Personne n’est parfait-chapitre 10

Partie 2 : L’écho

Chapitre 10

Lundi. Je suis sereine. Aujourd’hui est un jour de paix. Parce qu’aujourd’hui, après ces quelques jours de latence, c’est décidé, je redeviens moi. Ce que je suis depuis de si nombreuses années, jusqu’au bout des ongles. Ce qui me fait bouffer, respirer, vivre. Ce qui me tient debout. Ce qui est finalement tout ce qui me reste. Mon boulot.

Les chefs, l’administration, le marketing, les finances et les services techniques ont leurs propres bureaux alors que nous, la quarantaine d’employés qui restent, travaillons en open space. En face à face, sur nos ordis, à la lumière de nos lampes de bureaux ou en profitant de la clarté que les baies vitrées nous offrent si le temps le permet. C’est un plaisir de travailler ici, dans ces conditions optimales.

L’emménagement remonte à peine à une dizaine d’années. Tout est moderne. Meubles et murs blancs, confortables chaises high tech rouges, d’imposantes colonnes entre les bureaux, parfois édulcorées, comme celle près du mien, de stickers en tout genre. Sur les étagères, les archives et les livres peinent encore à combler tous les emplacements. Et au dernier étage d’un immeuble situé dans un passage, nous sommes à l’abri du bruit des boulevards. D’ailleurs, à l’intérieur aussi, c’est étrangement calme ce matin. Ça m’agace. Habituellement, ça fourmille de partout et ce n’est pas à cause des vacances scolaires que le monde doit arrêter de tourner.

Ce matin, je suis arrivée à 7h. J’ai dû remplir la paperasse due à mon déplacement de vendredi et je n’aime pas ça. Je suis une administrative consciencieuse, comme dans tout ce que je fais, mais ça m’emmerde. Ce n’est pas là où je me sens à l’aise.

Moi, j’observe, j’analyse, je communique. Dans le quotidien, on croise toutes sortes de personnalités. On vit toutes sortes de situations. Peu importe, je dois retranscrire les faits, vous livrer ma part de vérité. Celle qui fera l’événement. Et je cravache plus dur que n’importe qui pour ça. La vocation, je l’ai dans le sang. Ça transpire par tous les pores de ma peau. Mais je suis une éternelle insatisfaite.

Ah ! Je rêve du jour où mon esprit me laissera enfin une trêve. D’un moment où on pourrait tous profiter de la fête au lieu de se déchirer. Sans se soucier de qui on est, d’où on vient. Oublier les genres, les statuts sociaux, les codes. N’être rien d’autre que ce qu’on a envie. Sans se soucier des apparences. Le monde des Bisounours ? Ça serait peut-être fun finalement. Et puis, c’est facile sur le papier. On parfait, on adoucit. Tout est beau, tout est rose.

Dans la vraie vie, les apparences, moi, j’ai toujours appris à m’en méfier. Déformation professionnelle. Des connards, j’en vois tous les jours. Tout comme des gens bien. Ou blessés. Sans oublier le lambda, qui se situe quelque part entre les trois. La vie est un drôle de jeu d’équilibriste parfois.

J’épluche les infos, je passe des coups de fil. Mais rien ne retient particulièrement mon attention. Bien sûr, j’ai préparé ma sélection. J’y suis obligée. Pourtant, je ne suis pas convaincue. Ce sera mon défi d’arriver à en tirer quelque chose de convenable. Il faut faire avec ce qu’on a de toute façon. Mais je ne m’énerve pas, c’est comme ça.

Puis bientôt, il sera temps de bouger. Et sur place, dans l’urgence, je saurai faire le tri. Car comme dans tous les tafs, à un moment ou à un autre, je devrai rendre des comptes. Et comme pour me le rappeler, à 9h30, Paul se pointe, un dossier à la main. Paul, mon chef, mon ex-amant, mon ami. Mais ça, ici, il n’y a que vous et moi qui le sachions.

Inspiration : Cosmo, Soprano

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