagé quelques activités et Élo pouvait même certifier que durant un court moment, elles étaient comme deux sœurs siamoises. Malgré leurs différences d’âge, elles avaient entretenu une belle et franche complicité qui n’avait duré que quelques mois, après la disparition de leur père. Comme si elles avaient eu besoin l’une de l ‘autre, elles s’étaient soutenues dans la tristesse et l’ignorance qu’elles partageaient, essayant du mieux qu’elles le pouvaient de s’adapter à leurs nouvelles vies. Elle est trop différente de moi pour avoir des affinités et même être ma sœur! pensait Élo. De toute façon, je suis désormais sûrement très bizarre à ses yeux répondait-elle à chaque fois à sa mère lorsqu’elle discourait sur le grand thème de la famille. Un jour, je suis convaincue que vous aurez besoin l’une de l’autre! Finissait-elle toujours par lui répondre !
Ouff! C’est tellement lourd!
Mais comme chaque fois, elle ne laissait rien paraitre, pour ne pas faire de la peine à sa mère. Un sentiment de dégout et d’infini tristesse l’enveloppaient. Comment pouvait-elle parler de « famille » lorsqu’il n’y a pas de « Papa »! Une famille c’est avec une mère et un père. Pas juste une mère et ses filles se disait-elle en se mordant la lèvre du bas presqu’au sang. Maudit sois-tu, espèce de faux père!
Elle entra dans la cour arrière de la polyvalente. Les autobus se stationnaient l’une derrière l’autre, laissant sortir les étudiants tantôt turbulents ou un peu trop heureux d’aller à leurs cours, tantôt endormis et marchants comme des zombies jusqu’à l’entrée de l’école.
Tristan et Chloé étaient déjà arrivés depuis un bon moment et s’étaient collés à un groupe d’ami(e)s qu’Élo reconnus presque juste à leurs cris et leurs drôles de commentaires. Attroupés et excités comme s’ils faisaient un « cocus », quelque uns semblaient regarder un vidéo sur un téléphone cellulaire. Il sembla très amusant parce qu’elle les entendit s’esclaffer de rire. Certains fumaient, d’autres textaient. Ils ne la virent donc pas arriver. Chloé leva la tête et aperçu Élo. Son visage s’éclaira pour ensuite laisser place à une inquiétude qu’elle eut du mal à dissimuler. Elle se dégagea du petit groupe pour aller la rejoindre. Tristan qui avait vu l’inquiétude de sa sœur, les rejoignit quelques secondes plus tard.
-Woooo! Élo mais qu’est-ce qui t’es arrivée? ton œil! s’exclama Tristan un peu trop fort. Élo le dévisagea en anticipant la suite. En effet, en quelques secondes, tout le groupe se retournèrent pour essayer de comprendre ce qui se passait.
-Pouahhh !! Élo t’es-tu battu !! cria Morneau en pointant son œil. Tous s’esclaffèrent de rire. Comme un troupeau, le groupe s’avança doucement vers elle en riant et en gesticulant. Morneau était la grande gueule du groupe. Il aimait rire mais surtout rire des autres. Charlotte Tremblay et Amy Sauvageau regardèrent Élo inquiètes.
-Est ce que ça va aller Élo? Que t’est-il arrivé? dit Charlotte en se retournant vers elle. Comme à son habitude, elle se prit une mèche de cheveux et se mit à la tourner doucement entre ses doigts en la regardant. Elle fit une grosse bulle avec sa gomme et se mit à rire en entendant le bruit de claquement qu’elle venait de faire. Sans attendre la réponse, elle gloussa de plus belle.
-Me suis frappée la tête sur une porte! Je vais bien! répondit Élo en baissant la tête comme pour dissimuler son mensonge.
-En tout cas tu ne t’es pas manqué! ajouta Morneau en riant, comme pour étirer le spectacle.
Tous se mirent à rire sauf Tristan et Chloé qui prirent Élo par le bras et se dirigèrent avec elle vers l’entrée de l’école.
