Jour 6. Lundi 25 mai 2020. 22h37.
Toujours là. Etonnée toujours, mais moins que les premiers jours . On dirait que j’ai réussi à me créer une habitude positive puisque j’y reviens. Je suis même en avance sur l’horaire aujourd’hui !
Autant hier j’ai eu du mal à me mettre à écrire et j’ai dû un peu me forcer, autant ce soir je n’ai pas de difficulté, si ce n’est trouver quoi écrire. Dans quelle direction va donc bien pouvoir partir ma pensée ? Le mot “rêve” que j’ai employé hier en reprenant une citation de Gérard de Nerval m’appelle.
D’aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours accordé une importance certaine aux rêves que je faisais. Je les notais même. Je les racontais en famille. J’ai toujours été fascinée par les histoires qui pouvaient m’arriver la nuit. J’ai fait quelquefois des cauchemars qui me réveillaient en sursaut.
Ce que je trouvais surprenant, c’était de faire des rêves identiques à plusieurs semaines ou mois d’intervalle. Quelquefois, un élément ou l’autre, la fin, changeait. A un moment donné, je me suis rendue compte que je pouvais moi-même décider de la tournure que prenait le rêve. Si durant mon rêve je me rendais compte que je l’avais déjà fait, je me mettais à réfléchir sur ce qu’il faudrait changer pour l’améliorer et je le faisais. Je trouvais ça vraiment amusant de pouvoir maîtriser le contenu de mes rêves.
Il y a quelques temps, j’ai parlé de ces modifications de scénario que j’opérais dans mes rêves à une amie et cette dernière me dit que cela s’appelait des “rêves lucides”. Je n’en avais jamais entendu parler auparavant. Apparemment, certaines personnes s’entraînent à faire de tels rêves en se mettant dans des conditions particulières alors que pour moi c’est tout naturel. C’est un domaine qui a l’air passionnant, seulement je souhaite continuer de rêver librement et ne pas mettre de nouvelles contraintes à ce qui n’en a à mon sens pas besoin. Le jour a suffisamment d’obligations pour ne pas s’en rajouter la nuit…
“Le rêve est une seconde vie.” Oui, quand on se voit acteur de sa propre vie dans un rêve et qu’on module ce rêve selon nos envies, le rêve se transforme en pièce de théâtre, où nous jouons le rôle de metteur en scène. C’est grisant, ce pouvoir de décider comment les choses doivent se passer.
Mais si “le rêve est une seconde vie”, alors cela voudrait peut-être aussi dire que l’on peut prendre le pouvoir sur notre vie tel le metteur en scène de la pièce de théâtre de nos rêves ? Et si c’était possible ? Et si nous nous croyions capables de devenir les maîtres de notre vie plutôt que d’être des marionnettes soumises au bon vouloir d’un metteur en scène inconnu ? Et si… Et s’il suffisait d’y croire, pour toucher du bout des doigts ce pouvoir, et qui sait, d’y prendre goût ? Et si…
Un autre aspect de mes rêves m’a aussi souvent interrogée. Quelquefois, je faisais des rêves bizarres, avec des personnes inconnues ou connues, peu importe. Leur point commun était que c’étaient des situations tout à fait ordinaires. Au matin, j’étais assez perplexe de leur banalité. Je cherchais à en comprendre le sens, à comprendre pourquoi je pouvais bien rêver ces choses-là et n’y parvenais pas. Des semaines ou des mois plus tard, je vivais ma vie éveillée ordinaire et soudain je stoppais net ce que j’étais en train de faire. Les regards interloqués de ceux qui m’entouraient et me voyaient interdite, ne recevaient que pour réponse pour le moins saugrenue : “j’ai rêvé de ce moment-là”. Est-ce cela que certains nomment “rêves prémonitoires” ? Peu importe leur nom. Ce genre d’anecdote m’est arrivé de nombreuses fois, le sentiment étrange qui accompagne la reconnaissance d’un rêve passé est toujours le même.
“Le rêve est une seconde vie.” J’aime faire des rêves. Ce qui donne pour moi la plus grande valeur au rêve, c’est le fait de pouvoir dialoguer avec des personnes qui ne vivent pas ou plus avec nous. Des personnes que l’on n’a peut-être jamais rencontrées. En ce qui me concerne, ce qui m’apporte le plus de joie, c’est quand je vois ma grand-mère, que je parle avec elle dans mes rêves, alors qu’elle nous a quittés depuis bientôt 30 ans. J’aime à croire que la profondeur des liens que nous avions autorise ces conversations intemporelles. Je suis pleine de gratitude au matin d’une nuit où j’ai pu rêver d’elle. Ma journée ne peut que bien se passer après une visite nocturne d’une telle importance.
En lisant tout ceci, l’on pourrait croire que je suis une originale. C’est possible. Ce que je sais, c’est que j’aime ce petit côté extra-ordinaire qui donne un peu de piquant à ma personnalité. Il n’est pas bien méchant, il ne se révèle qu’en compagnie de Morphée.
23h24