Les feuilles d’automne s’échouaient au sol une à une, déposées par un vent léger et frais. Parfois, une bourrasque venait les faire décoller pour les faire retomber un peu plus loin. Les arbres le long du sentier de terre semblaient avoir déjà oublié leurs teintes vertes et brillantes ; leurs bourgeons s’étaient refermés. Le soleil quant à lui se faisait de plus en plus timide, laissant sa place à des nuages menaçants se tenant prêt à cracher un torrent de gouttes d’eau. Le chant des oiseaux n’était plus là pour me tenir compagnie pendant que je rentrais chez moi. Ils étaient tous partis à la recherche de terres où les plaines verdoyantes n’avaient pas encore disparu. Là-bas ils pourraient continuer leur concert. Quand on y pense, les oiseaux migratoires sont un peu comme des troubadours, s’arrêtant où ils trouvent de quoi subsister. En échange, ils offrent à toutes les espèces autochtones leurs chants. En fermant les yeux, je pouvais les imaginer en train d’enchanter tout un pays avec leur gazouillement. En ont-ils seulement conscience ? Savent-ils toutes les émotions qu’ils procurent aux milliards d’êtres vivants habitant cette planète ? Et nous, sommes-nous réellement capables d’entendre chaque note qu’ils jouent ? Leurs échanges de vocalises pourraient en fait être un véritable orchestre symphonique dont la perception nous est impossible.
Une feuille virevoltant devant moi vient me ramener au tableau maussade que me dépeignait la nature. Le feuillage pris entre de multiples tourbillons venteux n’avait maintenant plus le loisir de se coucher au sol. Un écureuil qui sentait la tempête arriver traversa inconsciemment le chemin. Il était tellement affolé qu’il n’avait même pas remarqué ma présence. Sa course effrénée se finit par l’ascension d’un des rares arbres encore porteurs de la nostalgie des beaux jours. Il disparut de ma vue dès les premiers pas de son escalade.
Le petit animal ne s’était pas trompé. La tempête investit le territoire. Dès lors, ma progression devint plus complexe, ma frêle corpulence n’étant pas faite pour affronter une puissance si grande. Me recroquevillant dans mon épais manteau, je baissai la tête et continuai d’avancer. Mètre après mètre, je me rapprochai de ma maison.
Alors que la tempête redoublait d’intensité, elle fut rejointe par une pluie diluvienne. Le ciel s’était finalement décidé à assaillir la terre avec ses millions de soldats. Rapidement, mes pieds commencèrent à s’enfoncer dans la boue. Les empreintes que j’y laissais seront les seules traces de ma promenade, les seuls souvenirs de mon passage. Je relevai un instant la tête et aperçus mon habitation. Il fallait que je la rejoigne au plus vite. J’accélérai ma marche. Le ciel se mit alors à gronder et un premier éclair s’écrasa au sol. La terre commença à m’attraper par les chevilles pour permettre au ciel de parfaitement ajuster son tir. À force de lutter, je m’essoufflai. Mes pieds s’étaient embourbés dans le chemin qui ressemblait maintenant à un « no man’s land ». Arrivé à quelques mètres de la porte, je réussis à me défaire de mes agresseurs, mais exténué par ce combat intense, je m’écroulai sur le porche.
Lorsque mes yeux se rouvrirent, j’étais allongé au coin du feu. J’entendis des bruits de pas se rapprocher. Une silhouette apparut dans l’encadrement de la porte et s’écria :
– Ah tu es enfin réveillé !