En ouvrant la porte d’entrée, Élo cru entendre une voix plus que familière. Celle de Nathan. Elle ne l’avait pas revu depuis quelques semaines. Sa mère était décédée d’un cancer.
Elle leva les yeux et le regarda. Il était aussi beau que la dernière fois qu’elle l’avait vu dans son cours de Science. C’était lui mais … il avait quelque chose de différent. Une pâle absence d’émotion dans son regard. Quelque chose qui n’était pas là auparavant. Elle était douce et subtile mais semblait tellement lourde à porter.
Élo soupira et se força à entrer à l’intérieur de l’école. Elle se retourna une dernière fois et lui jeta un dernier coup d’œil par la fenêtre de la porte vitrée. Une présence l’accompagnait. C’était bien elle, c’était sa mère. Élo le sentait. Elle avait déposé sa main sur une des épaules de Nathan. Elle était enveloppée d’une belle lumière blanche et translucide et veillait sûrement sur lui. Élo sentit son cœur se contracter. Oui! tout est bien revenu! Pas à moitié mais en totalité et il lui sembla encore plus fort. Elle l’avait bien ressentit en Nathan. Comme devant un gigantesque écran, elle voyait chaque détail de sa peine et de sa détresse qu’il cherchait à cacher. Étalés et bien exposés, elle ressentit comme un coup de poignard au cœur. Les émotions des terribles événements qu’il avait dû vivre et les efforts qu’il avait dû faire pour accepter l’inacceptable.
-Merde, je ne veux pas voir ça ! Merde, Merde, Merde! Siffla-t-elle entre les dents.
Elle se dirigea à son casier sans regarder ses cousins qui la dévisageaient. C’était inutile de poser des questions, ils savaient ce qui se passait ou du moins s’en doutaient. Chloé grimaça et regarda son frère. Elle lui mima discrètement d’essayer de dire ou de faire quelque chose.
Chloé ne parlait pas beaucoup. Elle ne parlait presque jamais en fait. Discrète, c’était le cerveau du trio. Se sentant de trop partout, elle laissait son frère faire le travail. Bouffon et taquin, il ne manquait pas une occasion de blaguer. Pour lui, la vie n’était qu’un jeu et pourquoi ne pas la pimenter d’humour.
-La porte c’était rigolo mais avoue que tu t’es pris les pieds dans tes draps ce matin en sortant du lit hein !!! lâcha-t-il comme pour initier la conversation. Il savait qu’il allait se faire répondre du tac-au-tac par Élo mais il était prêt. La joute verbale pouvait commencer.
Élo ne répondit pas.
Étrange.
Elle qui a généralement la langue bien pendue, elle ne manquerait pas la belle occasion de boucher son cousin.
Elle se contenta de les regarder et ferma son casier.
Élo tourna les talons et lâcha presqu’en chuchotant un secret :
-C’est revenu!
Tristan et Chloé se regardèrent surpris.
Boummm!
Cela eu l’effet d’une bombe. Surpris mais soulagés de savoir enfin ce qui la tenaillait, ils coururent derrière elle pour essayer de la rattraper. Chloé arriva la première. Elle se plaça volontairement devant sa cousine, la forçant à s’arrêter au beau milieu du grand escalier les menant à leur premier cours. Elle tira doucement son bras pour l’amener loin des étudiants qui essayaient de monter et de descendre en vitesse pour ne pas être en retard en classe. Chloé se tourna vers sa cousine, elle prit doucement son visage entre ses mains et plongea ses yeux dans ceux d’Élo. Sans dire un mot, elle cherchait quelque chose dans son regard. L’infime lueur d’un mal entendu ou du moins d’une mauvaise compréhension de ces quelques mots, lourds de conséquences. Élo ferma les yeux doucement et sentit des larmes coulées sur ses joues. Elle s’écarta doucement d’elle et sans rien dire, elle monta lentement les marches menant à son cours de Mathématique.
