Personne n’est parfait-chapitre 20

4 mins

Partie 2 : L’écho

Chapitre 20

On va de temps à autre dans cette brasserie avec Paul. Ce n’est peut-être pas la meilleure table de Paris mais elle se situe à moins de cinq minutes à pied de notre lieu de travail, c’est l’avantage. La cuisine est plutôt bonne, le cadre agréable, le personnel sympathique et les prix raisonnables.

J’ai insisté pour qu’on s’installe en terrasse et pas seulement parce que j’ai besoin de fumer. Aujourd’hui, le temps est au beau, une belle journée de printemps qu’il faut savoir apprécier quand elle se présente. En ajoutant des ventaux latéraux, Axel, l’heureux propriétaire, que tout le monde ici appelle par son prénom, a su mettre sa clientèle à l’abri des courants d’air et créer une intimité, malgré la proximité de la rue. Dès qu’il le peut, il pare son extérieur de petits ifs ou autres suspensions de géraniums. Ce n’était pourtant pas gagné d’apporter du renouveau à ce café vieillissant. Mais le pari est réussi. Il a maintenant ses habitués, un style qui plait, même aux personnes de passage.

Après un bref point sur le boulot, Paul décide de changer de sujet. C’est exactement pour ça que je l’ai invité. Je suis de bonne humeur et je trouve que cela fait un moment que l’on n’a pas pris du temps pour nous, pour discuter simplement entre amis.

– T’as l’air d’aller mieux depuis quelques jours. Ton cher Arnaud y serait-il pour quelque chose ?

C’est vrai, j’avais du mal à exister en son absence mais je tentais de me faire une raison. De passer à autre chose. J’avais trouvé une nouvelle motivation et Paul n’avait pas tort, pour le moment, ça ne me réussissait pas si mal.

– Non et j’ai pas trop envie de penser à lui. Si tu me parlais plutôt de ta fille. Elle a encore bien grandi depuis la dernière fois.

Ah, c’est sûr, elle avait bien changé la petite Morgane, depuis cette photo qui traînait encore sur le bureau de Paul. Cette photo où elle pose avec ses parents à l’âge de trois ans, déguisée en princesse. Cette photo qui transpire le bonheur.

Depuis, elle a laissé poussé ses cheveux d’ébène. J’admire comme elle en prend soin. Longs, soyeux, il lui arrive de les natter comme lors de notre dernière rencontre. Morgane est une jeune fille délicate, qui sait se mettre en valeur. Pour autant, je la sens toujours aussi fragile physiquement. Si je la touchais, j’aurais peur de la casser, et en même temps, peur qu’elle sorte ses griffes. Car dans son regard, pas de doute, elle possède la même détermination qu’une louve qui veillerait sur ce qu’elle a de plus précieux.

– Elle prépare le bac de français ?

– C’est ça et je t’avoue que ça me désespère. J’ai l’impression qu’elle s’intéresse plus aux garçons qu’à ses cours. Sans cesse à envoyer des textos et vérifier le fil de son compte Facebook.

– Et ses notes s’en font ressentir ?

– Non, ça va. Je ne sais pas comment elle se débrouille d’ailleurs. Mais de toute façon, elle a intérêt à se maintenir au meilleur de son niveau, elle veut s’inscrire en médecine.

Il soupire. C’est sûr, ses études, ce sera du boulot mais j’ai l’impression que ce n’est pas ça qui le chiffonne.

– Tu me dis ça comme si t’étais condamné à vingt ans ferme.

– Je la voyais bien institutrice ou prof de français comme sa mère. Plus dans du littéraire en tout cas. Avant, elle était une vraie petite souris de bibliothèque.

Évidemment, dans la bouche de Paul, Morgane ne peut pas être un rat. Ca m’attendrit, cette envie qu’elle lui ressemble, leur ressemble. Seulement ce n’est pas lui qui décide. Et après tout, est-ce qu’il est déjà temps de se poser tant de questions ? Et est-ce qu’on est obligés de toujours se ranger dans des cases ? Médecin et journaliste, ou écrivain, ce n’est peut-être pas incompatible.

– Tu verras bien ce que la vie lui réserve.

– C’est sûr.

– Je sais ce que tu penses.

Je ne peux pas comprendre. Parce que ce n’est pas mon enfant, parce que je n’en ai pas, moi, d’enfant. C’est la vérité. Il existe une histoire entre eux qui n’appartient à personne d’autre. Mais je peux quand même vous dire ce que je ressens.

Le temps passe et Paul essaie de mettre un mouchoir sur les jours où sa vie semble vide et où son cœur reste froid. Pour sa fille, peut-être un peu pour lui, il avance donc, comme il peut. Et cela fait maintenant bien longtemps que sa première femme a quitté ce monde pour rejoindre l’autre mais quand il observe Morgane, c’est encore elle qu’il voit. C’est si troublant. Elle a son regard, sa fossette au niveau du menton et dans ses gènes, son intelligence, sa douceur et son sens de la justice. Tout ce qui la rend si belle, tout ce qui lui fait voir la vie sous un jour particulier. Et à chaque fois qu’il évoque sa fille, je peux percevoir de plus en plus de fierté. Il a raison, car elle devient la femme que ses parents ont toujours espérée.

– Oh, elle ne m’aime pas. Et alors ? J’ai eu son âge aussi.

Son audace. Ses certitudes. Qui passeront certainement comme elles sont venues. Alors Paul regrette mais je n’ai jamais aimé le rôle de la marâtre. Pour moi, l’histoire n’était pas écrite ainsi, j’ai préféré le laisser à d’autres. Et d’ailleurs, la place est de nouveau vacante en ce moment.

– Tu lui fais confiance, non ? Elle ira loin, mais sans laisser tomber son père, c’est pas dans son caractère, tu le sais bien.

Ça n’empêchera pas Paul d’être soucieux, mais ce n’est pas le but de toute façon. Je ne peux être sûre de rien sauf du fait que si l’existence lui a offert un cadeau, c’est sa fille. Et j’en suis persuadée, c’est réciproque, ces deux là s’aiment d’un amour sans condition.

– Crois-moi Paul, elle restera toujours ta princesse, car les filles, quelque part, restent toujours un peu des princesses, chacune en leur genre.

Inspiration : You are so beautiful, Joe Cocker


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2 Commentaires
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no doc
5 années il y a

Pourquoi tout le monde veut faire médecine…. Mais pourquoi ?
Bien décrit.

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