Le Berceau du Chaos. (Réécriture du chapitre 1er!!)

“Ases.

Je suis dieu et rien en même temps, 

Vide et plein à la fois. 

Mais je suis seul. Le seul être vivant,

Dans ce monde vide et noir. 

Ases.

Moi, le Dieu- Père de l’Inexistence et du Chaos,

Né dans le froid et les ténèbres,

Fils de personne et orphelin sans berceau,

Je parcoure les abysses de cet univers. 

Comment faire naître à partir d’un rien?

Comment donner vie au milieu de l’absence?” 

Le rouge carmin, explosif et flamboyant de ses yeux, était l’unique chose qui transperçait la nébulosité.

Il demeurait là, flottant parmi le non- être, plongé dans sa réflexion. Le Dieu- Père ne dormait plus tellement cette idée l’obsédait.

“Ezphine.

Tu as jailli de mon âme assoiffée,

Minuscule mais aveuglante étincelle,

Tu frémis et pétilles de vitalité.

Dans ma main gauche je te tiens,

Je t’observe comme un enfant hébété

Ouvrant les yeux sur son premier matin. 

Ezphine.

L’émotion est telle que de mon œil droit

Glisse une larme rougeoyante et chaude,

Tombe au creux de ma paume,

Tout contre toi.

En refermant sur vous mes doigts,

Je prie pour que vous ne fassiez plus qu’une elle et toi.” 

L’orbe devint bulle, l’épaisseur flamboyante se fit transparence pour dévoiler une créature féminine nue et allongée. Une chevelure brune couvrait sa peau blanche jusqu’aux genoux. Ses yeux clos ne laissaient transparaître qu’un calme inaltérable. Elle était de taille moyenne et mince, bien proportionnée.

Ases était subjugué par la beauté qui se trouvait devant lui. Il passa sa main au dessus du corps endormi et l’enchantement se dissipa.

La jeune femme ouvrit les yeux, révélant un panache de mauve profond, d’orange vif et de rose effacé.

“ Ezphine.

Moi, Déesse- Mère de la Création et de la Magie,

Épouse et fille de celui qui m’a insufflé la vie,

Pilier de cette terre,

Immortelle parmi les vivants. 

Ezphine.

J’explorerai toute cette vaste étendue,

Cette noirceur sans guide;

J’imaginerai mille et unes créatures à nos pieds,

Nous vénérant pour les avoir façonné.” 

Dans l’euphorie de l’instant créatif, le Dieu- Père s’adonna à l’agencement de ce monde nu et fade qui l’entourait. Le Dieu- Père pouvait désormais marcher sur une terre solide, dure, froide et sèche. D’une vision spirituelle, il mit sur pied des immenses pics rocheux qui ne prenaient autre couleur que celle du charbon, une voûte au centre de la place qui s’effondra de moitié peu de temps après son édification et un bâtiment qui montait eau dans l’espace.Lui aussi s’écroulait à mesure qu’Ases s’en approchait. Les Brumeuses avaient davantage l’air sinistres et désolées.

Ases aurait voulu développer cette terre; l’animer, que des forêts s’étendent jusqu’à l’infini, qu’une lumière stellaire éblouisse l’univers tout entier . Mais chaque petite étincelle qu’il parvenait à faire éclater s’évanouissait aussitôt. Comme si la lumière le fuyait. Un vent glacial soufflait légèrement qui se mua en tempête. Si ce n’est pas Les Brumeuses qu’elle ravageait, elle détruisait, néanmoins, le cœur du Dieu-Père, le rendant désagréable, acerbe et facilement irascible.

” Si même la lumière me résiste,

Qu’à jamais elle soit maudite

De cette Terre inexpressive!

Toute chose, ici- bas,

Ne sera vouée qu’au trépas!

Mais puisqu’il faut me couvrir, et sans tarder,

D’une enveloppe charnelle des plus appropriées,

Qu’elle en soit le triste reflet!

D’os en chair, la forme je prendrai,

Un apparat d’ombre aux effluves de terreur je revêtirai

Tous s’inclineront devant moi ou périront de mes mains émaciées!“

Dans un hurlement perçant et glaçant, une nouvelle part du Dieu- Père poussa en lui, en même temps que le peu d’âme qu’il possédait s’évapora.

Un règne d’angoisse. Voilà ce qu’annonçait ce cri.