Tristan arriva sur l’entre fait. Il regarda sa sœur sans parler et tous les deux, la suivirent du regard, monter les quelques marches restantes, pour se rendre à son cours. Il n’y avait pas d’ambiguïté, Élo l’avait confirmé. Ils savaient qu’à un moment ou à un autre, Monsieur Henri reviendrait. Tristan se gratta la tête et prit sa sœur par le cou. Ils se devaient d’être là pour elle … encore une fois. Même s’ils ne comprenaient pas tout ce qui lui arrivaient, ils se devaient de l’écouter et de l’aider. Chloé regarda son frère en se frottant les lèvres du revers de sa main libre. Des souvenirs récents remontaient déjà.
Elle soupira.
Chloé était dans la même classe qu’Élo. Elle alla donc la rejoindre quelques minutes après l’épisode des escaliers. Elle la regarda en souriant. Elle ne voulait surtout pas qu’elle s’inquiète outre mesure pour tout ce qui se passait. Elle était sa meilleure amie et sa confidente mais elle savait qu’Élo ne lui disait pas tout.
Ils avaient été témoins de plusieurs événements et tragédies ,elle et son frère, et cela … malgré eux. La dernière et la plus récente avait été particulièrement difficile. Ils avaient été témoins du passage de leur grand-mère de l’autre côté du miroir. Elle était décédée l’année précédente d’une longue maladie. Éloanne était présente lorsque leur grand-mère les avait quittés ainsi que toute sa famille qui la veillait depuis quelques jours. Lorsque son âme quitta son corps physique, au moment précis où tout était fini, ils avaient été témoins d’un magnifique spectacle. « Ils » étant elle, son frère et éloanne. Pourquoi seulement eux! Élo lui avait répondu ne pas savoir pourquoi seulement les enfants avait pu être témoin de ce spectacle assez particulier. Ils virent l’âme de leur grand-mère s’extirper tout doucement de son corps qui était couché dans son lit et la virent flotter au-dessus d’eux. A ce moment, Élo ne savait pas et n’avait pas compris que l’on pouvait voir comme elle. A voir nos visages figés, elle dit avoir su tout de suite que quelque chose clochait.
Tristan avait crié: Mamie! c’est bien toi?
Chloé su alors qu’il voyait le même spectacle qu’elle. C’était véritablement la première fois. Nous étions les oreilles qui écoutaient les « aventures » d ‘Élo mais jamais nous n’avions été témoins de quelque chose de semblable moi et mon frère.
Élo lui avait raconté avoir vu Monsieur Henri apparaitre doucement à côté d’eux. Il lui avait soufflé que nous devions voir pour comprendre ! Puis il était disparu.
D’immenses ailes blanches avaient entouré le corps translucide de sa grand-mère. La dernière image qu’ils purent voir fut son magnifique sourire.
Ils restèrent longtemps silencieux. Puis, sans faire un bruit, ils étaient sortis en douce de la chambre. Élo les avait suivi de près. Chloé s’était dirigée dans la salle de bain pour vomir et Tristan quelque peu chambranlant cherchait un endroit tranquille pour reprendre ses esprits. Élo leur raconta plus tard qu’elle était entrée dans une grande colère. Pourquoi ne pas les épargner. Il y a assez de moi qui doit subir ce fardeau! Avait-elle dit. Elle en voulait à Monsieur Henri, à Dieu ou celui qui gouvernait l’au-delà et à tous ceux qui avaient permis que cela puisse se produire.
Ce ne fut que quelques semaines après les funérailles qu’ils purent en parler librement et sans émotion. Le trio s’étaient réunis comme à l’habitude dans la chambre d’Élo située au grenier de leur grande maison. Sans avertissement Chloé s’était mis à pleurer. Ils parlèrent longuement de ce qu’ils avaient vu. Pour une rare fois, Élo sembla heureuse de pouvoir les rassurer. Les rôles étaient temporairement inversés.
Mais aujourd’hui, elle était dans un tout autre état. Elle savait qu’elle allait devoir composer avec son don tôt ou tard mais pas là, pas maintenant. Son répit avait été de courte durée. Elle se força à sourire et fit un clin d’œil complice à Élo. Elle se retourna vers le professeur qui avait déjà commencé son Bla Bla habituel.
