La rançon

3 mins

C’était un matin d’hiver. Un matin qui vous glace par son froid intense. Arthur n’avait pas eu si froid depuis bien longtemps mais le sentiment qui l’avait saisi au réveil était bien plus prégnant que le froid vivace de l’hiver.
Elle était manquante. Disparue… Hier encore, elle était là mais aujourd’hui, plus une trace d’elle.

Cela faisait une journée entière qu’il la cherchait. Sans elle, il n’était plus lui-même. Son inspiration, son esprit n’avait de cesse de retrouver l’absente.

Il avait enfilé un t-shirt et un pantalon en vitesse, en proie à une terreur indicible. Retourner son appartement n’avait pas été chose facile mais il l’avait fait en espérant se sortir de cette impasse. Elle n’avait pas pu partir bien loin. Sa situation l’en empêchait grandement.

Il avait vérifié que sa porte était restée fermée. Elle aurait pu être enlevée par un de ses copains codeurs. Une blague de mauvais goût ! Pourquoi pas ? Mais il était prêt à tout pour la retrouver.

Après tout, n’était-ce pas… Sa chaussette porte-bonheur ?

Il l’avait enlevé hier soir pour coder comme à l’accoutumé mais impossible de la retrouver ce matin. Loki, son chat névrosé, ne mangeait pas encore de chaussettes et jusqu’à preuve du contraire, celles-ci prenaient rarement leurs jambes à leurs cous.

Qu’avait-il pu advenir de la dernière de sa lignée. Le monde avait cessé d’exister tel qu’on l’entend dire habituellement, un mois avant. Les ¾ de la population avaient expiré à cause de la vague de pollution nucléaire engendrée par la dernière guerre mondiale.

Lui et ses amis vivaient dans un bunker sous des tonnes de terre qu’un de ses colocataires survivalistes avait aménagé bien avant les faits.
Le neck plus ultra. Électricité, eau, tout. Internet n’existant plus, ils travaillaient en local, sortaient peu du bunker et se géraient en autarcie souterraine depuis des mois.

Les rares cas où ils sortaient, ils le faisaient par deux. A savoir qu’ils étaient vingt ingénieurs chevronnés à plancher sur des solutions de sauvetage pour l’humanité. Quand ils sortaient pour chercher des vivres manquants, il n’était pas rare qu’il manque des gens au retour. Au départ, ils étaient cinquante, c’est pourquoi le nôtre n’avait pas fort envie de se rendre à l’extérieur. Cette fois pourtant, ça n’était pas pareil.

Après avoir retourné le bunker sans ménagement, il avait enfilé une combi, des chaussures adaptées, un scaphandre, pesté dix fois sur le sentiment désagréable de n’avoir aucune chaussette dans sa chaussure et il était sorti avec la ferme intention de retourner le monde pour la retrouver.

Mais voilà, c’était pas si simple dans un monde où les champignons sont des ennemis toxiques avec des dents tranchantes. La flore luminescente, contaminée par les émanations meurtrières de la guerre, avait développé une sorte de mécanisme de défense imprévu et là où la population n’avait pas succombé à l’attaque déstructrice, elle avait été décimée par les monstres générés par celle-ci.

Même les objets avaient trouvé une seconde utilité car les plantes standards avaient trouvé des moyens de fusionner avec des outils humains tout ce qu’il y a de plus communs. On pouvait ainsi trouver des marguerites de combat avec XP hors normes et des feuilles remplacées par des couteaux.
Là où avant il n’y avait que passivité, c’était développé l’inventivité face à la menace. Les arbres se mouvaient et les champignons sortaient du sol plus menaçants que jamais.
L’être humain était devenu la cible à abattre. Le prédateur prédaté.

    Cela faisait maintenant deux semaines qu’il parcourait la face du monde ravagé. Il n’avait vu des survivants que des traces de passage bref et de ce voyage, il retirait déjà moultes blessures et des injures à foison.
    Quand au détour d’un Aldi complètement saccagé, il fit la rencontre d’un champignon des plus étranges, il comprit in-extrémis qu’il s’agissait du boss de sa quête et que récupérer son bien serait plus compliqué que prévu. Affublé d’un tissu identique à la chaussette manquante, une girolle aux dents ciselées façon langolier avait fait un trou dans le bout pour passer sa bouche immonde et d’un regard vilain et mesquin se dirigeait vers notre héros.

    D’un bon, d’un seul, notre ingénieur fit une grande roulade pour éviter le monstre recouvert de coton couleur rouge à carreaux bleus et se retrouva nez à nez avec sa petite sœur non moins effrayante, girolle numéro 2.
Plus petite mais plus coriace, elle rendait au centuple tous les coups administrés par Arthur.

Après avoir esquivé sans relâche pendant près d’une demi heure, la vilaine miniature fit une ruade vers lui qui le projeta sur son homologue version XXL. Il n’eut le temps de se retourner que pour se voir arriver sur la pique de l’une de ses dents acérées. Il ferma les yeux pour les rouvrir en hurlant sur sa chambre, les fesses sur le sol et endolories.

Un rêve ?

– Arthur !!
– Oui, maman !
– J’ai encore trouvé une de tes chaussettes dans le salon. Je te préviens, je la mets à la poubelle la prochaine fois ou je la donne à manger au chien du voisin!
– Oups !

FIN

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