Sur le bord de la route

4 mins

Assis sur le trottoir, il regarde les voitures passer. Leurs phares sont les seules lumières qui éclairent la nuit. Abandonné, il fixe ses pieds. Il a peur de relever la tête. Il a peur de devoir affronter la réalité. Ce soir il a tout perdu. Pour la première fois de sa vie, il n’a plus personne. Le destin en a voulu ainsi se dit-il. À quoi bon cela sert-il de lutter maintenant. Il s’est déjà débattu toute sa vie. Il a combattu chacun de ses démons avec tant d’ardeur et les a vaincus un à un. Mais tandis qu’il pensait être sorti d’affaire, pendant qu’il pouvait respirer pour la première fois de l’air pur, il fut de nouveau tiré vers des profondeurs obscures. Dans ces lieux, rien n’était réel et rien ne l’était pas. Un endroit ou plus rien n’a de sens et où l’esprit s’emmêle jusqu’à perdre toute clairvoyance. On pourrait croire que dans cet endroit, nos sens se brouille et cèdent la place au vide. Mais c’est tout le contraire qui se produit. Nos sens sont tellement sollicités qu’ils ne savent plus où donner de la tête. De cela vient la grande confusion qui l’habite maintenant.

Toutefois, loin de perdre espoir, il a repris les armes. Face à un tel adversaire, le meilleur alliage ne suffirait pas il le savait. Il avait beau avoir appris des plus grands artisans, des plus illustres artistes et des plus sages penseurs, il ne restait pas moins que cet ennemi surpassait tous ceux qu’il avait eu à combattre par le passé. Alors que le visage de sa future débâcle se profilait à l’horizon, il aperçut le long de la route des formes s’approcher de lui. Au fur et à mesure qu’il avançait, ces silhouettes commençaient à prendre une apparence humaine. Une fois qu’il put les distinguer clairement, celles-ci prirent un prénom et un nom. Cela fait, chacune d’elles tenta de le tirer vers le haut. Il semblait qu’elles avaient toutes leurs propres techniques pour cela. Pour l’une c’était un simple sourire, pour l’autre c’était un conseil bienveillant pour une troisième c’était à l’aide d’une blague grivoise.

Ainsi il se mit en marche vers la montagne au loin. La gravir ne serait pas chose aisée il le savait bien. Mais il était sûr d’une seconde chose. Il possédait les meilleures armes jamais fabriquées. Elles n’étaient pas faites d’un alliage puissant. Bien au contraire elles paraissaient bien fragiles à première vue. Cependant, il n’était pas quelqu’un qui s’attardait sur les détails superficiels. Il sentait qu’au fond d’elles dormait un grand pouvoir. Il avait également confiance dans le fait que le moment venu, tout son arsenal serait capable de le porter vers la victoire.

Une fois arrivé face à ses adversaires, il dégaina tout son attirail. S’ensuivi un combat des plus féroces. L’atrocité qui régnait sur le champ de bataille était parée d’un sublime courage. Pendant que l’ennemi faisait déferler sur lui une tempête enragée, il répondait avec des parades des plus brillantes, exploitant chaque ouverture que son ennemi laissait paraître. Et bien qu’il fût écorché de toute part, il se démena de tout son être car sa vie en dépendait. Ce combat dura des jours et des nuits entières, et même si la fatigue l’atteignait au plus haut point il continuait de relever la tête. Chaque blessure venait renforcer sa frénésie le transformant en un véritable berzerker.

Tous ces efforts portèrent finalement leurs fruits. De ses armes commença à émaner une faible lueur qui s’étendit le long du métal et finit par rayonner du pommeau jusqu’à la pointe. Enfin, le pouvoir qu’elles renfermaient au plus profond d’elles avait daigné répondre à ses appels incessants. Dans un premier temps, cette lumière l’éblouit. Elle était si intense qu’il lui paraissait impossible de s’appuyer dessus. La peur le saisit. Il se demanda s’il était réellement capable de vaincre son ennemi. S’il était incapable d’utiliser cette force transcendante comment pouvait-il bien battre son adversaire ? Il n’eut pas besoin de donner de réponse car la lumière avait déjà commencé à imprégner son être. Elle s’immisçait partout sur et en lui. C’est alors qu’il devint un être incandescent. Il ne faisait désormais plus qu’un avec cette lumière éclatante. Investi d’une puissance infinie, il s’élança à l’assaut. Son adversaire ne semblait plus avoir de parade possible face à ses nouveaux pouvoirs. Une incroyable ardeur s’empara de lui et dans un enchainement de mouvements parfaits, il écrasa son adversaire au sol. Enfin il s’était défait de cet horrible démon. Malgré l’épuisement, un large sourire était réapparu sur son visage. Des larmes de joie coulaient le long de ses joues. Il était le plus superbe des hommes dans ce costume flamboyant. Ce moment de repos qu’il recherchait depuis si longtemps, il l’avait finalement trouvé.

Mais soudain, un vent fort se leva. Son sourire disparu. Il sentait quelque chose de grand et sournois arriver. Il se demanda s’il allait encore devoir se battre. C’est alors qu’une bourrasque le déséquilibra. Et pendant qu’il tentait tant bien que mal de rester debout, un souffle dévastateur vint le balayer et l’envoya au tapis. Bien que totalement désorienté par cette attaque inattendue, il chercha à se relever rapidement. Aussitôt il sentit la douleur refaire surface. Il sentit aussi qu’il avait perdu quelque chose. Il s’inspecta et remarqua immédiatement que son halo de lumière avait disparu, emporté par la tempête. Il prit quelques secondes pour se reprendre et décida ensuite d’analyser ce qui se passait autour de lui. Il fut frappé de stupeur lorsqu’il comprit qu’il avait mal jaugé son ennemi. Derrière la montagne qu’il venait de gravir se dressait une autre gigantesque. Il se sentait ridiculement faible face à ce mont qui se dressait devant lui. Une fraction de seconde, tout son être tenta d’avancer, mais il fut rappelé à l’ordre par les blessures qui garnissaient son corps. A bout de forces, il se laissa tomber. La chute semblait éternelle. Rien ne pouvait l’arrêter. Rien ne voulait l’arrêter. Désormais, il était condamné à une chose, errer sur ce chemin sans fin.

Assis sur le trottoir, il regarde les voitures passer. Leurs phares sont les seules lumières qui éclairent la nuit. Il se sait abandonné, le destin en a voulu ainsi. Ses compagnons s’en sont allés. Il se perd maintenant dans des plaisirs enivrants, seuls pansements à une hémorragie déversant tous ses regrets par vagues immenses dans l’océan de son esprit.

No account yet? Register

0 Commentaires
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Lire

Plonge dans un océan de mots, explore des mondes imaginaires et découvre des histoires captivantes qui éveilleront ton esprit. Laisse la magie des pages t’emporter vers des horizons infinis de connaissances et d’émotions.

Écrire

Libère ta créativité, exprime tes pensées les plus profondes et donne vie à tes idées. Avec WikiPen, ta plume devient une baguette magique, te permettant de créer des univers uniques et de partager ta voix avec le monde.

Intéragir

Connecte-toi avec une communauté de passionnés, échange des idées, reçois des commentaires constructifs et partage tes impressions.

0
Exprimez-vous dans les commentairesx