Le cours de mathématique était donné par Monsieur *Serge* Plamondon. Élo se plaisait à l’appeler Serge parce que même si son nom était plutôt Bertrand Plamondon, elle était persuadée que son vrai nom, celui qu’on aurait dû lui donner à la naissance, était Serge. Tout ce qu’il dégageait était comme pour un homme qu’on aurait pu appeler affectueusement Serge. Sa voix, sa moustache, ses habits et même ses cheveux étaient du type Serge. C’est-à-dire « brun ». Il sortait tout droit des années 80, ou n’en était jamais sorti. Élo savait qu’il y avait de ses gens qui restaient accrochés à une époque comme si s’était celle qui les avait rendus heureux.
Et ces fameuses couleurs transparaissaient non seulement dans la personnalité mais aussi et surtout dans leurs énergies vitales. Sans surprise Élo se remit à voir les couleurs qui entouraient les corps des étudiants autour d’elle incluant celles de son professeur. En majorité, elles étaient tous pareils, tintés de jaune, de bleu et de rose. Celles de « Serge » étaient joyeuse et même intense pour un professeur. Il aimait sûrement ce qu’il faisait puisque son énergie semblait doubler lorsqu’il s’adressait à ses étudiants. On sentait bien qu’il nourrissait encore, malgré ses nombreuses années d’expériences, une véritable passion pour l’enseignement. Élo remarqua même des teintes de violet. Oh le coquin! Surprenant pour un professeur de mathématique aussi ennuyeux. Quelques fois, elle apercevait des traces de gris ou même de noir. Elle savait qu’elle ne devait pas s’en approcher. Trop de négatif ou même d’idées noires n’était pas bien bon. Déjà qu’on lui imposait ce spectacle, elle ne voulait pas jouer à la sauveuse en plus. No way! Elle se contentait de baisser les yeux et de continuer son chemin.
Elle ne voulait pas devenir la Mère Theresa des âmes perdues. Non pas question! Elle devait donc vivre avec toute une panoplie d’arcs-en-ciel qui s’étalaient devant elle. Elle ne s’ennuyait pas de ce spectacle. 
Misère!
Élo se sentit tout à coup empoignée par le bras et tirée vers l’arrière pour ensuite rebondir un peu trop fort sur le banc servant de siège aux élèves. Stupéfaite, elle resta figée quelques secondes puis regarda autour d’elle en cherchant le coupable. Personne. Mais tous les regards étaient désormais tournés vers elle. 
Au secours! 
Elle était tombée le cul par terre. Elle se releva d’un bon et couru se rassoir « discrètement ». Ce n’était pas le mot approprié pour décrire ce qui venait de se passer. Se considérant comme un éléphant marchant avec des talons haut, Éloanne était tout sauf discrète. Tous les élèves pouffèrent de rire à l’unisson. Elle chercha Chloé du regard qui elle-même cherchait à étouffer un petit fou rire. Elles ne purent se retenir plus longtemps et se joignirent à l’écho des rires de la classe.
Dans un craquement cynique, le prof fit taire la salle d’un coup!
– Pouvez-vous faire encore plus de bruit Mlle Éloanne s.v.p.! Il me semble que vous ne dérangez pas encore assez toute la classe. Daignez faire attention s.v.p., sinon sortez ! dit-il de façon plus que dramatique en fixant Élo droit dans les yeux. Elle vit son énergie doublée et toucher presque le plafond. Il s’était appuyé sur le bureau avec un livre à la main qu’il ouvrait et fermait doucement comme s’il était vivant. Il le posa finalement sur son bureau et fit mine d’attendre une réponse.
Élo ne releva pas. Elle se contenta de regarder en avant dans le vide. Elle se cala sur le banc et attendit que le cours reprenne. Professeur « Serge » reprit donc son long discours. 
Nathan, qui était assis non loin d’elle continua à la regarder. Élo leva les yeux et soutint son regard. Une, deux, trois secondes. Ahhhhh !!! Une chaleur traversa son corps. Il lui sourit timidement et se retourna pour continuer à écouter les explications du professeur.
Élo essaya de se calmer.
Était-est-ce ce qu’elle croyait ou bien seulement la surprise de voir de si près son œil meurtrit. Son sourire était-il par compassion ou ?
Hein ! non!
Son cœur se mit à battre dans sa poitrine. Que se passe-t-il! Se dit-t-elle en soupirant.
Non, je ne suis pas en train de …Ahhhhh. Nooonnnnn! Moi la bizarroïde. Elle releva la tête et le regarda à nouveau du coin de l’œil. Elle étudia sa silhouette. Il était grand et large pour son âge. Ses cheveux châtain blond relevé à l’avant lui donnait une allure de James Dean des années 2000. Ses yeux bleus étaient ce qu’Élo aimaient le plus de lui. Lorsqu’elle l’avait regardé, à peine pouvait-elle soutenir son regard tellement il était intense. Non, calme-toi! Tu ne dois pas… Tu ne dois jamais! Tant que t’aura un pied dans chacun des deux mondes, tu ne dois pas t’approcher de lui. Il va te traiter de folle de toute façon! Je ne peux pas et ne veux pas! répéta-t-elle comme pour se convaincre elle-même. Chloé tourna la tête et fronça les sourcils. Pendant quelques secondes, Élo jura avoir eu l’impression qu’elle avait entendu ses réflexions tordues. Toutes les deux se regardèrent quelque peu confuses.
Élo eu une légère nausée ou était est-ce la lassitude qui prenait sa place doucement dans son cœur. Non, elle le sentait intérieurement, elle ne devait pas laisser entrer Nathan ni personne dans sa vie autre que par amitié. Il allait souffrir et elle aussi. Une partie d’elle le voulait terriblement et cela jusqu’à la nuit dernière mais désormais l’autre côté d’elle, lui criait à tue-tête de s’éloigner pour mieux le protéger. Sa mère venait de le quitter. Elle la sentait tout autour de lui. Le jaune pâle mélangé au gris l’entourait. Elle savait comment il pouvait se sentir et ne voulait pas en rajouter une couche. Elle chassa ces idées qu’elle plaça dans la filière des idées « saugrenues » et commença à essayer de se concentrer sur le sermon sur la montagne de monsieur « Serge »! Il est tellement brun pensa-t-elle en se perdant dans la vision de son sombre et dégarnit toupet huileux.
L’avant midi fut fort chargé et le trio ne purent discuter des propos du matin qu’à l’heure du lunch. Installés dans un coin, Tristan attendait le bon moment pour enfin oser initier la conversation.
– Alors ma chanceuse, Monsieur Henri is back! Osa-t-il dire en lui donnant une petite claque dans le dos.
Élo regarda autour d’elle comme s’il l’avait crié à tue-tête! Elle soupira et se contenta de lui faire les gros yeux.
-Tristtt. Ne parle pas de ça ici! Tu le sais que ce n’est pas l’endroit! dit Chloé en le grondant.
-Tu le savais que ça reviendrait pourtant! Ça revient toujours répondit Tristan du tac au tac sans se préoccuper de la réprimande de sa sœur. Il attendit la réponse de sa cousine qui tardait à venir. Élo sentit un mélange de peur et de rancune dans sa voix.
-Tu ne peux pas vivre comme si cela allait te quitter un jour, ça fait partit de toi Élo. Que tu le veuilles ou non reprit-il plus doucement, en la regardant dans les yeux.
-Je sais ! se contenta de répondre Élo en frottant doucement son l’œil meurtrit. Elle voulait oublier l’épisode de cette nuit mais son œil, témoin de sa petite aventure, lui rappela que tout cela avait été bel et bien réelle. Elle courba le dos et lâcha un autre long soupir. Elle se frotta le menton et regarda au loin. Tristan et Chloé comprirent que la discussion était désormais clos et que de toute façon, rien de bon en sortirait.
Entourée de dizaines d’énergies qui semblèrent explosées et implosées à la fois, Élo se réfugia dans sa tête. Là où elle était certaine que personne ne la verrait, ni même la jugerait. Assit sur son petit tabouret, elle regardait dehors par une toute petite fenêtre sans rideau ni décoration. Elle se balançait d’en avant en arrière, la main sur la bouche en réfléchissant. Elle n’avait que 7 ans peut-être moins. Quelle importance, elle était dans «SA » tête. Par la fenêtre, une ombre attira son regard. Une silhouette d’enfant qui ne fit que passer. Peut-être était est-ce son imagination.
Non, elle le vit passer. Il avait décidé de se présenter à elle finalement.
Petite tête blonde, grassouillet, yeux verts. Élo aurait juré qu’il avait le même âge qu’elle. Il tournait autour d’elle en souriant et en marmonnant une comptine qu’elle n’arrivait pas à comprendre.
-Qui es-tu et que fais-tu dans ma tête étrange petit garçon ? murmura-t-elle prudemment, en le regardant s’éloigner tout à coup.
-Je suis Théo et toi Élo! Je te connais et toi aussi répondit-il en chantonnant.
-Théo! Attend. dit-elle à haute voix comme pour rattraper le garçon.
-Je ne peux pas te parler plus longtemps, elle va me gronder répondit-il.
-Qui…va te gronder? 
Mais la question resta sans réponse puisqu’il avait de nouveau disparut. 
Élo! … dit une voix vaguement familière derrière son dos.
Élo sursauta et se leva vivement comme pour partir. Elle perdit l’équilibre et se retrouva nez à nez avec… un visage.
Mais pas n’importe lequel. Celui de Nathan.
Comme pour reprendre son espace, et surtout ne pas tomber au sol en amenant Élo avec lui, il recula d’un pas.
Un silence pesant s’installa.
– Allo ça va ? dit Élo machinalement comme pour se reprendre et ne pas perdre le peu de dignité qui lui restait.
Elle se défendit en ajoutant … Désolé, j’étais dans la lune. Ça va toi ?
Ah… je te l’ai déjà demandé! Elle se gratta le cou nerveusement et leva finalement les yeux pour enfin le regarder.
-Oui ça roule! Finit-il par répondre. Je voulais savoir si tu venais au skate Park demain soir. Il va y avoir une petite compétition maison. Tout le monde se rencontre pour « chiller ». Ça vous dit? La dernière partit de sa phrase s’adressait particulièrement à ses cousins. 
Un grand Ouff! sembla détonner d’Élo.
Au même moment la cloche annonçant le début des cours d’après-midi se fit entendre. Élo muette et figée ne pouvait répondre. Elle sentit ses joues devenir rouges et son cœur fondre dans sa poitrine.
-Ehhhh… oui, non, je ne sais pas trop en fait ! finit-elle par bafouiller.
– En.t.k., a plus, peut-être ! dit-il en courant rattraper ses amis qui sortaient de la cafétéria. Il était presque sorti quand Élo lui répondit timidement et d’un seul souffle: 
« Oui peut-être, on verra »! mais il était trop tard…
-Ahahaha! Élo! As-tu vu tes joues, tu es toute rouge et tu dégoulines! dit Tristan en la pointant du doigt pour la taquiner. Oulala !!! Il te fait de l’effet celui-là!
-Arrête Tristtt…tu vois bien qu’elle est tout à l’envers gronda encore une fois Chloé.
Élo se ressaisit et les regarda en riant!
-Je ne sais pas de quoi tu parles! Tristtt, y fait très chaud ici! répondit-elle en feignant volontairement la vérité. Elle jeta un regard complice à Chloé.
La deuxième cloche venait de retentir. Ils devaient se dépêcher pour arriver à l’heure pour leur premier cours de l’après-midi.
-Alors, on y va demain soir au Skate Park! dit Tristan en prenant ses deux acolytes par le cou.
-Oui on y va et tu sais quoi? … On va tous les battre! Répondit Éloanne faussement joyeuse.
En longeant le corridor menant à son cours de français, elle comprit qu’elle cherchait à noyer les événements des dernières heures. 
Et pourquoi pas! Se dit-elle, pas du tout convaincu de la suite.

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